Sodiaal : « Notre stratégie est de massifier nos flux sur un nombre plus restreint de plateformes »
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Laurent Dal Grande, directeur des achats logistiques et transports du groupe Sodiaal, est revenu avec nous sur la manière dont lui et ses équipes agissent pour accompagner la trajectoire de décarbonation de l’entreprise. Le transport et la logistique sont en effet des leviers importants pour atteindre les objectifs en matière de décarbonation que s’est imposés la première coopérative laitière française, (Candia, Entremont, Yoplait…).
Propos recueilli par Stéphanie Gallo Triouleyre
Comment l’achat de transports et de logistique est-il structuré chez Sodiaal ?
Les activités opérationnelles sont organisées par business units. Les achats sont centralisés et fonctionnent de manière transversale. C’est le cas pour la logistique et le transport. Je pilote ce pôle achat logistique qui est constitué d’une équipe de six personnes et est rattaché à la direction des achats groupe. 70 % des achats réalisés par mon service concernent le transport (transport froid, ambiant et citerne), 30 % les activités d’entreposage et de manutention. Nous fonctionnons avec plusieurs prestataires référents. Par exemple, les transports Veynat pour les opérations en citernes, Perrenot pour le transport et entreposage à température ambiante, Lahaye Global Logistics pour le transport froid et entreposage ou encore Stef. Nous avons d’autres actions avec d’autres prestataires bien entendu. L’idée est d’impliquer un maximum d’acteurs dans nos démarches.
Une stratégie carbone a été élaborée en 2019 par Sodiaal. Comment se décline-t-elle pour les achats transports et logistique ?
Pour le transport et la logistique, la barre avait été fixée initialement à une diminution de 3 % par an des émissions carbone, jusqu’à 2030. Nous sommes en train de réévaluer ce chiffre, qui est déjà dépassé. Nous avons désormais des ambitions supérieures, qui s’inscrivent dans la stratégie de Sodiaal nous nous dirigeons vers un objectif prévisionnel de moins 5 % par an.
Par ailleurs nous ouvrons une nouvelle phase, en tenant compte aussi des autres externalités négatives. Tout cela est en cours de construction et de consolidation, grâce à une nouvelle solution digitale déployée en début d’année, TK Blue. Jusqu’à présent, nous nous appuyions sur un support de mesure de durabilité nourri, deux fois par an, avec la synthèse des données transporteurs. Désormais, notre nouvel outil calcule automatiquement notre empreinte carbone et nos externalités négatives de manière plus dynamique, en ne se fiant plus uniquement au déclaratif des prestataires. Cela nous permettra d’avancer plus vite. Lorsque nous aurons des résultats fiabilisés, nous pourrons confirmer notre nouvel objectif de trajectoire.
Qu’est-ce qui a déjà été mis en place pour avancer sur cette ambition de décarbonation ?
Avec Perrenot, nous avons par exemple opté pour des camions utilisant des énergies alternatives : gaz dans un premier temps puis du B100
Avec Perrenot, nous avons par exemple opté pour des camions utilisant des énergies alternatives : gaz dans un premier temps puis du B100, et nous réfléchissons à des camions électriques pour les prochains mois. Nous avons aussi travaillé à l’optimisation de nos flux avec ce prestataire et recherché des massifications.
Nous avons également réduit notre empreinte carbone en faisant évoluer nos modes de gestion palettes bois. Nous sommes passés d’un modèle basé sur les échanges à de la location pour plusieurs de nos activités à destination de la grande distribution. Cette collaboration se fait avec La Palette Rouge.
Avec Lahaye Global Logistics, plusieurs axes ont été explorés. Notamment les énergies alternatives tels que les biocarburants. En 2023, 250 000 litres de carburants alternatifs ont été utilisés pour les transports de nos marchandises par Lahaye, soit une économie estimée de 700 tonnes de CO2. Et puis, surtout, et c’est propre à ce prestataire car il est moteur sur ce sujet, nous avons bien avancé sur le transport par rail (en froid et ambiant). L’année dernière, 1 000 caisses Sodiaal ont été transportées par Lahaye via le rail, c’est-à-dire 2,4 millions de kilomètres sur route évités. Cette année, cela devrait être encore plus, avec 1 500 caisses sur les flux notamment Lyon/Rennes et Nord/Ouest pour nos marques Entremont et Candia.
