Brapi : « 85 % des donneurs d’ordres ont des budgets d’achats de prestations intellectuelles stables »
François Tourrette, président du Brapi (Benchmark des responsables achats de prestations intellectuelles) expose la conjoncture tendue pour les acteurs du conseil qui touche les plateformes d’intermédiation et les ESN, avec des TJM en baisse et une concurrence sévère. Il sera grand témoin sur l’atelier « #Freelancing : Quelle proposition de valeur pour les plateformes d’intermédiation ? », lors des HA Days Prestations Intellectuelles, le 3 juin à Deauville.

Le marché des plateformes d’intermédiation a-t-il maintenu son dynamisme en 2025 ?
C’est aujourd’hui un marché extrêmement tendu, marqué par un recul de la demande de près de 30 %. Environ 85 % des donneurs d’ordres ont des budgets d’achats de prestations intellectuelles stables ou en baisse. Dans ce contexte, la concurrence est féroce, d’une part entre ESN et plateformes d’intermédiation et, d’autre part, entre les sociétés d’intermédiation elles-mêmes, qui se livrent à une course à la remise en rognant sur leurs pourcentages de marge. Les TJM sont également en baisse. Cette tendance épargne évidemment les profils d’experts et de seniors qui restent rares et très prisés.
Les plateformes d’intermédiation et les sociétés de portage continuent-elles tout de même à prendre des parts de marché sur les ESN ?
Dans l’ensemble le marché cumule environ 4,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, un chiffre qu’il faut mettre en regard avec les 35 milliards d’euros de chiffre d’affaires des ESN. Oui, les plateformes d’intermédiation et de portage prennent actuellement des parts de marché sur l’activité de portage sans sourcing que pratiquaient les ESN. Auparavant, il arrivait qu’un client qui avait trouvé seul un freelance, demande à une ESN de le porter. Mais, aujourd’hui, ces clients préfèrent confier cette tâche à des plateformes d’intermédiation qui peuvent se contenter de marges plus faibles que les ESN. En s’alignant sur cette tendance, certaines plateformes se transforment ainsi en centrales d’achats de freelances. Les gains de part de marché des plateformes d’intermédiation sont aussi liées au fait que de plus en plus de d’experts deviennent des profils freelance.
Que peut-on attendre de ces sociétés d’intermédiation en termes de services ?
Leur premier métier consiste à faire du sourcing dans leur domaine de spécialisation : l’IT, le Conseil, la Finance… Elles peuvent aussi sécuriser des microstructures en faisant du portage commercial administratif sans sourcing, donc dans un rôle proche d’une centrale d’achats. Un certain nombre d’acteurs proposent aussi, à la demande des clients, des services autour du recrutement en sourçant des profils, y compris d’indépendants susceptibles d’accepter un poste en CDI.
Quand la situation se tend et que les indépendants ont du mal à trouver des missions, ils n’apprécient guère que la plateforme leur prenne une marge supplémentaire
Le client de la plateforme est-il le client final, le freelance ou les deux ?
Seule une minorité de plateformes se rémunèrent des deux côtés. Cette situation gêne d’ailleurs de plus en plus de freelances. En effet, en période faste, cela ne pose pas de problème, mais quand la situation se tend et que les indépendants ont du mal à trouver des missions, ils n’apprécient guère que la plateforme leur prenne une marge supplémentaire.
Les acteurs de ce marché continuent-ils à se concentrer ?
Il existe une centaine de sociétés d’intermédiation. Les concentrations risquent d’être particulièrement importantes en 2025, sachant que l’année 2024 a été particulièrement difficile pour les ESN. Plusieurs acteurs ont disparu dernièrement, comme par exemple Talent.Io, un acteur majeur du recrutement qui s’était transformé en plateforme. D’autres comme Mindquest ont été rachetés, en l’occurrence par le groupe Freeland. Beaucoup d’acteurs sont en pourparlers en ce moment.
Le marché des plateformes d’intermédiation spécialisées sur les métiers de l’IT, du conseil et de l’ingénierie est, en revanche, assez stable, avec une dizaine de plateformes, emmenées par les quatre leaders que sont Freelance.com, Malt, Little Big Connection et Alliance Global Procurement, dont le volume d’affaires est supérieur à 100 millions d’euros.