Lacoste : « Nous avons décidé d’explorer le potentiel de l’IA dans la création d’assets visuels »
Anne-Laure Ménard, marketing & branding procurement manager de Lacoste expose des premiers cas d’usage réussis d’IA générative appliquée à la création visuelle. Elle sera grand témoin sur l’atelier « L’IA au service des marques » le 13 mai, à Deauville, lors des HA Days marketing communication.

Pour quelles raisons avez-vous choisi d’explorer les possibilités qu’offre l’IA dans la création d’assets visuels ?
Aujourd’hui, avec la tendance du développement des ventes en ligne, les consommateurs ont besoin de consulter de plus en plus de visuels d’un même produit avant de passer à l’acte d’achat : à plat, porté, avec une vision à 360°, et, si possible, avec une vidéo qui lui permettra de s’assurer du tombé du vêtement. Les budgets ne sont pas extensibles et nous avons déjà travaillé la plupart des leviers d’optimisation sur ce sujet. Dans le cadre de notre veille constante du marché, nous avons décidé d’explorer le potentiel de l’IA dans la création d’assets visuels pour répondre à une forte tendance marché, à un cadre budgétaire restreint et à un impératif de vitesse d’exécution.
Chez Lacoste, nous avons lancé plusieurs POC dans le cadre de notre veille technologique avec pour but de mesurer l’évolution des différentes solutions
Quels cas d’usage avez-vous testés ?
Les cas d’usage sur le marché sont multiples et variés et l’apport de l’IA peut se faire à différents niveaux : par exemple, le recours à l’IA peut être une aide dans le processus de retouches pour automatiser certaines tâches (redimensionnement image, changement de fond, etc.), pour créer un arrière-plan qui sera intégré derrière le produit, pour mettre en situation des articles VS un croquis pour aider à la prise de commande de nos marchés, pour générer des mannequins, pour adapter le produit à différentes morphologies et/ou carnations et même l’IA offre la possibilité de tout créer de A à Z : le fond, les produits, les mannequins. Chez Lacoste, nous avons lancé plusieurs POC dans le cadre de notre veille technologique avec pour but de mesurer l’évolution des différentes solutions.
En quoi cet acte d’achats diffère-t-il d’un achat de création visuel traditionnel ?
Le process d’achat classique de contenus visuels est bien maitrisé : nous avons un pool d’agences partenaires avec des TJ et honoraires négociés. Côté création, le Directeur artistique adresse un brief à une agence de production qui met en place une équipe technique : photographe, réalisateur, assistants, maquilleurs, stylistes, ingénieur son/lumière, etc. C’est un process que nous pratiquons depuis longtemps.
Avec l’IA, nous achetons une prestation technique, les structures de coûts ne sont donc plus les mêmes et les process métiers sont également différents. Pour le POC campagne full IA que nous avons développée pour le B to B en décembre 2024, le brief créa a été transmis à une agence IA avec une forte orientation fashion/luxe, avec laquelle les équipes sont entrées dans un processus d’itérations sur le cadrage, l’arrière-plan, la pause des mannequins… chaque étape étant validée par Lacoste et donnant la possibilité de recommencer.
Les itérations multiples ont permis de tester la technologie et de générer des visuels pour une typologie de produits pour laquelle aucun budget n’avait été alloué jusqu’à présent
Quels enseignements tirez-vous de la réalisation des différents POC ?
Nos équipes Innovation et Marketing travaillent en duo avec les agences pour intégrer l’IA quand cela est possible avec pour objectif principal de toujours délivrer un rendu qualitatif au niveau de nos exigences habituelles chez Lacoste. En ce qui concerne le POC full IA, les itérations multiples ont permis de tester la technologie et de générer des visuels pour une typologie de produits pour laquelle aucun budget n’avait été alloué jusqu’à présent. D’un point de vue budgétaire, le coût de production a été réduit de manière significative vs une agence traditionnelle avec plus d’assets livrés. Mais sur ce POC l’enjeu n’était pas l’optimisation commerciale, l’objectif principal était de tester la technologie et de voir jusqu’où il est possible d’aller d’un point de vue qualitatif sur les rendus.
Lacoste n’a pas l’intention d’arrêter les shootings traditionnels au profit de productions IA mais plutôt de créer davantage de visuels
Quelles limites avez-vous fixées à l’usage de l’IA ?
Nous n’en sommes qu’aux prémices. Il faut tout d’abord définir à quels types de besoins cela peut répondre. Lacoste n’a pas l’intention d’arrêter les shootings traditionnels au profit de productions IA mais plutôt de créer davantage de visuels (B to B, catégories moins exposées, etc.). C’est un domaine dans lequel il faut encore éclaircir les questions juridiques et définir une charte IA pour décider jusqu’où nous voulons aller en tant que marque.
Quelle connaissance avez-vous des acteurs de l’IA sur le segment de la création visuelle ?
Nous avons identifié des acteurs avec qui nous échangeons régulièrement mais le marché de l’IA évolue presque tous les jours. De sorte que nous n’hésitons pas à rencontrer une deuxième fois une entreprise même si ce qu’elle présentait six mois plus tôt n’était pas qualitativement à la hauteur des attentes. A l’inverse, un prestataire qui délivre aujourd’hui un service de qualité peut s’avérer dépassé par des outsiders 3 mois plus tard.
L’utilisation de l’IA va-t-elle modifier vos relations avec vos prescripteurs ?
La résistance au changement est une réaction assez naturelle qu’il est nécessaire de prendre en considération afin de préserver les bonnes relations avec les prescripteurs. Il faut consacrer un travail d’accompagnement en interne pour mettre en avant le ROI de ces actions (coût, qualité, productivité, délai). Lors du changement du partenaire historique de post-production pour un système dont 70 % de la chaine de valeur est réalisée par de l’IA et 30 % par de l’humain, cela a par exemple permis de gagner 48h de time to market et d’économiser de façon substantielle sur les coûts de retouches. C’est autant de marges de manœuvre budgétaires que le prescripteur pourra réinvestir dans d’autres actions.