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Téréga : « La réduction de l’empreinte carbone touche largement le travail des Achats »

Par Guillaume Trecan | Le | Environnement

Agnès Butterlin, la directrice finance et achats du gestionnaire de réseau de transport de gaz Téréga, détaille les implications achats des objectifs d’amélioration du bilan carbone du groupe : achats d’énergie verte, certificats de crédit carbone, verdissement des outils industriels, de la flotte, investissement dans des moyens de production énergétique…

Agnès Butterlin, directrice finance et achats de Téréga - © Maxime Huiez
Agnès Butterlin, directrice finance et achats de Téréga - © Maxime Huiez

Comment les Achats participent-ils aux objectifs de réduction des émissions carbone de l’entreprise ?

Teréga, a fait le choix de réduire ses émissions CO2 très tôt, sans attendre que des réglementations ne l’imposent. Notre plan de transformation Impacts 2025 inclut tout un pan autour de la responsabilité environnementale. Entre 2017 et 2020, dans le cadre d’un programme environnemental ambitieux appelé Be Positif, nous avons réduit nos émissions de CO2 de 25 %, de 133 000 tonnes à 100 000 tonnes. Lancé dans le but de réduire l’empreinte carbone de Teréga, ce programme avait pour maîtres mots : « Eviter, Réduire et Compenser » pour les émissions résiduelles incompressibles. Les Achats sont intervenus au niveau des appels d’offres pour les investissements pour optimiser par exemple le parc de compresseurs avec une conversion du gaz à l'électrique qui nous a permis de réduire significativement nos émissions. Les Achats ont aussi intégré un tiers de véhicules au GNV au sein de notre flotte de 250 véhicules.

La direction achats de Téréga a intégré dans sa flotte un tiers de véhicules au gaz. - © JEAN-MICHEL DUCASSE
La direction achats de Téréga a intégré dans sa flotte un tiers de véhicules au gaz. - © JEAN-MICHEL DUCASSE

« Nous investissons dans une installation photovoltaïque qui couvrira 10 % de nos besoins »

Nous avons également travaillé sur nos achats d’énergie qui représentent 10 à 15 millions d’euros par an. Nous sommes passés à des contrats d’achats d’électricité verte avec des certificats de garantie d’origine intégrant un fort pourcentage de certificats d’origine locale, en accord avec le fort ancrage territorial qui caractérise Teréga. Avec le projet Solus, nous investissons également dans nos propres moyens de production, avec une installation photovoltaïque qui couvrira 10 % de nos besoins. Sur le volet compenser du plan nous avons décidé de soutenir un projet favorisant l’accès à l’eau potable « Clean Water », via l’achat de crédits carbone.

Les acheteurs se sont-ils impliqués dans l’acquisition des certificats de crédit carbone ?

Un marché se met en place, mais il est très spécifique. Nous avons fait le choix de confier cette tâche à notre département développement durable. Il s’agissait d’étudier le sérieux des projets et d’évaluer leur pertinence car ils engagent l’image de Teréga. Aujourd’hui, le coût d’une compensation carbone volontaire appuyée sur un projet à l’international n’est pas le même que si la compensation se faisait en France. Il existe pour l’instant plus de projets de compensation carbone à l’international et nous avons commencé sur cet axe. Mais nous avons la volonté de trouver des projets de compensation plus proches de nos installations, en accord avec notre rôle d’acteur territorial.

Quel est l’impact de toutes ces mesures en termes de coûts ?

Eviter et réduire les émissions de CO2 passe plus par une augmentation des coûts que par une baisse. En réduisant nos émissions de CO2 de 25 %, nous n’avons pas réduit nos coûts de 25 %. Opter pour des sources d’énergie renouvelable augmente par exemple aujourd’hui nos coûts d’achats d’énergie. Les achats de crédits carbone relatifs à la compensation ne sont également pas amortis par de quelconques revenus futurs. A contrario, nos investissements dans les compresseurs ont des effets positifs sur la réduction de nos coûts d’achat d’énergie.

