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Les HandiFormelles, une tribune d’exception pour les professionnels du secteur du handicap

Par Mehdi Arhab | Le | Ha inclusif

La septième édition des HandiFormelles, qui mettent en lumière les professionnels du secteur du handicap, s’est tenue devant plusieurs centaines de personnes. Si les résultats du baromètre 360°, qui ont été dévoilés au cours de l’événement, ont inquiété, les entreprises du secteur montent en puissance et n’ont de cesse de faire leur trou. Une nouvelle filière a d’ailleurs vu le jour et pourrait bien bouleverser l’industrie de la santé.

Les HandiFormelles, une tribune d’exception pour les professionnels du secteur du handicap
Les HandiFormelles, une tribune d’exception pour les professionnels du secteur du handicap

C’est au cœur du Bridge, ancien hangar à bateaux, situé sous le pont Alexandre III, et devenu l’un des poumons festifs emblématique de la scène musicale parisienne, que s’est déroulée la septième édition des HandiFormelles. Un événement au moins aussi exceptionnel que le lieu qui l’accueillait ; son architecture insolite, ses voûtes remarquables et ses murs de pierres transportent assurément les individus qui y mettent les pieds. Pour Handeco, réseau bien connu au service des achats inclusifs et du développement économique des entreprises du secteur du handicap à l’origine de la manifestation, ce fut l’occasion de rassembler nombre de professionnels des achats, des institutionnels et, bien sûr, les représentants de diverses structures du secteur.

Ce fut l’occasion également pour l’organisme de confirmer la procédure de rapprochement engagée avec le Réseau Gesat, autre acteur de référence du secteur du handicap. L’orientation, comme l’a rappelé Jean-Louis Garcia, président d’Handeco, évoquée pour la première fois l’été dernier, a été validée et entérinée par les conseils d’administration des deux entités. Le travail se poursuit, doucement mais sûrement. « Nous avons fixé le cap et nous souhaitons que tout soit conclu avant la fin de l’année 2024 », a confirmé Jean-Louis Garcia en introduction. L’objectif affiché est clair : proposer une offre de service unique. Au demeurant, tout seul on va plus vite, mais ensemble, on va plus loin.

Un manque de renommé frappant

Et les entreprises du secteur du handicap doivent aller (encore) plus loin, plus haut. Si elles se sont largement professionnalisées et ont fait preuve d’une robustesse à toute épreuve ces dernières années, démontrant qu’elles pouvaient encaisser et survivre aux différentes secousses auxquelles elles sont confrontées, elles souffrent encore d’un manque de notoriété criant. Quand bien même elles inspirent des modèles d’organisation, impressionnent par leurs dispositions et leur faculté à traiter les particularités de chacun dans l’emploi avec des modes de management appropriés, les entreprises du secteur du handicap peinent à se promouvoir aux yeux des donneurs d’ordre. Ou peut-être que ces derniers ne s’emploient pas vraiment pour élargir leurs horizons.

Ces chiffres montrent à quel point nous sommes encore loin du compte. Les EA et ESAT ne sont pas encore assez connues

Selon les chiffres du deuxième baromètre 360° - dévoilé à l’occasion de la matinale et réalisé par OpinionWay pour le compte d’Handeco, de Malakoff Humanis et de l’Agirc-Arrco, auprès d’un échantillon de 301 donneurs d’ordre, 253 professionnels du secteur du handicap (EA/ESAT et TIH, pour travailleurs indépendants handicapés) -, seuls 18 % des donneurs d’ordre connaissent les trois acronymes précédemment cités. Pire encore, 25 % des donneurs d’ordre interrogés avouent ne connaître aucun des termes présentés. Des résultats qui font peine à voir et qui n’ont pas manqué d’inquiéter Pierre Pelouzet, ancien patron des achats de la SNCF et médiateur des entreprises, ainsi que Marie-Anne Montchamp, ancienne députée et secrétaire d’État qui avait fait adopter la Loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. « Le résultat doit nous interpeller », a-t-elle d’ailleurs commenté, rappelant à quel point elle avait été agréablement surprise « par la résilience des ESAT et EA, qui ont réussi un exploit en se maintenant en vie devant une crise sans précédent ». « Ces chiffres montrent à quel point nous sommes encore loin du compte. Les EA et ESAT ne sont pas encore assez connues », a-t-elle déploré par la suite. 

