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Actia : « Aujourd’hui, la performance achats repose plus sur le délai que sur le coût »

Par Guillaume Trecan | Le | Si ha

Vincent Turmel, directeur achats d’Actia, fabricant de composants électroniques pour l’automobile et les télécoms, a renforcé la capacité de résilience du groupe en déployant un SRM avec Axiscope. Pour aller plus loin dans la gestion des risques, il multiplie à présent les outils avec notamment un indicateur d’approvisionnabilité et un programme Redesign to Deliver.

Actia : « Aujourd’hui, la performance achats repose plus sur le délai que sur le coût »
Actia : « Aujourd’hui, la performance achats repose plus sur le délai que sur le coût »

Que représentent les Achats chez Actia ?

Je suis rattaché au PDG d’Actia, Jean-Louis Pech et je suis en charge des Achats d’Actia Automotive. Notre organisation achats vise à se centraliser davantage en créant des synergies avec les divisions Télecom et Power. Nous couvrons 250 millions d’euros d’achats de production et 30 millions d’euros d’achats hors-production. Le département achats, qui représente une cinquantaine de personnes, est réparti en quatre entités : achats hors-production, achats projets, achats séries et qualité fournisseur. Au-delà, des acheteurs travaillent dans les filiales intégrées dans les différentes divisions, qui me sont rattachés fonctionnellement.

La fonction approvisionnements a également été rattachée aux Achats à ma demande, pour nous permettre de mieux traverser cette période de pénurie de composants

En avril dernier, la fonction approvisionnements, qui comprend une quinzaine de personnes, a également été rattachée aux Achats à ma demande, pour nous permettre de mieux traverser cette période de pénurie de composants. Pour mieux déployer nos outils et nos process métier dans une logique de digitalisation, nous avons aussi créé un poste de Purchasing Performance Manager.

L’implémentation en cours d’un SI achats est un autre atout dont vous avez voulu doter la fonction pour affronter la conjoncture actuelle. Quel est le contour de ce projet ?

En 2019, afin de répondre au besoin de disposer d’un SRM pour centraliser au maximum les échanges avec nos fournisseurs, nous avons lancé un appel d’offres à l’issue duquel nous avons retenu Axiscope. Nous avons initialement développé des modules de suivi des réclamations fournisseur, d’audits process, de référentiel PPAP (Production Part Approval Process, ndlr.) spécifique à l’automobile qui porte sur la qualification des pièces en phase projet. L’année 2019 - record en terme de chiffre d’affaires, avec 520 millions d’euros - est également l’année où le responsable assurance qualité fournisseur, venu d’un grand constructeur automobile, a mis en exergue la nécessité de digitaliser, de simplifier, de standardiser et d’automatiser les flux d’échanges sur les réclamations et le suivi des actions correctives. Cette base concerne essentiellement les achats de production et est utilisée par environ 300 fournisseurs.

Nous sommes aujourd’hui en train d'étoffer notre cahier des charges avec des modules complémentaires pour nous aider à faire face à la crise que nous traversons. Nous finalisons le module de performance QCD et nous sommes en train de développer un module spécifique au suivi des outillages de production. A terme nous pourrions ajouter des modules liés à la gestion des risques, le suivi des approvisionnements critiques, ou encore la gestion des RFQ.

Ce projet est non seulement un investissement non négligeable, mais aussi une petite révolution culturelle.

Comment organisez-vous la dimension conduite du changement dans ce projet de SI achat ?

Ce projet a initialement fait l’objet d’une présentation au comité de direction d’Actia groupe. C’est non seulement un investissement non négligeable, mais aussi une petite révolution culturelle. En digitalisant les échanges de données avec les fournisseurs, Axiscope est un élément de la montée en maturité de la fonction. Son implémentation représente un pas important franchi par l’entreprise pour valoriser la fonction achat et en faire une fonction stratégique.

La conduite du changement concerne essentiellement les utilisateurs au niveau du département achats, à commencer par la fonction assurance qualité fournisseurs, la première impliquée et le responsable performance achats, en charge de tous les outils et de nos méthodologies d’achat. Il intervient en soutien du déploiement et s’assure que les acheteurs s’approprient l’outil. C’est un outil attractif, visuel, simple à utiliser qui apporte un accès à l’information en temps réel. Il doit être utilisé au quotidien par les acheteurs pour en extraire les informations nécessaires au pilotage de la performance fournisseurs.

