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SDI : « Les cessations volontaires d’activité sont de plus en plus nombreuses »

Par Mehdi Arhab | Le | Énergie environnement

Par la voix de son secrétaire général Marc Sanchez, le Syndicat des indépendants et des TPE (SDI) tire la sonnette d’alarme sur l’augmentation affolante des prix de l'énergie qui affecte nombre de ses adhérents. Alors que sur le terrain règne l’appréhension et la colère, le SDI implore les pouvoirs publics de mettre en oeuvre des plans d’aide transitoires plus efficaces, sans quoi, de nombreuses TPE mettront la clé sous la porte.

Marc Sanchez, secrétaire général du SDI  - © D.R.
Marc Sanchez, secrétaire général du SDI - © D.R.

Vous ne cessez d’alerter les pouvoirs publics sur la capacité des TPE à affronter l’augmentation galopante des prix de l’énergie. Pouvez-vous nous décrire vos sources d’inquiétude ?

La problématique de l’augmentation des prix des énergies est le sujet du moment. Elle engendre un stress immense pour beaucoup de dirigeants. Nous travaillons depuis quelques semaines sur le sujet avec Bercy pour définir les conditions d’accompagnement que l’État devra nécessairement mettre en place à l’endroit de certains secteurs d’activités, eu égard à l’explosion des prix d’achats. Les prix de l’énergie suivant ceux du gaz, la multiplication des facturations est tout bonnement colossale et cela commence à nous inquiéter fortement. Nous étions déjà intervenus au mois d’octobre dernier, sur des problématiques spécifiques aux boulangers, la sous-traitance industrielle, les fonderies ou encore la menuiserie, car ces structures sortent du tarif régulé.

Un tel saut ne fait grignoter la marge des entreprises concernées, la rémunération de ses dirigeants, ainsi que celle de ses salariés.

Pour rappel, si une entreprise compte une puissance compteur inférieure à 36 KVA/an, la tarification de l’énergie est limitée à deux augmentations. Pour 2022, une des augmentations s’établissait à 4 % et l’autre, validée dans le cadre du PLF, se porte à 15 % pour l’année 2023. Toutes les autres entreprises vont en revanche subir de plein fouet des augmentations de prix, pouvant être multipliées de quatre à huit fois la tarification 2021 et 2022. Imaginez le choc ! Un tel saut ne fait que grignoter la marge des entreprises concernées, la rémunération de ses dirigeants, ainsi que celle de ses salariés.

Comment les chefs de TPE vivent-ils le moment et comment les accompagnez-vous ?

La prise de conscience des chefs d’entreprises est de plus en plus prégnante. Traditionnellement, la problématique de l’énergie n’est pas leur premier souci, mais elle tend bien évidemment à la devenir. Nous avons commencé à signaler ces problématiques d’augmentation dès le début de l’année, très en amont. Et pour cause, avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, il ne fallait pas être devin pour imaginer que nous ferions face à des difficultés d’approvisionnement en gaz. Le prix du gaz étant indexé sur les prix de l’électricité, il était évident que nous serions en proie à des augmentations de prix affolantes. Il n’était pas sorcier de saisir tout cela et d’anticiper que le conflit allait s’éterniser, avec les conséquences que cela engendrerait. 

Quelles réponses ont été apportées par le gouvernement ?

Pour les entreprises, que nous estimons tout de même au nombre de 600 000, dont la consommation en électricité dépasse 36 KVA/an, il était nécessaire que des plans d’accompagnement soient mis en place. L’un d’eux a été mis en œuvre en juillet dernier. Deux versions de ce plan ont été imaginées successivement : la première, du mois de juillet donc, était malheureusement affectée par une maladie française chronique, à savoir sa bureaucratie qui a rendu son instauration complètement inefficace. Il fallait remplir de nombreuses conditions pour y avoir accès : l’augmentation de facturation liée à une croissance du chiffre d’affaires de 3 % ou encore l’obligation de calculer son EBE par rapport à l’année 2021 … C’était somme toute assez complexe.

En s’appuyant sur des simulations que nous avons imaginées, en lien avec les cas concrets présentés par nos adhérents, la baisse tarifaire occasionnée par le plan ne devrait être que de 14 %

Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle, a pris alors la décision en septembre de simplifier le système. Le problème étant que la nouvelle version n’a été présentée que deux mois plus tard … Celui-ci se caractérise par une souplesse un chouia accrue, avec le retrait de l’exigence concernant l’EBE. En moyenne, nous estimons à 25 % l’augmentation des prix des factures d’électricité et de gaz entre le mois de septembre et le mois de décembre pour lesdites TPE. Or, en s’appuyant sur des simulations que nous avons imaginées, en lien avec les cas concrets présentés par nos adhérents, la baisse tarifaire occasionnée par le plan ne devrait être que de 14 %. C’est tout bonnement insuffisant.

L’année 2022 s’achève et 2023 pointe le bout de son nez avec ses incertitudes. Comment abordez-vous la suite ?

