Bientôt un fonds d’investissement pour sécuriser l’approvisionnement en métaux rares
Par Guillaume Trecan | Le | Énergie environnement
L’ancien président de France Industrie, Philippe Varin, vient de remettre son rapport à Agnès Pannier Runacher et Barbara Pompili sur la sécurisation de l’approvisionnement de l’industrie en matières premières minérales.
Commandé en septembre 2021, ce rapport a été remis en présence d’acteurs intéressés au plus haut point par la question : le comité stratégique de filière mines métallurgie, la Plateforme de la filière automobile (PFA) et les représentants des trois gigafactories françaises en développement : ACC, Verkor et Enision. Une présence qui illustre la nécessité, rappelée par Philippe Varin de « travailler sur le lien entre les filières amont et aval lorsqu’on parle de la sécurisation des métaux »
Le monde d’après sera certes pauvre en carbone mais certainement riche en métaux
Pour l’ex-président de PSA Peugeot Citroën, qui a par ailleurs présidé le conseil d’administration d’Areva et travaillé vingt-cinq ans chez Péchiney, le contexte est tendu mais, surtout, l’avenir proche promet de l’être encore plus. « Le monde d’après sera certes pauvre en carbone mais certainement riche en métaux », résume Philippe Varin, qui prophétise que, avec les nouveaux besoins nés de l’électrification, d’ici 2030, la demande en cuivre va doubler, elle va être multipliée par trois concernant le nickel, par quatre pour le lithium et à peu près autant pour ce qui est des terres rares.
Pour 70 à 90 % sourcé hors de l’UE
« Sur ces sujets, la Chine a pris une vingtaine d’années d’avance sur l’Union européenne, en contrôlant les chaînes d’approvisionnement batteries sur le lithium, le nickel et le cobalt entre 40 et 60 % », analyse Philippe Varin, qui rappelle que « la Chine produit aujourd’hui 90 % des aimants ». « En 2030, les approvisionnements de ces métaux viendront de l’extérieur de l’Europe pour 70 à 90 % de nos besoins », résume l’ancien président de France Industrie.
Pour compenser ces risques, son rapport, qui s’appuie sur une centaine d’entretiens liste trois propositions qui devraient être mises en œuvre à court ou moyen terme. La plus marquante est la création d’un fonds d’investissements, mêlant investissement privé et investissement public, destiné à intervenir en fonds propre pour renforcer la résilience des entreprises ou en subvention, sous forme d’avances remboursables.
Des appels à projet au moins jusqu’en 2024
Pour abonder ce fonds, le gouvernement pourra compter sur une partie des 850 millions d’euros de France Relance dédiés à la sécurisation des intrants critiques de l’électronique. Sur cette enveloppe, une centaine de millions d’euros a déjà été investie pour soutenir une quarantaine de projets. Dans le plan France Relance 2030, une enveloppe d’un milliard d’euros a été prévue par le gouvernement pour soutenir des projets de sécurisation des approvisionnements. Un premier appel à projets a été lancé le 10 janvier. Il sera ouvert jusqu’en 2024 et permettra de soutenir des projets susceptibles de réduire le degré de dépendance nationale vis-à-vis de fournisseurs européens, soit en sécurisant l’approvisionnement en matières vierges, soit via le recyclage ou encore en soutenant des procédés technologiques innovants économes en matières premières et en énergie.
En parallèle de la création de ce fonds, un label portant sur la durabilité et la recyclabilité des matériaux d’origine des batteries est en cours d’élaboration. « Les concepts de mine responsable ne sont pas mis en œuvre par certains acteurs mondiaux et nous pourrions garantir avec ce fonds que nous opérerons ainsi dans les mines dans lesquelles nous prendrons des participations », explique Philippe Varin.
Attirer les étapes intermédiaires de valeur ajoutée à Dunkerque et Lacq
L’autre proposition, à défaut de pouvoir localiser sur le territoire français les mines elles-mêmes, consiste à favoriser l’implantation sur le territoire français des étapes intermédiaires de valeur ajoutée : raffinage des métaux, cathodes, électrolyses, membranes, etc. Pour ce faire, deux sites sont ciblés pour y implanter des plateformes industrielles : Dunkerque, d’une part - à la fois proche des sites de gigafactories, favorable à des activités logistiques, proches de futures sources d’énergies éoliennes et de l’Allemagne - et Lacq (64), où s’implante un site de recyclage des aimants de smartphone et de moteurs opéré par une joint venture entre Orano et Carester.
Enfin, la troisième étape concerne l’élaboration d’une feuille de route commune sur les métaux des prochaines générations de batteries entre la recherche privée mobilisée notamment par les opérateurs des gigafactories et la recherche publique. De ce côté la France pourra notamment s’appuyer sur les compétences du CNRS et du CEA, mais aussi du BRGM, au sein duquel va être créé un Observatoire des métaux critiques.
Pour compléter le dispositif, un délégué interministériel à la sécurisation de l’approvisionnement en métaux stratégiques devrait prochainement être désigné.