Lancement de la filière santé handicap

Et les autres résultats qui ont suivi ne l’ont sans doute pas rassurée. Bien au contraire … Ne connaissant pas le secteur dans son ensemble, et encore moins ses spécificités, une très grande part des donneurs d’ordre sollicités ne recourent donc pas aux entreprises du secteur du handicap. Encore plus inquiétant, la moitié d’entre eux ont également confessé ne pas être au fait des évolutions réglementaires qui entourent le secteur. Des petits motifs d’espoir ont toutefois et, bien heureusement, émergé. S’ils souffrent d’un manque de notoriété donc, les acteurs du secteur du handicap peuvent se satisfaire d’une chose : leur image. Et pour cause, elle est au plus haut ; preuve qu’elles laissent auprès de leurs clients une empreinte qu’ils ne sont pas près d’oublier. Ainsi, près de 90 % des donneurs d’ordre interrogés assurent que les entreprises du secteur du handicap et TIH (parce qu’il ne faut pas les oublier) auxquels ils font appel se démarquent par leur compétence et savoir-faire ; huit sur dix saluent leur réactivité. Plus de la moitié d’entre eux note également leur agilité et s’incline devant leur capacité d’adaptation. En somme, les professionnels du secteur du handicap n’ont que peu de problème d’adaptation et délivrent des prestations de grande qualité. 

Cette souplesse dont ils font preuve est aujourd’hui symbolisée par la filière santé handicap, lancée officiellement au cours de cette cuvée des HandiFormelles. L’année dernière, Handeco et la fondation handicap Malakoff Humanis avaient présenté les résultats d’une étude de faisabilité autour de sa création. Une vingtaine d‘EA ou encore d‘ESAT avait été cartographiée sur le périmètre produits et environ 90 sur le périmètre services par un comité d’experts du secteur du handicap, des donneurs d’ordre publics et privés et d’autres acteurs (AAZ, Resah, SNITEM, …). Toutes sont en mesure aujourd’hui de proposer des produits et des offres de services pointues, bien pensées. L’offre se concentre autour de quatre segments, parmi lesquels des dispositifs médicaux, des produits de prévention, des produits d’hygiène et des produits de parapharmacie ainsi que des services spécifiques, qui vont de la gestion de déchets au bionettoyage, en passant par la blanchisserie RABC.

Une filière structurée de la sorte permettra aux entreprises du secteur du handicap de se lancer dans de nouveaux métiers, d’accéder à de nouveaux marchés et, pour les acheteurs, de développer leurs achats sur des marchés qu’ils ne pouvaient pas confier à ces entreprises, faute de réponse

Une plateforme interactive sera par ailleurs mise à disposition des donneurs d’ordre, sur laquelle ils y trouveront un annuaire détaillé dans lequel sont référencés, de manière exhaustive, les fournisseurs et leur périmètre d’intervention. Cet annuaire est couplé à une place de marché au sein de laquelle ces mêmes donneurs d’ordre pourront communiquer leurs besoins, publier leurs appels d’offres et ainsi interroger les entreprises de la filière santé handicap. Pour Handeco et le Réseau Gesat, très impliqué dans ces travaux, cette filière est l’occasion d’aider les entreprises du secteur du handicap à grandir encore et encore.

Lancement de la filière santé handicap - © D.R.
Lancement de la filière santé handicap - © D.R.

