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Énergie : Tous fans du CPPA

Par Guillaume Trecan, Mehdi Arhab | Le | Énergie environnement

Cet article est référencé dans notre dossier : Les acheteurs indirects se mettent en ordre de marche pour juguler l’inflation

Face à la réalité d’une énergie toujours plus chère, de nombreux donneurs d’ordre sont séduits par la possibilité de sécuriser une quantité d’énergie verte à des prix stables sur plusieurs années, offerte par les Corporate Purchase Agreement. Mais tous n’ont pas cette chance, notamment à l’étranger … Analyse de la tendances avec une série de témoignages de directions achats : Fnac Darty, Imerys, Les Mousquetaires, Paprec ou encore ICTSI.

Énergie : Tous fans du CPPA
Énergie : Tous fans du CPPA

Le marché des CPPA (Corporate Power Purchase agreement) est pour le moins bouillonnant et les acteurs français de la grande distribution en profitent. Ils sont de plus en plus nombreux à s’affairer pour sceller ce type d’accord garantissant des capacités et un prix fixe sur de l’énergie décarbonée. Le groupement Les Mousquetaires dernièrement donc, Fnac Darty également l’année dernière, mais aussi plus récemment l’enseigne E. Leclerc ou encore Leroy Merlin, ont tous sauté dans le grand bain. Une manière pour ces mastodontes de maîtriser leurs coûts en matière d’achat d’énergie et de se prémunir de la fluctuation des prix depuis le début de la guerre en Ukraine. Mais ils ne sont pas les seuls à se secouer. En effet, d’autres grands noms se pressent aussi. Ainsi, des groupes industriels d’envergure, tels que L’Oréal et Renault, se sont laissé séduire par des contrats d’approvisionnement en électricité verte, basé sur un projet énergétique à construire.

Des CPPA de plus en plus chers face à une demande qui explose

Comme le rappelait dans nos colonnes Arthur Arrighi de Casanova, expert en énergies renouvelables du cabinet Capgemini Invent, le CPPA est en vogue, pour une raison manifeste : il est aujourd’hui le seul mécanisme qui permet de prendre des positions d’achat d’énergie à moyen et long terme. Et c’est là qu’est tout l’avantage de cet instrument.

Le prix d’achat, bien que pouvant être indexé, demeure extrêmement stable, reste sous contrôle et évidemment beaucoup moins volatil que ce que le marché classique impose. Qu’importe finalement l’inflation des équipements, qui a conduit de fait à une hausse des prix de certains PPA : pour ceux qui empruntent cette voie, le plus important, semble-t-il, est de s’offrir une forme stabilité et de protéger sur une longue période leurs approvisionnements en énergie. Ou du moins, une bonne partie. Un véritable privilège en ces temps bien incertains et que peu peuvent se procurer. 

Pour se prémunir contre les coûts en hausse des PPA, certains acteurs choisissent d’ailleurs de grouper leurs besoins. C’est le cas par exemple du spécialiste de la gestion des déchets, Paprec, dont le directeur des achats, Nicolas Roux nous confiait avoir conclu le premier appel d’offres de PPA multi-acheteurs en décembre 2021.

Plus qu’un sujet d’achat, un sujet de performance global

Le contrat entre Renault et Voltalia, le plus important de ce type, couvre pour ce qui le concerne une puissance de 350 MWc, représentant une production d’environ 500 GWh par an. Cet accord, qui intervient dans le cadre d’un vaste plan de décarbonation de ses usines en France et en Europe, permettra au constructeur automobile français de couvrir jusqu’à 50 % de la consommation d’électricité de ses sites de production en France en 2027, y compris la consommation électrique de l’usine de Cléon (Seine-Maritime), ainsi que l’ensemble des besoins en électricité du pôle ElectriCity, centre de production de véhicules électriques implanté dans les Hauts-de-France dont l’ambition est de produire 400 000 véhicules par an à l’horizon 2025. Leroy Merlin tirera de son côté une partie de son électricité à partir d’actifs développés et exploités, d’une part par Photosol et d’autre part par Voltalia, via un CPPA pour une centrale éolienne neuve ; une toute première en France.

