Solution et techno

EcoVadis : « Nos défis sont ceux de nos clients »

Par Mehdi Arhab | Le | Décisionnel

A l’occasion de la première étape de l’EcoVadis World Tour 2023 qui s’est tenue à Paris, Fréderic Trinel cofondateur et co-CEO de la plateforme d’évaluation RSE, nous a accordé un entretien exclusif. Il y a évoqué les ambitions du champion français un an après sa levée de fonds de 500 millions de dollars, a présenté la nouvelle offre qui viendra enrichir la plateforme et a exposé les grands défis qui se dressent devant elle.

Fréderic Trinel cofondateur et co-CEO d’EcoVadis - © D.R.
Fréderic Trinel cofondateur et co-CEO d’EcoVadis - © D.R.

Où en êtes-vous de votre plan de marche depuis votre levée de fonds au milieu de l’année 2022 ?

Nous sommes dans les clous et nous pensons être en bonne position pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Nous enregistrons, comme prévu, une forte croissance, laquelle s’accompagne par le développement d’une nouvelle offre produits. Cette offre, multiple, est symbolisée par un produit en particulier : le Carbon Action Module. Nous l’avions lancé l’an dernier et il est désormais un de nos produits phares, car il répond aux défis auxquels de nombreux groupes sont et vont être confrontés. Il facilite, autour de calculateurs carbone et, entre autres, d’un panel de formations en ligne, la compréhension de l’empreinte carbone, plus particulièrement du scope 3 et permet ainsi à nos grands comptes de mieux cerner le niveau de maturité de leurs fournisseurs, notamment en matière de décarbonation. 

Quels vont-être les nouveaux produits qui doivent contribuer à développer votre offre ?

Nous avions lancé il y a quelques mois une solution de gestion des risques RSE au service des chaînes d’approvisionnement mondiales, baptisée IQ Plus. Celle-ci fournit déjà aux donneurs d’ordre une classification et une cartographie personnalisées des risques pour l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement.

Nous avons mis sur pied cette fois une nouvelle fonctionnalité, baptisée Vitals et intégrée dans IQ Plus, qui permettra d’étendre le taux de couverture des grands donneurs d’ordre sur leur chaîne d’approvisionnement. Elle sera disponible à la rentrée prochaine, en 2024. Nos grands comptes pourront ainsi engager un volume de fournisseurs sans commune mesure, à travers un questionnaire simple, rapide et gratuit. L’idée est de leur permettre d’avoir des approches différenciées selon l’importance stratégique de leur fournisseur, pour les orienter en conséquence.

Les grands donneurs d’ordre comptent, pour l’immense majorité,  des dizaines de milliers de fournisseurs dans leur panel, répartis aux quatre coins du globe. Beaucoup utilisent EcoVadis pour quelques centaines ou, au mieux, quelques milliers d’entre eux seulement. De notre point de vue, et du leur également, ce n’était pas suffisant, notamment en matière de gestion des risques, pour des questions liées à la conformité règlementaire aussi. Il était donc vraiment important de leur permettre de couvrir leur chaîne d’approvisionnement de long en large. 

Quels sont les grands chiffres à retenir aujourd’hui chez EcoVadis ?

Un peu plus de 1 200 donneurs d’ordre s’appuient sur EcoVadis pour évaluer, suivre et gérer les pratiques RSE de leurs fournisseurs. Ils cumulent plus de 3 000 milliards de dollars d’achats. Nous avons évalué plus de 100 000 entreprises, répartis dans 185 pays, qui opèrent sur 200 univers industriels différents.

Chaque mois, en moyenne, ce sont 2 350 nouvelles entreprises qui sont évaluées par nos soins.

Chaque mois, en moyenne, ce sont 2 350 nouvelles entreprises qui sont évaluées par nos soins. Pour ce qui nous concerne directement, nous employons 1 800 personnes, établies dans 14 bureaux à travers le monde. Comme je vous l’indiquais, nous enregistrons depuis quelques années des taux de croissance importants, celui de l’an dernier s’élevait par exemple à 40 %. Nous avons d’ailleurs et pour la première fois, en 2022, dépassé les 100 millions de dollars de revenus récurrents, un chiffre qui nous accorde le statut de centaure.

Cela vous aide-t-il à recruter ?

La RSE est un sujet qui porte, EcoVadis est une marque qui porte

EcoVadis est devenu société à mission. Nous nous imposons, et c’est écrit dans nos objectifs, de former de jeunes pépites afin d’étendre les connaissances du tissu économique et social sur les sujets liés au développement durable. Le nom EcoVadis est désormais bien connu et c’est pour nous une chance d’attirer de nouveaux éléments à potentiel. Un très grand nombre de diplômés, engagés, nous rejoignent. La RSE est un sujet qui porte, EcoVadis est une marque qui porte ; preuve en est, nous recevons chaque année plus de 15 000 candidatures spontanées. Pour une entreprise de notre taille, c’est une chose exceptionnelle. Malheureusement, nous ne pouvons accueillir tous ces prétendants. Mais de nombreux postes restent à pourvoir. Nos investissements en ressources humaines sont constants et conséquents, à la fois pour attirer donc, mais aussi pour fidéliser nos employés. 