Pour leur présenter l’avancement des différents modules, nous organisons des sessions de sensibilisation, des revues trimestrielles avec l’ensemble des équipes achats. Petit à petit, les différents utilisateurs prennent connaissance de l’outil, apprennent à le connaître et sont en mesure d’en faire la promotion dans l’organisation.

Nous travaillons également sur la notion de « procurability » qui caractérise notre capacité à nous approvisionner. L’électronique représente 80 % du montant de nos achats

Qu’est-ce que ce projet vous apporte face aux problèmes de pénuries ?

Nous avons lancé un programme appelé « résilience supply chain » qui va nous permettre de mieux anticiper les crises à venir. Nous vivons dans un monde instable et nous nous préparons à devoir vivre avec un certain nombre d’aléas et de risques. Outre un module de gestion des risques, nous travaillons également sur la notion de « procurability » qui caractérise notre capacité à nous approvisionner. L’électronique représente 80 % du montant de nos achats. Les semi-conducteurs sont extrêmement stratégiques pour nous et nous monitorons pour l’instant uniquement leur obsolescence. Reste donc à mesurer notre capacité d’approvisionnement des composants à travers le monde.

Comment avez-vous construit cet indicateur d’approvisionnabilité ?

Cet indicateur, que nous avons mis en place en septembre 2021, est propre aux composants électroniques. Pour la partie fabrication des wafers et la partie test et packaging des composants, nous mesurons le niveau de multi-source, les lead time, l’équilibre make or buy, le niveau de maturité des composants… Cela nous donne un niveau de risque, qui peut être atténué par des plans d’action du fournisseur.

En parallèle, nous avons mis en œuvre un programme Redesign to Deliver. Dans la période inflationniste actuelle, nous pouvons nous opposer à certaines hausses, mais il est surtout vital pour l’entreprise d’avoir des pièces pour produire. Aujourd’hui, la performance achats repose plus sur le délai que sur le coût. Notre chantier Redesign to Deliver s’appuie sur une analyse de criticité des BOM de nos produits, qui repose sur différents critères, dont ce paramètre d’approvisionnabilité. Nous proposons à nos clients des redesign partiels de nos produits, de façon à pouvoir les livrer. Ce sont des mini-projets multidisciplinaires que nous exécutons très rapidement, entre trois et six mois maximum.

Nous sommes entre des clients et des fournisseurs qui sont beaucoup plus grands que nous et nous sommes crédibles et légitimes à partir du moment où nous montrons notre valeur ajoutée

Actia est une ETI qui évolue entre des clients grands groupes et des fournisseurs grands groupes. Comment parvenez-vous à les entraîner dans ces démarches de redesign ?

Nous sommes entre des clients et des fournisseurs qui sont beaucoup plus grands que nous et nous sommes crédibles et légitimes à partir du moment où nous montrons notre valeur ajoutée. Notre force en tant qu’ETI est notre réactivité. Dans cette crise, nous avons ainsi été capables de développer très rapidement de nouveaux outils spécifiques au contexte.

En prévision d’une sortie de crise en 2023, nous préparons à pérenniser ces outils développés initialement sur Excel, de façon à pouvoir maximiser notre chiffre d’affaires à partir de 2023. Dans le cadre de notre changement d’ERP, au premier semestre 2023, nous devons définir sur quel type de plateforme seront intégrés nos outils d’analyse des risques fournisseurs et d’analyse de criticité.

Quels sont les KPI de réussite de ces nouveaux outils ?

Nous évaluons de un à quatre le niveau de criticité de nos composants, en fonction du délai sous lequel ils risquent d’être en rupture, certains le sont sous trois jours, d’autres deux mois. Le niveau de criticité dépend aussi de l’efficacité des quatre leviers à notre portée pour contrer ou prévenir ces ruptures. Ensuite, notre principal indicateur est au niveau de la production, le taux de rendement global (ou taux de rendement synthétique). Nous suivons également des indicateurs traditionnels : un indicateur de performance économique, le Purchasing Price Variance qui permet de calculer les écarts entre le prix réceptionné et le prix de référence, en fonction de la quantité réceptionnée. Nous monitorons aussi les PPM et l’OTD. Nous essayons actuellement de les faire évoluer pour trouver d’autres mesures liées au contexte.

Les Achats d’Actia en chiffres

Chiffre d’affaires groupe : 463 M d’€

Chiffre d’affaires de la division automobile : 300 M d’€ 

Montant des achats : 280 M d’€ dont 250 M d€

Effectif total : 3 600 personnes

Effectif achats : 50 personnes en reporting direct