De sa position, Felipe Sabbadini, directeur des achats groupe d’Imerys, qui nous présentait il y a quelques semaines les grandes lignes son plan de marche, a bien intégré les avantages que présentent les PPA. Et entre la sécurisation de ses approvisionnements, la réduction de l’empreinte carbone du groupe et la garantie de préserver la performance économique de ses achats d’énergie, il est franchement difficile de ne pas être séduit. « Les PPA sont pour nous un important moyen de contribuer à réduire notre empreinte CO2  », indique-t-il d’emblée. Alors qu’elle a déjà, à l’instar de la direction de l’énergie du groupement Les Mousquetaires, multiplié les PPA, la direction des achats du groupe minier ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.

Nous continuerons ensuite avec l’objectif de passer de un à deux PPA par an à dix à douze PPA par an

Accompagnée par KPMG dans cette quête, la direction achats Imerys va en effet accélérer le pas dans les prochaines semaines, au point même « d’industrialiser » sa démarche. « Nous avons sélectionné une trentaine d’assets industriels qui vont faire l’objet d’appels d’offres pour des PPA on sight ou off sight d’énergie solaire. Notre but est de signer au moins une dizaine de contrats d’ici la fin de l’année. Nous continuerons ensuite avec l’objectif de passer de un à deux PPA par an à dix à douze PPA par an », précise Felipe Sabbadini. L’objectif de ce dernier est simple : réduire la dépendance aux énergies fossiles de la base industrielle du groupe. Un défi de taille, toutefois plus facile à relever désormais du fait de l’offre foisonnante qui souffle sur le marché de l’électricité en Europe.

Fortune diverse et impossibilité d’agir

Mais ailleurs, tout n’est pas aussi rose. Pour Damien Huppert, directeur des achats du groupe International Container Terminal Services Inc., un opérateur portuaire philippin dont le chiffre d’affaires en 2022 s’élève à 2,2 milliards de dollars, il est tout simplement impossible d’accéder à des sources d’énergie décarbonées. Pourtant, la société qui gère 32 terminaux, est présente dans 19 pays, mais aucun d’entre eux ne compte ne serait-ce qu’un ”petit réacteur nucléaire” …

Comment procéder dans de telles circonstances, alors qu’une large partie du parc d’équipements du groupe fonctionne à l’électricité ? « Nous n’avons, à mon plus grand regret, pas accès à de l’électricité décarbonée, ni même à des biocarburants, sur les marchés dans lesquels nous opérons. Nous n’avons sous la main que des sources d’électricité par charbon ou des groupes électrogènes diesel. Il arrive même que certains de nos terminaux ne soient pas reliés au réseau », déplore-t-il. Et à l’inverse de Felipe Sabbadini, son ancien collègue chez Imerys, lui n’a pas vraiment intérêt à se positionner sur le moyen terme avec les fournisseurs d’énergie de la région.

L’énergie verte fait défaut dans beaucoup de pays

Alors que son entreprise communiquera incessamment ses objectifs de décarbonation, il tente par tous les moyens de changer la donne, afin d’intégrer les Achats dans cette future démarche. Mais sans source d’énergie verte, le combat pourrait bien être perdu d’avance. Ou, a minima, bien difficile à remporter. « Nous multiplions les échanges avec nos fournisseurs d’énergie et attendons de savoir quand ils seront en mesure de mettre en ligne des sources d’énergie verte. Pour le moment, nous ne prenons aucun engagement sur le long terme avec nos fournisseurs actuels, de sorte, quand le moment viendra, de basculer vers des fournisseurs d’électricité verte ou du moins décarbonée », confirme Damien Huppert.

Au regard du climat aux Philippines et dans les autres contrées dans lesquelles ICTSI est implanté, l’énergie solaire pourrait bien constituer une solution adaptée. Mais il n’est pas dit non plus que des parcs photovoltaïques et des dispositifs d’autoconsommation puissent répondre à tous les besoins du groupe ; les charges soulevées sur un port réclamant une intensité énergétique extrêmement forte.