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Noz : « La force de notre entreprise, c’est sa capacité d’achat »


Marine Coic, directrice des opérations du champion du déstockage Noz révèle le rôle centrale que jouent les achats dans le succès de cette enseigne qui a frôlé des 800 millions d’euros d’achats en 2024.

Marine Coic, directrice des opérations de Noz,  - © D.R.
Marine Coic, directrice des opérations de Noz, - © D.R.

Propos recueillis par Dalila Bouaziz

Comment s’est déroulée l’année 2024 ?

Notre enseigne se porte bien. Noz s’impose à la fois comme le pionnier et le leader du déstockage, en France comme en Europe, depuis près de 50 ans. Nous comptons aujourd’hui 336 magasins sur le territoire français. En 2024, notre chiffre d’affaires s’est établi à 793 millions d’euros, frôlant les 800 millions, soit une croissance à deux chiffres de +11 % par rapport à 2023. Ce chiffre tient compte des ouvertures réalisées au cours de l’année, il ne s’agit donc pas d’un périmètre constant. Tous les voyants sont au vert, et nous poursuivons notre dynamique avec un rythme d’ouvertures d’environ deux magasins par mois.

Nous avons des équipes partout dans le monde qui identifient des opportunités d’achat de lots en déstockage

Quel rôle joue votre centrale d’achat dans cette performance ?

La force de notre entreprise, c’est sa capacité d’achat. Nous avons des équipes partout dans le monde qui identifient des opportunités d’achat de lots en déstockage. Ces lots peuvent être constitués de fins de séries, d’invendus, de dates courtes, de fins de collection… Ils sont ensuite valorisés par nos équipes marketing. C’est vraiment notre savoir-faire. La revente est la conséquence naturelle de notre puissance d’achat.

Dans un contexte où beaucoup d’acteurs du retail sont en difficulté, y compris chez les discounters, comment vous positionnez-vous ?

Notre promesse, ce n’est pas le « prix bas » en tant que tel, c’est la « bonne affaire ». À la différence du discount pur, où le positionnement est basé sur des prix bas constants, nous proposons des produits issus du déstockage, à un prix décoté. Ce n’est pas du produit bas de gamme à bas prix, c’est un produit de qualité à prix cassé.

On peut avoir de petits prix, mais aussi des articles moyen voire plus haut de gamme, comme des pulls en cachemire. Ce qui compte, c’est la remise. Nos clients savent faire la différence entre un produit premier prix de moindre qualité, souvent fabriqué très loin, et un produit de qualité, neuf, auquel on donne une seconde vie.

Nous avons des équipes partout dans le monde qui identifient des opportunités d’achat de lots en déstockage

Quelle est la durée de vie moyenne d’un produit en magasin ?

Le cycle de vie est de quatre semaines maximum. Il y a deux raisons à cela : d’une part, respecter nos engagements vis-à-vis des fournisseurs, pour que les produits ne restent pas en magasin trop longtemps et ne nuisent pas à leur propre réseau de distribution. Et d’autre part, inciter nos clients à revenir fréquemment. Les magasins sont livrés trois fois par semaine en moyenne. Si les produits ne partent pas dans les quatre semaines, nous appliquons des remises supplémentaires pour faire de la place aux nouveaux arrivages.

Nous couvrons quasiment toutes les catégories, à l’exception du frais

Quelle est votre politique de prix selon les catégories, et y a-t-il des segments que vous privilégiez ou au contraire que vous écartez ?

Les remises varient selon les catégories. En produits de grande consommation (PGC), nous sommes plutôt autour de -30 %, tandis qu’en textile, cela peut atteindre jusqu’à -80 %. Il n’y a pas de règle fixe : notre service marketing positionne les prix en fonction du marché, avec une exigence claire — être systématiquement moins cher que le prix le plus bas constaté en France. Si une enseigne affiche -50 %, nous irons plus loin, avec des remises de -55 %, -60 %, voire -70 %, selon l’intérêt du lot. Nous couvrons quasiment toutes les catégories, à l’exception du frais. On trouve chez nous du surgelé, des bijoux, des montres, et même de l’or et de l’argent. Il nous arrive aussi de proposer des produits plus premium, ce qui nous distingue clairement du discount traditionnel.

Justement lorsqu’une marque fait faillite, votre reprise de stock attire souvent l’attention des médias. Est-ce que cela soulève des enjeux en matière d’image ou de réputation pour votre enseigne ?

Oui, c’est vrai qu’une partie de nos approvisionnements provient de déstockages liés à des difficultés économiques : redressements judiciaires, liquidations, sinistres… C’est l’une de nos sources historiques, et cela fait partie intégrante de notre métier depuis près de 50 ans. Bien sûr, ce sont des situations que nous ne souhaitons à personne, mais notre rôle est d’y apporter une solution. Si nous rachetons ces marchandises, c’est parce que nous sommes le mieux-disant, celui qui en propose le meilleur prix. Et cet argent permet, dans bien des cas, de rembourser des créances ou de solder des dettes. Si ce n’est pas nous, ce sera un concurrent ou un autre acteur du rachat. C’est un rôle que nous assumons pleinement.

Ce qui a changé, sans doute, c’est la médiatisation. Depuis le Covid, des marques très connues ont disparu, ce qui attire davantage l’attention. Mais dans le fond, notre activité reste la même : faire ce que nous avons toujours fait. Et tant que ce modèle fonctionne, nous continuerons.

Comment fonctionne votre sourcing ? Travaillez-vous en direct avec les marques et les fabricants, et quel rôle joue votre école de formation interne dans cette approche ?

Oui, c’est une priorité pour nous. Nous avons vraiment à cœur de développer une relation de confiance avec nos fournisseurs, sans passer par des intermédiaires. Nos acheteurs sont formés pour comprendre leurs besoins, savoir pourquoi ils déstockent, à quelle fréquence, et quel type de marchandise ils peuvent proposer. L’objectif est d’établir une relation durable et transparente. Idéalement, nous aimerions devenir une sorte de magasin d’usine pour toutes les marques.

C’est dans cet esprit que nous avons mis en place, il y a plus de vingt ans, une école de formation interne. Elle vise à transmettre les compétences spécifiques au métier du déstockage, notamment l’art de la négociation. Proposer à un fournisseur de reprendre son stock ne se résume pas à un simple « Vous avez du stock à déstocker ? ». Il faut adopter la bonne posture, l’amener à identifier lui-même ses invendus, ses fins de séries. C’est une véritable approche, un savoir-faire qui s’apprend. Nos acheteurs y sont formés, et c’est ce qui nous permet aujourd’hui de bénéficier de la confiance de nombreux fournisseurs.

Nous avons des équipes partout dans le monde qui identifient des opportunités d’achat de lots en déstockage

Quels sont aujourd’hui vos grands chantiers, notamment en matière de croissance ou de digitalisation ?

Notre priorité est de poursuivre notre croissance, avec un objectif clair : devenir le leader mondial de l’achat en déstockage. Nous voulons continuer à transformer les invendus de nos fournisseurs en bonnes affaires pour nos clients, et intensifier nos achats, partout dans le monde. En revanche, la digitalisation ou la vente en ligne ne font pas partie de nos projets. Notre modèle repose sur l’achat de lots très hétérogènes, avec des produits qui varient en taille, en quantité, en forme… Gérer cela en ligne serait extrêmement complexe. Sans compter que nous ne pouvons pas communiquer sur les marques que nous revendons. La vente en ligne, c’est un tout autre métier. Notre vraie force, c’est l’achat, et c’est sur ce savoir-faire que nous concentrons nos efforts.

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