« Cette filière répond à des attentes des acheteurs et donneurs d’ordre, mais elle répond surtout aux enjeux que les acteurs du secteur devront relever. Une filière structurée de la sorte permettra aux entreprises du secteur du handicap de se lancer dans de nouveaux métiers, d’accéder à de nouveaux marchés et, pour les acheteurs, de développer leurs achats sur des marchés qu’ils ne pouvaient pas confier à ces entreprises, faute de réponse », a souligné Denis Charrier, directeur général du Réseau Gesat.

L’inclusion des professionnels du secteur du handicap à l’aune des Jeux Olympiques et Paralympiques 

Cette matinée a été également l’occasion pour Paris 2024, dont le montant d’achats s’élève à 2,5 milliards d’euros à répartir sur 17 familles différentes, d’exposer ses initiatives auprès des professionnels du secteur du handicap. Par la voix de son directeur délégué aux achats, Olivier Debargue, la société organisatrice des prochains Jeux Olympiques et Paralympiques, a détaillé sa politique volontariste en termes d’achat. Ses bonnes pratiques ont d’ailleurs de quoi inspirer. « Dès le début de l’aventure, nous avons engagé une stratégie responsable des achats et non une stratégie achats responsables. Cela pour montrer à tous que notre approche était unique ». Ses engagements reposent sur cinq piliers : l’économie circulaire, la neutralité carbone, la création de valeur sur les territoires, l’innovation sociale et, bien entendu, l’inclusion des personnes en situation de handicap. Plusieurs centaines de prestations des Jeux ont été exécutées par des entreprises de l’ESS, dont certaines à destination des opérateurs extérieurs spécialisés qui assureront l’organisation d’épreuves, comme la Fédération française de Tennis pour les compétitions masculine et féminine qui auront lieu sur les courts de Roland-Garros ou encore le groupe ASO, qui coordonnera notamment les épreuves de cyclisme sur route.

Pour mieux appréhender le sujet de l’insertion et de l’inclusivité dans les achats, la direction pilotée par Olivier Debargue s’appuie sur ESS 2024, une plateforme de sourcing sur laquelle les entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) sont qualifiées par Les Canaux. L’association, qui porte la plateforme, a ainsi aidé Paris 2024 dans sa quête : celle d’organiser des Jeux synonymes d’acceptabilité sociale et à l’héritage certain. A moins d’un an de la cérémonie d’ouverture, prévue pour le 26 juillet prochain et qui se déroulera de nuit, débutant à 20h24 en référence à l’année des jeux,  90 % des marchés de la société organisatrice ont été passés. Les derniers marchés, en train d’être publiés, sont en somme des opportunités immenses pour les acteurs du secteur du handicap de se développer. « Certains d’entre eux revêtent une importance stratégique pour nous », a d’ailleurs assuré Olivier Debargue. Pour faciliter l’accès à ses marchés aux entreprises du secteur du handicap, Paris 2024 n’hésite pas à publier des marchés réservés.

En plus des 17 qui l’ont déjà été, pour un total de six millions d’euros, deux seront prochainement lancés. Le patron des Achats de Paris 2024 a invité les entreprises du secteur du handicap à se regrouper et à « travailler en meute ». « Les marchés peuvent être trop importants pour des structures modestes », a-t-il rappelé. Ce dernier a, pour illustrer son propos, dessiné les contours du marché de nettoyage et de la gestion du linge des résidents du Village Olympique et Paralympique, dont le titulaire est la Conciergerie Solidaire, un réseau de neuf structures de l’ESS. Handiprint, entreprise adaptée composée de 200 salariés dont 150 en situation de handicap, lesquels sont formés sur plus d’une dizaine de métiers, tels que la création graphique, l’impression ou encore la signalétique, a quant à elle remporté cinq marchés de premier rang et deux en sous-traitance. Certains n’étaient d’ailleurs pas réservés, signe sans doute que les entreprises du secteur du handicap peuvent jouer les trouble-fêtes… Pour Paris 2024, le résultat est plus que satisfaisant, il lui reste maintenant à mesurer les effets de sa politique audacieuse.