En levant cinq millions d’euros, Pivot fait une entrée fracassante dans l’édition de logiciel achat
Par Mehdi Arhab | Le | S2p
Fondé en mai 2023, Pivot, nouvel acteur émergeant du procure-to-pay, a levé cinq millions d’euros. Avec son outil, qui gère le cycle allant de la demande d’achat au paiement, Pivot espère bien faire de l’ombre aux grands noms du marché. Et les dirigeants de la startup se donnent les moyens de leurs ambitions.
Sitôt lancé, Pivot, nouveau venu dans le monde de l’édition de logiciels de gestion des achats, trouve déjà des sources de financement. Sortie de terre en mai 2023, la jeune pousse vient tout juste de lever cinq millions d’euros en pre-seed auprès des sociétés de capital-risque, Visionaries, Emblem, ainsi que Cocoa notamment et de quelques business angels, dont Steve Anavi, co-fondateur de Qonto et Loïc Soubeyrand, CEO de Swile. Un premier tour de table de choix qui révèle d’une certaine manière la solidité du projet et qui doit lui permettre de commercialiser à plus grande échelle son produit et de concrétiser, plus largement et au plus vite, ses ambitions de développement. Et de l’ambition, Pivot n’en manque pas.
Témoins d’un certain vide et des carences des éditeurs bien connus du marché, trop éloignés des attentes de leur ancienne entreprise qui structurait alors leur fonction achats, les trois fondateurs de Pivot, Marc-Antoine Lacroix, ancien CTO et CPO de la néobanque Qonto, Estelle Giuly, ancienne de Nuxeo et Romain Libeau, ancien directeur des opérations de la fintech d’avantages sociaux Swile, ont redoublé d’effort pour mettre sur pied un outil PtoP nouvelle génération. Leur objectif est simple : dépoussiérer un marché qu’ils estiment dominé par des solutions quelque peu dépassées et éviter à des entreprises qui souhaitent s’outiller de s’empêtrer dans une marche trop longue et périlleuse.
Pour ce faire, ils ont notamment débauché une petite douzaine de talents - développeurs, designers UX et autres -, tous issus de startups et scale-ups françaises bien connues, Qonto et Swile bien sûr, mais aussi Doctolib, Payfit, ou encore Wave. « Nous nous positionnons sur un marché dans lequel les acteurs historiques ne stimulent que très peu l’innovation. Nous ne prétendons pas avoir la recette magique, mais nous pensons réellement pouvoir proposer une solution moderne, qui répond aux attentes des entreprises », défend Romain Libeau.
Décollage express
Alors que ses équipes démarraient tout juste leur travail de développement, Pivot a été reniflé dès le mois de juin par Voodoo, licorne française spécialisée dans l’édition de jeux vidéo sur smartphone. Tout comme beaucoup d’acteurs de la French Tech ces derniers temps, la scale-up, lancée en 2013 et dont les jeux vidéo sont utilisés chaque jour par plusieurs dizaines de millions de joueurs, mettait sur pied son service achat et prévoyait d’élire son logiciel dédié. En ces temps d’inflation galopante, optimiser la gestion des achats n’a, pour elle (et beaucoup d’entreprises de la French Tech), jamais semblé aussi crucial. « Voodoo structurait depuis peu son département achats et partait à la quête d’un outil créateur de valeur », se remémore Romain Libeau.
Alors en bataille face à certains grands noms du marché, Pivot remporte à la surprise générale l’appel d’offres publié par l’éditeur de jeux vidéo. Un premier succès retentissant pour la startup encore en amorçage. « C’était assez fou, car l’obtention de ce marché est intervenue à un moment où nous n’avions pas encore de produit à proposer. Nous avons fait preuve d’agilité et avons tenté de répondre au mieux aux attentes de Voodoo », explique Romain Libeau.
Pour Pivot, le temps s’accélère. Alors que le déploiement est prévu pour le mois de septembre qui suit, les équipes mettent les bouchées doubles et une première version de la solution voit le jour quelques semaines plus tard. « Nous avons travaillé d’arrache-pied de mai à août pour concevoir le produit », raconte le cofondateur. Puis vient le moment de vérité ; Pivot entre alors dans une nouvelle phase de son histoire. Le crash-test est passé avec succès ; l’implémentation de l’outil, réalisée en l’espace de quelques jours, n’a souffert d’aucun accroc. Et s’il est bien évidemment encore un peu tôt pour tirer des conclusions, ou faire de Pivot un mastodonte, la startup peut s’appuyer sur cette première expérience pour construire sereinement la suite.
Compatibilité avec les outils métiers
Acheter est nécessaire, une entreprise vit de ses projets.
Avec sa solution, Pivot espère bien permettre à son premier client (et les futures qui suivront) de contrôler ses dépenses et d’accroître sa profitabilité sans freiner, ni pénaliser sa croissance. « Acheter est nécessaire, une entreprise vit de ses projets. Encore faut-il que le contrôle des dépenses n’entraîne pas une perte de rythme et de vélocité pour l’entreprise », clame Romain Libeau. L’outil, boosté à l’IA, doit dispenser in fine la Finance de nombreuses tâches manuelles et maximiser sa productivité, en lui donnant l’occasion de se concentrer sur des tâches à forte valeur ajoutée. L’identification d’anomalies, ou encore de pistes d’économie sont quelques éléments qui font sa proposition de valeur. Son autre force est de s’intégrer à l’environnement applicatif de l’entreprise.
