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France Travail : « Chaque année, 80 à 90 freelances travaillent chez nous »


Gilles Collet, responsable des achats et du juridique à la DSI de France Travail qui organise le recours à un peu moins de cent freelances par an depuis 2020 fait le point sur cette expérience réussie qui apporte de nouvelles expertises et de l’agilité à l’opérateur de l’Etat ainsi que des économies. Gilles Collet sera grand témoin sur l’atelier « #Conjoncture : Comment valoriser les bons profils, tout en maîtrisant ses TJM ? », lors des HA Days Prestations Intellectuelles, le 4 juin à Deauville.

Gilles Collet, responsable achats et juridique de la DSI. - © D.R.
Gilles Collet, responsable achats et juridique de la DSI. - © D.R.

Que représente le recours aux freelances dans votre portefeuille d’achats de prestations intellectuelles ?

Nous achetons 100 à 120 millions d’euros de prestations intellectuelles informatiques par an, essentiellement de la maîtrise d’œuvre. Nous avons construit un marché spécifique pour les freelances qui avoisine les 5 millions d’euros par an. Chaque année, 80 à 90 freelances travaillent chez nous. Cela représente 7 % de l’ensemble de nos consultants.

Le recours aux freelances et aux PME nous permet de multiplier les POC pour tester de nouvelles solutions innovantes

Pour travailler avec des freelances et des PME, nous avons ouvert un premier marché aux plateformes d’intermédiation en 2020, puis un deuxième en début d’année 2024 qui a été attribué à Freelance.com. Le recours aux freelances et aux PME nous permet de multiplier les POC pour tester de nouvelles solutions innovantes. Nous menons par exemple en ce moment plusieurs POC pour apprécier des solutions qui mesurent la décarbonation des unités d’œuvre commandées dans nos marchés. Nous allons chercher auprès de freelances des expertises qui n’étaient pas mentionnées dans nos marchés en cours avec des ESN, afin de ne pas les cannibaliser.

Qu’avez-vous tiré comme enseignements du déroulement du premier marché ?

Ce marché nous a apporté toute satisfaction quant à la qualité et la fiabilité des freelances et des PME avec lesquels nous avons travaillé. Il nous a également permis de réaliser des économies assez importantes en comparaison d’un recours aux ESN. Nous pouvons les chiffrer à 757 000 euros sur une année, pour 45 freelances, tout en les payant mieux à concurrence d’une centaine d’euros par jour.

Quelle évolution avez-vous constatée concernant les TJM ?

Les TJM sont globalement à la baisse. Pour évaluer les profils qui nous sont proposés, nous nous appuyons sur une grille d’appréciation des savoir-faire et des savoir-être, fondée sur les retours d’expérience des prescripteurs. Nous déterminons le TJM, selon une grille financière associée au marché. Nous vérifions s’il existe des écarts entre titulaires, nous nous benchmarkons et nous consultons des études de marché spécialisées, comme celle du Brapi et du Cigref. Nous avons aussi nos propres références. Depuis douze ans que nous collectons des TJM par profils. Nous avons une bonne connaissance des tendances et des évolutions du marché. Au moment où nous recevons une offre commerciale, nous avons des bases de comparaison pour apprécier les éléments et les situer par rapport à la concurrence.

Nous ne voulons pas valoriser seulement une durée de présence mais des expériences significatives

Nous faisons attention à ce que les ESN, pour augmenter leur prix, n’habillent pas de neuf un ancien profil, par exemple en transformant un profil de Product Owner en Product Manager. Lorsque nous demandons un profil junior, c’est bien d’un profil junior dont nous avons besoin et, si ce profil reste chez nous deux ou trois ans, l’ESN aura tendance à nous demander de le faire passer en catégorie consultant et de l’augmenter. Or, nous ne voulons pas valoriser seulement une durée de présence mais des expériences significatives.

Comment contrez-vous cette tendance à l’inflation naturelle des TJM ?

Lorsqu’un profil a des compétences rares, nous contournons les difficultés pour le conserver. Mais sur 1 400 collaborateurs externes, ce cas est minoritaire, même si les prescripteurs ont tendance à penser que tous les consultants sont indispensables voire irremplaçables. Nous devons donc faire en sorte qu’il y ait une certaine rotation au niveau des consultants, ne serait-ce que pour éviter que la maîtrise de l’activité soit détenue par des consultants.

Dès lors que le consultant a plus de quatre ans d’activité avec nous, le titulaire du marché nous doit une pénalité de 50 euros par jour

Nos contrats précisent que dès lors que le consultant a plus de quatre ans d’activité avec nous, le titulaire du marché nous doit une pénalité de 50 euros par jour. Cela a pour effet de permettre une rotation des profils. Si nous demandons à ce que l’expert soit maintenu, nous revalorisons à la hausse le prix payé au titulaire, d’un montant équivalent à la pénalité.

Cette mesure a permis de réduire le groupe de nos prestataires de longue durée. Avant de mettre en place cette mesure, il y a quatre ans, nous avions près de 200 consultants en poste depuis quatre ans et quelques dizaines au-delà de 120 mois. Aujourd’hui, moins d’une trentaine de personnes cumulent 48 mois d’ancienneté.

Cette mesure est aussi positive pour les freelances dont l’intérêt est de multiplier les missions pour accumuler de l’expérience, ce qui ne s’accomplit pas quand ils restent plusieurs années chez le même client.

Qu’avez-vous comme possibilité pour évaluer les compétences d’un profil que l’on vous propose ?

La meilleure manière de tester un consultant, c’est de le mettre à l’épreuve. Si un profil ne donne pas satisfaction, nous revenons assez rapidement vers le titulaire du marché et nous demandons à changer de consultant. Sachant que nous travaillons sur des marchés multi-attribués, si un titulaire nous fait faux-bond, nous pouvons nous tourner vers son concurrent. Ils ont donc intérêt à nous proposer les meilleurs profils.

Le retournement du marché sur les prestations intellectuelles pousse-t-il vers le CDI d’anciens freelances ?

Chez nous, un freelance prend une activité de quatre jours par semaine maximum. Le message que nous leur passons étant : « nous ne sommes pas votre seul client et vous devez préparer l’atterrissage de votre fin de mission ». Nous avons aussi mis en place des avances conséquentes pour nos freelances lors du début de la mission. Cela nous assure une certaine fidélité de leur part.

HA Days