Les sept défis de la feuille de route 2023 des Achats
Par Guillaume Trecan | Le | S2p
Dans son livre blanc Perspectives 2023, l’éditeur GEP synthétise les sept grands défis des organisations achats et supply chain. Une vision partagée le 9 février à Paris avec une quarantaine de directeurs et responsables achats.
Inflation, PIB en berne, tensions géopolitiques, crise énergétique, hausse des taux d’intérêt… ce ne sont pas les sept plaies d’Egypte, mais les obstacles semés sur la route des directions achats cette année ont de quoi faire frémir les plus mal préparées. Pour y faire face, les experts de GEP proposent de concentrer sur une feuille de route de conduite du changement en sept étapes. Présentées dans le cadre du livre blanc GEP Outlook 2023, elles ont fait l’objet d’un débat à Paris le 9 février. « Les économies ralentissent, il faut se poser les bonnes questions pour continuer à apporter de la valeur. Quelles priorités seront celles des organisations achats, qui doivent faire face à des défis multiples avec des ressources toujours limitées », explique Geoffroy Naegelen, directeur business development et services de GEP.
1 L’entreprise citoyenne
Le concept de Total Value of Ownership n’est pas nouveau, mais pour les experts de GEP, un grand nombre d’indicateurs démontrent qu’il est grand temps qu’il remplace celui de Total Cost of Ownership. Non seulement les réglementations poussent les entreprises à réagir, notamment via les obligations de la DPEF (Déclaration de performance extra-financière), mais les financiers aussi. Ainsi, actuellement, 1,64 trillion de dollars d’actifs sous gestion sont investis dans des investissements à impact selon la définition du Global Impact Investing Network (GIIN).
Mettre en œuvre une approche achats éthiques implique l’extension du terrain de jeu des Achats et des partenariats. En interne, notamment, comme pour la direction achats du groupe Bel, où le directeur achats travaille de concert avec un Chief Impact Officer ; mais aussi au-delà des limites de l’entreprise. Ainsi, les groupes Seb et Veolia se sont-ils associés avec l’entreprise Ecosystem pour améliorer le recyclage des appareils électro-ménager.
2 Une supply chain résiliente
Les enjeux de la supply chain sont en hausse. Face au défi environnemental, elles se doivent notamment d’être responsables, au point d’être désormais concernées par des enjeux d’image. Elles doivent aussi être pilotables à travers des systèmes simplifiés et unifiés de données. « Un défaut de connaissance en la matière se traduit en perte de réactivité », met en garde Franck Capron, directeur conseil, expert Supply Chain de GEP. L’alignement avec les autres fonctions, en particulier la supply chain, devient une nécessité, de même que le déploiement des outils de pilotage et d’anticipation des risques.
Pour être plus structurée, la supply chain doit être plus résiliente, elle doit aussi être capable de changer de cap à grande vitesse. Une directrice achats dans la salle indique ainsi qu’avoir des double-sourcing, ne suffit pas. Pour pouvoir réagir si la source principale et la source secondaire sont défaillantes en même temps, beaucoup de directeurs achats s’efforcent de raccourcir le temps d’onboarding des fournisseurs.
Un de ses confrères propose une image pour mieux comprendre le concept de supply chain résiliente. Elles doivent être à l’image de l’idée de départ d’internet, conçu comme une structure étendue aux ramifications multiples, sans nœud de communication majeur susceptible de mettre en péril l’ensemble du réseau en cas de défaillance.
3 Des critères ESG intégrés à la politique achats
Les valeurs environnementales, sociales et gouvernementales doivent désormais structurer les politiques achats. « Des acteurs et des normes se mettent en place, nous sommes en mesure, de plus en plus de récupérer ces données », explique Bernard Remacle, directeur Business Development Software de GEP, qui rappelle que l’éditeur est désormais connecté à près de 400 partenaires fournisseurs de données.