« Nous ne pouvons pas considérer que ce que font nos fournisseurs n’est pas notre sujet »

Comment assumez-vous de dégrader ainsi votre performance achats ?

Nous avons inscrit dans notre ADN d’être accélérateurs de la transformation énergétique, donc nous ne pouvons pas considérer que ce que font nos fournisseurs n’est pas notre sujet. Evidemment la question du coût est une problématique pour bon nombre de directions achats. Le coût CO2 est aujourd’hui un coût qui n’apparait pas directement dans les comptes. Mais les évolutions réglementaires en particulier au niveau européen font que le coût du carbone sera de plus en plus exhaustif et visible en intégrant le scope 3 qui représente une part très significative des émissions globales. Cela contribuera à prendre en compte davantage le niveau des émissions CO2 dans les critères d'évaluation dans une approche plus globale de la performance fournisseurs.

Comment intégrez-vous le Scope 3, vos fournisseurs, dans vos ambitions de réduction de l’impact carbone ?

Nous avons commencé à prendre des engagements avec nos fournisseurs au travers de la signature de la charte relations fournisseurs responsables en mai 2019 et, dans ce cadre, nous avons décidé d’intégrer des critères autour de la dimension environnementale. L’étape suivante que nous venons d’achever, consiste à mesurer l’impact carbone de nos fournisseurs. Nous nous appuyons pour cela sur une catégorisation par types d’achats de l’Ademe qui permet d’estimer l’impact carbone moyen de nos fournisseurs en fonction de nos différentes catégories d’achats. Après la mesure, nous allons passer dans les prochains mois à la partie réduction, avec l’idée de travailler en priorité sur les achats les plus impactants. C’est un travail qu’il va falloir mener collectivement avec les fournisseurs, qui impliquera un accompagnement important. Nous avons en effet dans notre base fournisseurs beaucoup d’acteurs locaux de type PME qui n’ont pas de département développement durable et ne maîtrisent pas forcément les notions d’impact carbone.

Les réseaux de gaz exploités par Téréga couvrent le grand Sud Ouest, notamment les Pyrénées.  - © JEAN-MICHEL DUCASSE
Les réseaux de gaz exploités par Téréga couvrent le grand Sud Ouest, notamment les Pyrénées. - © JEAN-MICHEL DUCASSE

Nous préparons notre politique autour des engagements de développement durable vis à vis des investisseurs qui financent notre dette

Allez-vous devoir faire évoluer l’organisation achats pour mettre en œuvre cet accompagnement ?

Je suis convaincue que cela doit être l’affaire de tous. Tous les acheteurs doivent être acteurs du développement durable et contribuer à la réduction de l’empreinte carbone. Le sujet de la réduction de l’empreinte carbone touche largement le travail des Achats. C’est aussi un sujet plus largement porté par la Finance, responsable du futur reporting sur la taxonomie qui caractérise les activités selon leur impact environnemental. Nous préparons également de façon plus globale notre politique autour des engagements de développement durable vis à vis des investisseurs qui financent notre dette. 

Téréga en chiffres

Chiffre d’affaires : 460 M d’€

Effectif total : 660 personnes

Montant des achats : 200 M d’€ dont 50 M d’€ d’opex

Nature des achats : équipement et matériel ; prestations de services de type travaux. 85 % des achats sont liés au renforcement, à la sécurité et au maintien du réseau, le reste appartenant aux familles digitalisation, sûreté et immobilier.

Effectif achats, supply chain, comptabilité, finance : 50 personnes

Portrait : Agnès Butterlin

Agnès Butterlin (50 ans, ESC Grenoble, diplôme d’expertise comptable) est directrice finance et achats de la société Téréga depuis juin 2020. Elle est membre du comité exécutif et reporte au PDG de Téréga, Dominique Mockly. Avant de rejoindre Téréga, Agnès Butterlin était depuis 2014 directrice financière au sein de la filiale belge d’EDF, Luminus. Elle a évolué pendant une quinzaine d’années au sein du groupe EDF, après avoir débuté sa carrière chez PWC en 1992.