Ville d’Antony : « L’acheteur public doit être capable de démontrer sa plus-value »
Par Guillaume Trecan | Le | Rh ha
Cet article est référencé dans notre dossier : Dossier spécial Achats Publics : Particularités et vertus des achats publics
Yannick Tissier-Ferrer, directeur de la commande publique de la Ville d’Antony explique la difficulté de cerner le profil type de l’acheteur public, qui concerne en définitive une infinité de situation. Tous convergent toutefois autour d’une nécessité de travailler sa communication envers les prescripteurs et sa posture d’apporteur de solution pour aller au-delà du rôle de contrôleur de la conformité. Il sera grand témoin de l’atelier-débat : « RH : acheteurs publics, une fiche de poste et 1000 réalités », lors des HA ! Days Achats Publics les 3 et 4 décembre à Deauville.
Existe-t-il dans la nomenclature des postes de la fonction publique, une définition de l’acheteur ?
Il est, dans les faits, très compliqué de donner une seule définition de ce métier. On ne retrouve la notion du métier d’acheteur public dans les textes que depuis 2016. Auparavant, le code parlait de personnes responsables du marché. Les répertoires des métiers publics recensent désormais plusieurs profils d’acheteurs publics dont les compétences englobent la dimension juridique et la dimension économique des achats. Mais derrière ce terme se cachent de nombreuses réalités de terrain. A titre d’illustration, le répertoire des métiers de la fonction publique recense treize métiers rattachés à la fonction achats, mais le contenu des fiches de postes publiées avec les offres d’emplois n’est pas toujours concordant avec ces profils-types. Ce qui pose une question : peut-on avoir des profils valant pour toutes les catégories de structures soumises au code de la commande publique ?
Quelle est la mission de l’acheteur public dans ces textes ?
Si l’on se fonde sur les textes, la fonction de l’acheteur consiste à acheter de manière sécurisée avec la plus grande concurrence possible, tout en ayant une approche économique et durable de l’achat. Cela implique du contrôle de l’efficacité économique. D’ailleurs, le texte utilise plutôt le terme d’acheteur pour cibler les organisations soumises aux codes et non les profils des personnes qui en sont chargées, ce qui peut expliquer en partie la difficulté à en déduire un profil-type.
Comment évolue le profil type de l’acheteur public ?
Il existe plus de 40 000 structures achats publiques en France, dont beaucoup de petites collectivités qui n’ont même pas de personnel dédié à la passation de marchés. Globalement, la fonction est sous-dotée, y compris en ce qui concerne la compétence juridique. Lorsqu’il existe une personne dédiée, il s’agit le plus souvent de juristes, ou de personnes ayant acquis une expertise juridique de terrain. Les structures les plus importantes, qui parviennent à avoir juristes et acheteurs, voire un chef de mission achats responsables, sont moins nombreuses, mais cette organisation se développe.
Le portrait-robot que l’on peut dessiner de l’acheteur combine le profil d’un juriste marché - qui reste le plus répandu - avec une connotation acheteur
Certaines collectivités en avance sur leur temps recrutent dans le privé des profils considérés comme des spécialistes des achats, plutôt que des marchés publics. Le portrait-robot que l’on peut dessiner de l’acheteur combine le profil d’un juriste marché - qui reste le plus répandu - avec une connotation acheteur. En parallèle, il y a aussi une tendance à augmenter les missions et le périmètre d’intervention de cet acheteur qui combine une fonction économique - sourcing, négociation et sécurisation des procédures - sociale, environnementale, tout en lui demandant de s’impliquer au niveau de l’exécution des contrats. Dans les structures les plus matures, on distingue bien la fonction de juriste marchés et la fonction d’acheteur, plus similaire aux profils du privé, ce qui permet d’atténuer cette tendance à étendre l’amplitude du poste.
Dans de nombreux cas, le métier reste à construire. Cela soulève le problème de la posture de l’acheteur et de sa capacité à communiquer. Au-delà de la question des savoir-faire que l’on exige des acheteurs, la fonction d’acheteur public implique donc beaucoup de savoir-être.
Nous sommes constamment obligés de justifier notre rôle et de chercher à remporter l’adhésion
Vers qui l’acheteur public doit-il tourner ses efforts de communication ?
Les acheteurs publics doivent parfois s’insérer dans des structures dans lesquelles ils doivent eux-mêmes trouver leur place. Nous sommes constamment obligés de justifier notre rôle et de chercher à remporter l’adhésion. Si nous voulons nous orienter vers une fonction achats mêlant des dimensions économique et environnementale nous ne pouvons plus nous contenter d’agir uniquement en contrôleurs, ce à quoi la formation juridique nous prédispose (pour ceux, encore nombreux, qui sont issus de cette filière). Il faut donc être capable de prendre l’initiative et de démontrer ce qu’il y a à gagner à aborder les contrats avec une autre dimension que la seule conformité réglementaire, d’autant plus que cela demande aux prescripteurs de s’impliquer dans une démarche un peu plus compliquée et un peu plus longue. La communication de l’acheteur doit également s’orienter vers les entreprises qui lisent nos contrats et qui peuvent avoir un prisme et des attentes totalement différentes des attentes internes.
Qui est en général le N+1 de l’acheteur dans une collectivité territoriale ?
Là encore, il n’y a pas de réponse-type. La fonction achats est le plus souvent rattachée un DGA qui regroupe toutes les fonctions support : RH, Finance, Juridique, ou encore Informatique. Quelques structures achats et commande publique sont directement rattachées au DGS, mais encore faut-il qu’il ait un intérêt pour l’achat public.
Il faut également considérer le portage politique, qui a son importance pour arbitrer sur des stratégies achats. Sur ce point aussi les situations sont très hétérogènes. Un point interpelle d’ailleurs sur la maturité et l’autonomie de la fonction achats : la plupart du temps, la fonction achats est intégrée au sein des directions Juridiques et Marchés ou Finances et Marchés. Il est encore trop rare de rencontrer des directions Achats Marchés. Il est même arrivé que des collectivités qui avaient une direction achats à part finissent par la rattacher aux Finances ou aux Affaires Juridiques. Dans les plus petites structures, la fonction achats est même parfois noyée au sein des opérationnels.
Séparer la fonction achats, c’est potentiellement un poste de direction de plus dans des collectivités aux effectifs de plus en plus contraints
Cela pose une double problématique : la reconnaissance et la spécialisation du métier d’une part - peut-on réellement aujourd’hui trouver des managers pouvant efficacement animer achats et juridiques ou finances - et les ressources disponibles de l’autre. Séparer la fonction achats, c’est potentiellement un poste de direction de plus dans des collectivités aux effectifs de plus en plus contraints.
Quels conseils donneriez-vous à un acheteur public pour qu’il trouve le bon positionnement ?
L’action la plus accessible à tous consiste à travailler sa posture, à se positionner en facilitateur, à chercher des solutions. Il faut adopter une posture plus ouverte, tournée vers les prescripteurs pour trouver les leviers grâce auxquels il est possible de leur apporter des solutions au-delà de la seule conformité réglementaire. Il est également important de structurer son reporting, d’effectuer un management de la qualité en compilant différents indicateurs de performance : délais de traitement, gains, taux de couverture marché, délais de paiement, objectifs RSE… L’acheteur public doit être capable de démontrer sa plus-value. Il doit travailler son discours sur le sens de la démarche achats, en partant des problèmes rencontrés par sa structure. Il faut être capable de s’appuyer sur des exemples pour démontrer ce qu’apporte une démarche achats.