L’exercice 2023 nous inquiète davantage, les perspectives n’étant pas des plus reluisantes. La note risque d’être extrêmement salée. La position du gouvernement a évolué, mais ce plan reste encore relativement complexe à mettre en œuvre et ne prend en charge, selon nous, qu’une partie de la facturation. Le deuxième plan, amortisseur électricité, qui a été négocié tout récemment et qui sera instauré dès le début de l’année 2023 pour les entreprises dont la consommation dépasse 36 KVA/an, nous semble encore assez inadapté.

Les entreprises ne peuvent profiter d’exonération qu’au-delà de 325 kW/an consommés. Pour le tunnel de 325 à 800 kW/an, une prise en charge de la part d’augmentation à hauteur de 25 % avait été annoncée, avant d’être revue à la hausse par Bercy à hauteur de 50 %. Toujours est-il que la prise en charge sera, grosso modo, d’environ 25 % en 2023.

Qu’est-ce que cela signifie ? 

À titre d’illustration, pour une fonderie de trois salariés dont la facture totale d’énergie était de 4000 euros en 2021, l’augmentation des coûts de l’énergie la porte aux alentours de 25 000 euros en 2022. La prise en charge ne se ferait donc qu’à hauteur de 6000 euros et obligerait ainsi cette entreprise à assumer un reliquat de 19 000 euros. Et c’est ici que ça bloque, car beaucoup de nos TPE n’ont pas la trésorerie à disposition pour assumer ces surcoûts énergétiques. Un manque qui s’explique en premier lieu par la hausse des coûts des matières premières et la baisse de la consommation. À cela s’ajoute une autre problématique : nos TPE ne peuvent totalement répercuter cette tendance haussière de manière intégrale à l’endroit des consommateurs, au risque de retrancher la consommation des particuliers encore et encore.

La puissance publique demande de façon induite aux dirigeants d’entreprise de picorer sur leur marge. Mais ce n’est ni tenable, ni souhaitable

La puissance publique demande de façon induite aux dirigeants d’entreprise de picorer sur leur marge. Mais ce n’est ni tenable, ni souhaitable. En outre, le remboursement du PGE, qui a débuté courant de l’année, presse de plus belle les dirigeants. En cumulant l’ensemble de ces postes de dépenses, les TPE ne savent où donner de la tête. Pour les TPE dont le taux de rentabilité est compris entre 3 et 5 %, le résultat est tout simplement catastrophique. Leur marge bénéficiaire est de fait déficitaire de 10 à 15 points.

Quels sont les risques encourus par ces TPE ?

Peu de solutions se présentent réellement aux dirigeants de TPE dans ce cas. Les plus anticipatifs, ne pouvant plus tenir et ne voulant pas s’écrouler, arrêtent leur activité et tentent de préserver ce qu’il y a encore à préserver, en liquidant leur passif avec l’actif qu’ils ont encore à disposition. Les cessations volontaires d’activité sont en effet de plus en plus nombreuses. Entre 2020 et 2022, selon les chiffres de la Banque de France, le taux de cessation volontaire est passé de 100 000 à 250 000, soit près de 70 % d’augmentation.

Sur la problématique énergétique, nous avons encore quelques marges de manœuvre. L’objectif n’est pas de prolonger le « Quoi qu’il en coûte », car il n’est pas question que nos entreprises soient perfusées, mais que les aides soient mieux adressées. Pour les 600 000 TPE concernées par cette problématique, le risque est tout simplement de les voir s’effondrer. Le risque de défaillance est massif et nous n’en sommes déjà pas loin au regard des statistiques émises par la Banque de France. Sur la semaine du 21 novembre, plus de 1000 entreprises ont fait faillite. 

Quelles sont vos recommandations et vos perspectives ?

Je pense que nous sommes entendus, la question étant de savoir si nous sommes vraiment écoutés. Bercy fait valoir ses cartes de maîtrise budgétaire, tandis que nous faisons valoir nos cartes concernant la sauvegarde de notre tissu économique et de millions d’emplois. Il faut que les pouvoirs publics s’inscrivent dans une logique de priorisation des entreprises et secteurs d’activité ciblés. Nous tentons d’apporter au gouvernement tous les éléments nécessaires et suffisants en ce sens, afin d’établir un plan d’action efficace et améliorer les dispositifs pour l’année 2023. Les pouvoirs publics doivent donc faire un effort, avec une aide proposée mieux pensée et plus efficace d’un point de vue financier.

Pour ce qui est de nos adhérents, nous leur demandons d’être anticipatif au possible. Si leur consommation énergétique dépasse les 36 KVA/an, ils doivent impérativement effectuer un état des lieux de leur consommation, prendre connaissance de leur contrat et noter sa date de clôture, afin d’anticiper au mieux la hausse tarifaire et l’impact financier qu’ils subiront. Nous les invitons également à faire jouer la concurrence, pour obtenir l’offre la mieux-disante pour l’exercice 2023. Nous leur conseillons également de prendre attache avec nos services, pour étudier dans quelle mesure le plan amortisseur électricité les aidera à titre individuel.