Les intégrations natives avec l’ERP et les outils métiers permettront dans tous les cas une implémentation en quelques jours seulement, sans même avoir recours à un intégrateur. Dans le cas de Voodoo, la solution s’interface avec l’ERP SAP et bien d’autres outils verticaux comme Leeway pour la gestion du cycle de vie des contrats, LecaRH (SI RH) ou Slack, plateforme collaborative de communication. Les interfaces façonnées par les équipes de Pivot se veulent également intuitives. Celles-ci ont été travaillées de sorte à faciliter l’adoption par les utilisateurs, et éviter toute résistance au changement. Au demeurant, avec Pivot, finis les frictions liées à la conduite du changement.
Tout ce qui nous arrive aujourd’hui confirme notre intuition de départ
Forcément, chez Voodoo, les premiers gains de performance n’ont pas tardé à se faire ressentir. « La collaboration entre les métiers se fluidifie peu à peu et les effets sur les dépenses se font déjà ressentir. Le retour de Voodoo est pour le moment très positif », assure Romain Libeau. Ce succès, presque inespéré tant il est arrivé vite, ne doit toutefois rien au hasard et en appelle d’autres. « Notre objectif est de développer un outil simple, avec des fonctionnalités à la portée de tous. Nous avons su en quelques mois poser le cadre et avancer avec discernement. Tout ce qui nous arrive aujourd’hui confirme notre intuition de départ. Nous voulons apporter de la finesse et permettre à l’entreprise de fluidifier ses process en fonction de sa politique achats, afin de ne pas créer de goulots d’étranglement sur les fonctions support. La gestion des flux de bout en bout et l’interopérabilité avec les outils métiers génèrent beaucoup de valeurs », expose le CEO.
Le Vieux continent en vue
Nous allons déployer notre outil auprès d’une dizaine d’entreprises d’ici à la fin de l’année
Tout ce qui est exposé ci-dessus sont autant de raisons qui font que d’autres entreprises se laissent désormais tenter par Pivot. L’éditeur a effectivement remporté en l’espace d’un temps très court plusieurs autres appels d’offres. « Nous allons déployer notre outil auprès d’une dizaine d’entreprises d’ici à la fin de l’année », se félicite Romain Libeau. Si sa solution, qui adresse des sujets d’achats indirects en tout genre, ne jouit pas d’une profondeur fonctionnelle similaire aux solutions portées par Coupa, SAP Corcentric, ou autre Ivalua, Pivot n’en fait pas toute une histoire.
Bien au contraire même, puisqu’il s’agit d’un choix mûrement réfléchi. « Il est présomptueux de se comparer à ces grands noms. Cependant, la surmultiplication des fonctionnalités dans leur outil engendre une complexité trop importante et les entreprises n’ont souvent besoin que d’une petite partie desdites fonctionnalités. Même si une société ne compte pas de direction achats, elle a ses habitudes, compte un écosystème fournisseurs. Il ne faut pas balayer cela d’un revers de main, mais bien déployer quelque chose de progressif, qui leur servira dans le temps. C’est notre conviction ». En ce sens, Romain Libeau et ses associés veulent faire de Pivot un outil modulaire, qui se calque aux besoins clients au plus haut degré. « Cela permet de ménager la complexité de l’outil et sa profondeur fonctionnelle. Il ne sert à rien de mettre dans les mains d’un client une fonctionnalité qui ne lui servira pas ».
Prochaine étape pour Pivot : la conquête du continent européen, avec la commercialisation de son produit dans plusieurs pays de la région. La startup peut d’ores et déjà compter sur le soutien de son premier client Voodoo, un atout somme toute considérable pour la petite structure, qui ne cache pas son envie de conquérir ici et là de nouvelles parts de marché. « Nous avons l’ambition d’adresser aussi bien des startups que des entreprises dites traditionnelles. Beaucoup d’entre elles sont prêtes à renoncer à leurs investissements et se tourner vers une autre solution, car la leur n’est pas adaptée ».
Le développement technologique, une priorité
Pour le reste, les fonds levés au début du mois d’octobre doivent permettre à Pivot de peaufiner son outil et développer sa technologie à travers l’élaboration de nouvelles fonctionnalités. Deux sont d’ores et déjà dans les starting-block ; la première porte sur le renouvellement des contrats et la deuxième sur la gestion des budgets alloués. La startup a également jeté les bases d’un plan de recrutement, prévoyant d’embaucher sur des fonctions commerciales et support clients. « La majorité des effectifs restera dédiée au produit. Tout est développé en interne et le restera », insiste tout de même Romain Libeau.
Le challenger, qui semble avoir trouvé sa vitesse de croisière, espère maintenant continuer sur sa lancée, histoire de frapper un grand coup et, d’une certaine manière, de marquer déjà son temps. « Les conditions du marché et le contexte économique ont été pour nous des déclencheurs. Le rôle des Achats ne se limite pas à la seule négociation de contrat, il leur est demandé de se positionner en amont, pour aider au mieux à la définition du besoin. Or, après avoir recueilli les témoignages de CFO, responsables, directeurs et directrices achats, nous étions convaincus que les solutions existantes n’adressent pas assez bien leurs problématiques et celles de leurs entreprises. Beaucoup d’entre elles sont insatisfaites de leur apport et, avant cela, des conditions d’implémentation. Il est très difficile de déployer de gros outils et de contenter tout le monde autour de la table », soutient Romain Libeau.