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Fanny Bénard : « Ces achats de ″prestations nomades″ ont tendance à passer sous le radar »

Par Mehdi Arhab | Le | Fm

BuyYourWay, cabinet de conseil spécialisé sur les achats responsables, a réalisé une étude aux côtés de l’association EDH Entreprises pour les droits de l’homme sur les enjeux et risques inhérents aux achats de sous-traitance. Fanny Bénard revient sur ses conclusions et recommandations.

Fanny Bénard - Associée Filières et Achats Responsables- BuyYourWay - © D.R.
Fanny Bénard - Associée Filières et Achats Responsables- BuyYourWay - © D.R.

D’où est partie l’idée de cette étude ?

Le but de notre cabinet est d’aider toutes les personnes dans les entreprises à mieux intégrer les enjeux de responsabilités sociétales dans leurs achats. L’association E-DH (Entreprises pour les Droits de l’Homme) a pris l’initiative de mener cette étude sur les « prestations nomades » et de nous en confier la réalisation. Ces catégories d’achats concernent tout type d’entreprise.

Les métiers en question sont généralement moins qualifiés, les contrats y sont plus précaires, les horaires de travail plus âpres, en décalé

 

Quels sont les enjeux de ces catégories d’achats ?

Ce sont avant tout des enjeux sociaux sur lesquels nous sommes revenus avec E-DH. Nous nous sommes intéressés aux conditions de travail des personnes qui n’ont pas de lieu de travail fixe. Elles se déplacent le plus souvent d’un client ou d’un bâtiment à l’autre … Les métiers en question sont généralement moins qualifiés, les contrats y sont plus précaires, les horaires de travail plus âpres, en décalé… Il est question d’enjeux d’isolement, d’employabilité, de difficultés à monter en compétences. Inévitablement reviennent alors des interrogations liées aux droits de l’Homme, à de la sous-traitance cachée, à des personnes qui ne sont pas payées correctement, voire qui ne sont pas déclarées.

Pourquoi cette étude a-t-elle été réalisée sous l’angle des achats ?

L’idée était d’ouvrir les perspectives des acheteurs. Il ressort que les outils de maîtrise des risques ne sont pas toujours évidents pour les entreprises. Ces achats de « prestations nomades » ont tendance à passer sous le radar. Ils ne sont pas spécialement stratégiques ou ancrés dans le core business des entreprises. Généralement, les stratégies achats responsables appliquées sont génériques. Mais ici, ce sont des prestations bien spécifiques, avec des enjeux assez particuliers et il faut alors y appliquer des outils achats responsables qui leur sont propres.

Quels sont les risques encourus généralement par les donneurs d’ordres ?

Ces entreprises sont soumises à la loi française de 2017 sur le devoir de vigilance. Elle oblige les sociétés donneuses d’ordres à mettre en place des actions de mitigation de risques en interne, sur les chaînes d’approvisionnement, sur des questions liées aux droits de l’Homme ou encore la sécurité des personnes… Si la loi n’est pas respectée, il existe pour les entreprises des risques de mise en demeure de respecter leurs obligations.

 

Il ne sert à rien de calquer la démarche achats responsables d’une entreprise à l’autre, elles sont différentes

Quels sont les résultats et les recommandations de votre étude ? Et quels sont les enseignements tirés ?  

Les conclusions portent sur la bonne identification des risques au regard des enjeux. Et ce ne sont pas les mêmes d’une entreprise à une autre. Il faut renforcer l’agilité des acheteurs et rendre leur démarche plus claire. Il ne sert à rien de calquer la démarche achats responsables d’une entreprise à l’autre, elles sont différentes. Mieux une entreprise comprend pourquoi elle doit utiliser un outil d’évaluation plutôt qu’un autre, mieux elle s’assurera de la maîtrise de ses risques afin d’avoir un meilleur effet sur les personnes concernées. Nous leur recommandons même d’aller plus loin à ce sujet et de ne pas s’appuyer sur des outils trop communs, lesquels ne permettent pas de mettre en place des plans d’action pertinents.

Quels étaient les outils et indicateurs utilisés pour réaliser votre étude ?

Nous nous sommes appuyés sur des outils « workervoice », comme des questionnaires… Ils permettent notamment de demander aux personnes qui font les prestations si elles travaillent dans de bonnes conditions. 

Avez-vous rencontré des difficultés au moment de réaliser votre étude ?

La première difficulté était de discuter avec les entreprises, de trouver des témoignages sur des pratiques qui sont très diffuses et différentes les unes des autres. Il n’existe pas beaucoup d’études sur le sujet, ces catégories d’achats ne sont pas souvent analysées. Il faut au préalable identifier tous les enjeux, afin de mettre en place les bons outils de mitigation pour faire les bonnes recommandations.

 

Méthodologie

Cette enquête a été réalisée en ligne sur la base d’une vingtaine de réponses, renforcées par des entretiens spécifiques, notamment avec des représentants du Pacte mondial des Nations unies et de l’Organisation internationale du travail afin de creuser la liste des enjeux.