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L'écart de salaire entre les acheteurs et les acheteuses reste important

Par Mehdi Arhab | Le | Rh ha

Pure Chase, cabinet de recrutement dédié à la fonction achats, a publié sa première étude de rémunération. Se distinguant par sa richesse, ce travail, long de sept mois, met en exergue diverses tendances pour le moins intéressantes.

L'écart de salaire entre les acheteurs et les acheteuses reste important
L'écart de salaire entre les acheteurs et les acheteuses reste important

Dans cette étude récemment publiée, dont les résultats ont été collectés auprès de 2 000 professionnels entre septembre 2022 et mars 2023, Pure Chase a souhaité retracer les niveaux de rémunération des acheteurs selon leur profil, leur expérience, leur spécialisation, leur genre … Si l’étude se signale par sa grande richesse, elle est toutefois sujette à des effets de mix (secteur et lieu d’activité, taille de l’entreprise, etc.), laissés apparents par souci d’authenticité.

Le premier constat est le suivant : tandis que les professionnels de la fonction achats sont en position de force sur le marché du travail durant leur première décennie d’activité, ils le sont beaucoup moins lors de la décennie suivante. Une situation qui ne va d’ailleurs pas en s’arrangeant avec le temps (20 ans d’expérience et plus). Le chômage moyen pour les acheteurs ayant moins de 10 ans de bouteille est évalué à 9 %, alors qu’il est estimé par le cabinet Pure Chase à 10 % pour ceux ayant entre 10 et 20 ans d’expérience et 15 % pour les professionnels des achats ayant entre 20 et 30 ans d’expérience. Pour ceux qui ont plus de 30 ans de carrière, le taux monte même à 28 %. 

Un crépuscule assommant

Alors que le début de carrière, appelé par le cabinet « le printemps des acheteurs » est synonyme d’une croissance continue (et logique) du salaire jusqu’au décollage des 60 000 euros bruts par an (fixe et variable compris), la barre symbolique des dix ans de carrière (« l’été des acheteurs ») offre aux acheteurs la possibilité de goûter à des postes de manager. Le salaire augmente également jusqu’au pallier des 80 000 euros bruts par an. À « l’automne », les acheteurs, ayant alors entre 20 et 30 ans d’expérience voient encore leur salaire croître. C’est à cette période que leur carrière peut atteindre des sommets, puisqu’ils sont plus susceptibles de toucher du doigt des postes à haute responsabilité : directeur achats ou CPO.  

En revanche, au-delà de trente années d’expérience, la réduction de salaire est souvent monstrueuse pour le commun des mortels, avec un effondrement pouvant atteindre - 19 % en comparaison de la rémunération du dernier poste. Une chute tout bonnement vertigineuse.

Un écart entre les hommes et les femmes

Autre constat majeur de l’étude : l’écart moyen de rémunération entre les hommes et les femmes du panel étudié s’élève à + 10 %. Sur son échantillon, Pure Chase indique que le salaire moyen d’une directrice achats est de 87 000 euros bruts par an, contre près de 96 500 euros bruts par an pour un directeur des achats (+ 11 %). Un acheteur gagnera quant à lui environ 47 500 euros bruts par an, tandis qu’une acheteuse touchera en fin d’année environ 44 500 euros, soit un écart de 6 points. En moyenne, les femmes touchent 54 000 euros bruts par an, tandis que les hommes perçoivent à la fin de l’année 59 500 euros bruts. 

Par ailleurs, alors que la part des femmes est supérieure à celle des hommes, leur poids dans les managers est à l’équilibre sur les petites équipes, mais nettement moins importants lorsqu’il est question d’effectifs d’au moins 20 personnes. Une donnée qui influe de fait en faveur d’un salaire moyen supérieur pour les hommes. 

Plus l’équipe est grande, mieux l’on gagne sa vie 

Le salaire est d’ailleurs fonction croissante du nombre de personnes à encadrer. En Île-de-France, un individu encadrant au moins 20 personnes percevra en moyenne 131 000 euros, contre 87 000 euros en Province. Un manager qui gère une équipe de cinq à dix personnes touchera, en moyenne, 73 000 euros bruts par an en région, contre 60 000 euros en Province.

En outre, la nature du poste, donc celle des profils encadrés, est à prendre en compte. En effet, un ou une responsable achats sur site qui encadre une équipe d’approvisionneurs gagnera 5 à 10 % moins bien sa vie qu’un responsable achats central qui pilote une équipe d’acheteurs cadres, car plus exposé à des enjeux économiques et stratégiques d’importance. Au-delà de 700 millions d’euros de dépenses, il est noté dans l’étude que le poste de directeur des achats « prend une dimension politique et évolue vers le titre de CPO », avec un salaire qui dépasse largement 150 000 euros en moyenne et un poste souvent situé autour de la capitale.

La France conserve une certaine culture sur la question du diplôme. Il est finalement assez rare qu’une entreprise laisse sa chance au produit

Autre point relevé par l’étude : le diplôme est une étiquette à vie, ne perdant pas vraiment en importance. Ainsi, l’écart de rémunération entre les profils selon leur formation initiale va croissant avec le temps et les postes à responsabilités sont largement plus accordés à des profils Bac +5 et ingénieur. Les profils ingénieurs, plus rares, accèdent plus facilement aux postes d’encadrement que leurs homologues issus du commerce. « La France conserve une certaine culture sur la question du diplôme. Il est finalement assez rare qu’une entreprise laisse sa chance au produit », commente Etienne Bernard, fondateur du cabinet et auteur de l'étude.

Le pilotage d’une famille, un tremplin 

Un autre grand enseignement attire l’attention : les acheteurs établis sur une ou plusieurs commodités, souvent dans des contextes internationaux, sont plus exposés et donc plus à même de devenir un jour manager. Les acheteurs ayant d’ailleurs déclaré disposer d’une expertise dans le pilotage stratégique d’une famille achat profitent en moyenne d’un salaire supérieur de 15 % à la moyenne des salaires. Et pour cause, ils coordonnent l’action achats de manière approfondie avec des enjeux en matière d’innovation, de make or buy et participent d’une façon ou d’une autre à l’orientation de la stratégie industrielle ou commerciale de leur entreprise.

En matière de motivation, Etienne Bernard note que les acheteurs s’orientent plus volontiers vers « les entreprises qui déploient des démarches RSE solides ». Toutefois, à ses yeux « les compétences des acheteurs en la matière doivent encore évoluer et se développer. » En outre, « l’employabilité et la marque employeur, la qualité de vie, les commodités et compétences achats restent des leviers de priorisation pour changer de poste », conclut-il.