Le train est le moyen de décarbonation le plus efficace pour nous. Il est contraignant, certes, mais les résultats sont significatifs. Le rail représente aujourd’hui une toute petite part de nos transports, moins de 5 %, nous voulons progresser significativement. De là à dire que ce sera prochainement 20 %, c’est utopique, mais nous avançons. Par exemple, nous faisons passer par le train des marchandises en froid et en température ambiante, demain nous voulons également faire passer des citernes pour les flux de lait entre usines.
Vous évoquez les contraintes du rail…
La principale contrainte repose sur le délai de traitement entre les acteurs et la multiplicité de ceux-ci. Quand le camion est sur la route, vous connaissez le prestataire du départ à l’arrivée et dans 95 % des cas, vous savez qu’il sera à l’heure. Sur le rail, c’est moins vrai. Le moindre incident est plus complexe à traiter puisque vous ne pouvez évidemment pas sortir votre wagon du tronçon ferroviaire. Ceci étant dit, jusqu’à présent, nous n’avons pas rencontré d’incident majeur.
Quels sont les autres axes de décarbonation de votre supply chain, notamment sur vos plateformes logistiques ?
Notre stratégie est aujourd’hui de massifier nos flux sur un nombre plus restreint de plateformes. Nous l’avons fait avec Lahaye pour l’entrepôt d’Etrelles qui a été agrandi de 3 000 m² l’année dernière et a été équipé de panneaux photovoltaïques. Nous massifions aussi avec Perrenot, avec des quantités qui augmentent sur leur plateforme de Saint-Quentin-Fallavier. Cela signifie que l’item consolidation est traité aussi bien sur le froid que l’ambiant.
Nos principaux hubs logistiques sont situés en Bretagne et en région lyonnaise pour le frais, à Lyon, Paris et Lille pour l’ambiant
Nos principaux hubs logistiques sont situés en Bretagne et en région lyonnaise pour le frais, à Lyon, Paris et Lille pour l’ambiant. Avec Stef, nous avons par ailleurs massifié des flux au départ de Barcelone pour livrer nos clients de la péninsule ibérique.
Dans quelle mesure, investissez-vous dans les efforts de décarbonation portés par vos prestataires ?
Aujourd’hui, très clairement, l’investissement de nos prestataires supply en matière de décarbonation fait partie intégrante des points concurrentiels pris en compte dans le choix et dans l’animation.
Nous les accompagnons, cela fait partie des discussions commerciales. Aujourd’hui, très clairement, l’investissement de nos prestataires supply en matière de décarbonation fait partie intégrante des points concurrentiels pris en compte dans le choix et dans l’animation.
Même si vous êtes déjà à l’objectif initialement fixé, vous devez probablement vous heurter à quelques difficultés sur ce chemin de décarbonation de votre supply chain ?
La première est de bien savoir mesurer l’ensemble de nos externalités. C’est ce que nous sommes en train de corriger avec notre nouvel outil digital. La seconde est de réussir à intégrer l’ensemble de nos fournisseurs à cette démarche. Cela ne pose pas de problème pour les fournisseurs les plus importants, mais la démarche est plus complexe pour les petites et moyennes entreprises. Elles n’ont pas toutes les connaissances et les ressources financières nécessaire.
Notre ambition est bien de réussir à tous les emmener dans cette stratégie de décarbonation afin de progresser collectivement. Nous n’en sommes pas encore à sortir des fournisseurs pas assez engagés dans cette démarche. En revanche, c’est devenu un critère de sélection : cela signifie que demain, leur engagement représentera un point de différenciation décisif. Leur engagement RSE et leur capacité d’innovation sont pris en compte de manière importante.
Avec combien de prestataires transport et logistique travaillez-vous ?
Nous avons environ 400 fournisseurs mais une cinquantaine d’entre eux pèsent environ 70 % de nos dépenses.
Quels sont vos interlocuteurs sur ce sujet au sein de l’entreprise ?
La direction RSE et les opérationnels dans les business units. Il s’agit de tous travailler ensemble pour atteindre nos objectifs.
Au-delà des enjeux évidents de préservation de la planète, voyez-vous d’autres avantages à cette stratégie de décarbonation du point de vue du management ou de la relation avec vos fournisseurs ?
Très clairement, oui. Cela permet d’échanger avec nos prestataires au-delà des sujets purement économiques, d’avancer ensemble sur d’autres chantiers créateurs de valeur. Cela nous aide aussi dans le management de nos collaborateurs : ils peuvent ainsi travailler sur autre chose que le simple tarif entre le point A et le point B. Cela me motive en tant que responsable d’équipe, cela motive mes collaborateurs qui trouvent ainsi d’autres points d’intérêt à leur mission et cela motive aussi nos prestataires qui se voient challengés sur d’autres points que la valeur financière de leur offre !