Qu’en est-il de vos ambitions de croissance externe ?

Après notre levée de fonds, nous avons réalisé en juillet 2022 la première acquisition de notre histoire. Pour accélérer notre développement et matérialiser notre stratégie en la matière, nous avons intégré Ecotrek et sa technologie d’extraction de données concernant la durabilité. Cette startup allemande nous a séduit avec sa brique technologique novatrice et sa finesse technique, qui se mariaient parfaitement à notre offre IQ Plus. Avec plusieurs millions d’entreprises dans sa base, les capacités d’exploration des données de durabilité d’Ecotrek nous permettait d’étendre très largement nos propres capacités techniques.

La société est aujourd’hui complètement intégrée à nos activités, aussi bien du point de vue technique, technologique que des ressources humaines qui ont été conservées. 

De nouveaux acteurs sont-ils susceptibles d’émerger sur votre marché ?

Nous le souhaitons. Plus les individus pousseront le sujet, mieux ce sera, j’en suis intimement convaincu. Mais pour que d’autres entreprises puissent se révéler, elles doivent être en mesure de délivrer des besoins spécifiques. De nombreuses startups ont façonné des solutions innovantes, complémentaires à la nôtre, sur le carbone ou encore le suivi de la supply chain notamment. Notre force de frappe est incarnée par deux choses : nos 1 800 employés et la technologie pointue que nous avons échafaudée. C’est cela qui nous a permis de séduire un tel réseau. Les acteurs qui souhaitent se placer sur ce segment devront prendre le temps, convaincre et former leur clientèle pour obtenir des résultats probants. 

Êtes-vous toujours autant sollicité pour nouer des partenariats ?

Nous le sommes toujours autant et nous sommes bien entendu très attentifs à ce qui s’offre à nous. Le sujet revêt pour nous une grande importance. Les partenariats occupent une place majeure dans notre développement. Notre stratégie en la matière évolue ; nous l’avons au fil du temps peaufinée pour accroître notre couverture. Nous en avons, ces dernières années, mis en place de nombreux, avec tous les éditeurs de solutions e-achat bien sûr, d’autres acteurs également. Et des annonces pourraient être faites très prochainement sur le sujet.

Quel regard portez-vous sur le rôle joué par les Achats dans le pilotage de démarches de décarbonation ?

Sans les acheteurs, il n’est pas certain qu’autant d’entreprises se seraient engagées dans une démarche d’amélioration continue ou, même, qu’elles se seraient fait évaluer

Il est tout bonnement fondamental. C’est en travaillant avec les Achats que nous avons touché un nombre conséquent de sociétés. Sans les acheteurs, il n’est pas certain qu’autant d’entreprises se seraient engagées dans une démarche d’amélioration continue ou, même, qu’elles se seraient fait évaluer. Les directions achats ont poussé et aidé leurs fournisseurs à s’améliorer, à intégrer dans leurs décisions, leurs processus et leurs propres achats, le développement durable. C’est une chose notable. Elles sont parvenues à enclencher une dynamique remarquable. Si elles parviennent à le faire encore à plus grande échelle, l’ensemble du tissu économique changera du tout au tout. 

En transférant leur volume d’achats vers les entreprises les plus volontaires et performantes en matière de RSE, les donneurs d’ordres engendreront des boucles vertueuses

Par ailleurs, en transférant leur volume d’achats vers les entreprises les plus volontaires et performantes en matière de RSE, les donneurs d’ordre engendreront des boucles vertueuses. Les entreprises les plus performantes économiques seront celles qui seront les plus performantes en matière de développement durable. La corrélation entre performance environnementale, sociale, financière et économique est directe. Des études démontrent bien que le développement durable est source de croissance, permettant aux entreprises d’améliorer leur Ebitda et de capter des innovations en ligne avec les exigences du marché. Les bénéfices sont nombreux et les Achats l’ont bien compris. Mais pour mener à bien la transition écologique, des innovations et de nouvelles réglementations devront impérativement être mises en œuvre.

Quels sont les prochains défis que devra relever EcoVadis ? Une nouvelle levée de fonds est-elle envisagée ? 

Ce n’est pas nécessaire, nous avons déjà levé assez de capitaux. Nous devons désormais les employer à bon escient. Nos défis sont finalement ceux de nos clients. Notre ambition est de les accompagner comme il se doit sur les problématiques montantes : évolutions réglementaires liées au développement durable appliqué à la supply chain ; décarbonation ; cartographie des risques … Beaucoup de choses peuvent encore être faites. Nous devons donc enrichir, encore et encore, notre offre. C’est comme cela que nous demeurerons la plateforme de référence sur laquelle les grands donneurs d’ordre se fondent pour appréhender leur scope 3.

Il nous faut toutefois conserver en tant qu’évaluateur une certaine simplicité à l’égard des PME, au risque d’accentuer le décalage avec les grands comptes. Il ne faut pas oublier que le marché est constitué par des éléments qui n’ont rien à voir et dont les besoins sont diamétralement opposés. Et c’est pour cela que nous avons, dès le premier jour, dessiné des évaluations qui s’adaptent au profil des entreprises évaluées.

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