4 Les nouvelles technologies
Alors que le Covid a marqué un coup d’arrêt sur la digitalisation, les experts de GEP constatent que la plupart des entreprises relancent des projets. « Elles repartent parfois sur des sujets importants, mais il s’agit la plupart du temps de modules isolés et limités dans leur périmètre, comme par exemple le SRM ou l’automatisation des factures », déplore Vincent Hauss, directeur conseil S2P de l’éditeur. Des projets qui ne sont donc pas à la hauteur des défis de la « transformation digitale ».
Une transformation digitale dont l’étude GEP décrit la structure à cinq étages. Au départ, bien sûr, les données, à commencer par les « purchase order et purchase request », suggère Geoffroy Naegelen, qu’il convient de pouvoir analyser en temps réel. Au troisième étage de la fusée on trouve une capacité à budgétiser, analyser et anticiper les risques, puis l’aide à la définition de stratégies par catégories et enfin l’automatisation des achats non-stratégique, avec des outils d’autonous sourcing ou d’auto-bid comme des pionniers tels que Vodafone Procurement Company en ont mis en œuvre.
5 Une inflation à maîtriser
Même si, pour l’heure, l’inflation attendue sur la zone euro n’est que de 5 % à 6 %, « les demandes des fournisseurs seront plus élevées que cela », prévient Geoffroy Naegelen, qui estime que le travail de négociation des acheteurs maintient pour l’instant les hausses de prix en deçà de ce que subissent eux-mêmes les fournisseurs qui, inévitablement devront rétablir les parts de marge qu’ils sacrifient sous l’effet de ces négociations. « Au lieu de se concentrer sur des leviers de prix, mieux vaut se concentrer sur des leviers de demande », prévient-il.
Sur ce sujet, disposer des bonnes données sera un élément clef pour permettre aux directions achats de comprendre l’impact réel de la hausse sur leurs fournisseurs. Une remarque valable pour les fournisseurs eux-mêmes qui, ne sachant pas budgéter la hausse réelle des coûts, s’accordent une marge supplémentaire dans leurs propres demandes de hausse de prix ou refusent de s’engager sur des prix à trop long terme. Une responsable achats présente dans la salle évoque des fournisseurs qui imposent des contrats à trois mois au lieu d’un an auparavant.
6 De nouveaux KPI
Pour accompagner la mise en œuvre de nouveaux objectifs pour les directions achats, plus adaptés au reversement du marché, désormais plus favorable aux fournisseurs qu’aux acheteurs, de nouveaux indicateurs de performance sont indispensables. Un virage d’autan plus souhaitable que, pour mesurer et partager ces nouveaux indicateurs, les acheteurs peuvent aussi s’appuyer sur des outils de mesure et de pilotage plus flexibles et plus faciles à paramétrer. Un directeur achats confirme ce point et le nuance à sa manière en prédisant « pas une révolution mais une évolution darwinienne ».
7 De nouvelles compétences
Qui dit nouveaux défis, dit nouveaux talents. En hard skills, les capacités à travailler avec les nouvelles technologies sont appelées à monter en puissance : digitalisation et automatisation, analytics… « Les directions achats manquent également de connaissance pour identifier un besoin digital », ajoute un expert présent lors de la restitution du livre blanc, tandis qu’un autre ajoute que dans cette liste la RSE, qui mérite également sa place dans les hard skills.
GEP : une centaine de clients en Europe
GEP déploie trois offres : un logiciel end to end intégrant une suite source to pay, une activité conseil stratégique et une activité BPO achats avec 300 milliards de dollars d’achats gérés pour le compte de tiers en 2022. En Europe, GEP gère ainsi une partie des achats indirects de l’allemand Bayer, avec un plateau d’une centaine de personnes dédiées. Toutes offres confondues, GEP compte une centaine de clients en Europe tels que Swiss Re, BMS, mais aussi, plus spécifiquement en France, Nexans, le groupe Seb, Pernod Ricard, Chanel ou encore Thales. La société compte 6 000 collaborateurs dans le monde, dont un grand nombre en Asie et un millier en Europe.