François Provost nommé à la tête de Renault Group
François Provost, directeur des achats, des partenariats et des affaires publiques jusqu’ici, va conduire la destinée de Renault Group pour quatre ans. Un choix surprenant pour certains, logique pour d’autres, mais qui en dit long sur son importance en interne et sur le poids des achats pour le groupe automobile français.

Renault Group a enfin choisi son pilote. Directeur des achats, des partenariats et des affaires publiques de l’entreprise jusqu’ici, François Provost a été nommé à la tête du groupe Renault le mercredi 30 juillet 2025 et ce pour une durée de quatre ans. Le conseil d’administration, réuni sous l’autorité de Jean-Dominique Senard, a décidé de faire confiance à ce dirigeant expérimenté pour prendre la suite de Luca de Meo. Arrivé dans le groupe en 2002, François Provost, qui avait été cité comme un candidat crédible à la direction générale par la Financial Times, a déjoué tous les pronostics, coiffant sur le poteau Maxime Picat, ancien patron des achats de Stellantis, et Denis Le Vot, actuel directeur supply chain du groupe Renault et directeur de Dacia. Tous deux étaient cités comme les grands favoris à la succession de Luca de Meo.
Historique de la maison Renault, François Provost est un fin connaisseur du secteur automobile. Figure discrète et peu connue du grand public, il est l’un de ceux qui a mené « RENAULUTION », le plan stratégique du groupe présenté en début d’année 2021. Ce plan de transformation a notamment amené le groupe à reformuler le positionnement de ses marques - Renault s’est ainsi orienté vers des véhicules plus haut de gamme, rentables, technologiques (Mégane électrique, R5 E-Tech, nouveau Scénic, Rafale, Austral …). Renault Group a comme cela retrouvé des couleurs et repose désormais sur des bases solides.
François Provost a également géré ces derniers mois le dossier épineux de la Fonderie de Bretagne, une ancienne filiale et un sous-traitant historique de Renault menacé de fermeture, l’obligeant à trouver un certain équilibre entre impératifs économiques et pression sociale. Il est aussi celui qui a forgé certains des grands partenariats du groupe, avec Google, ou encore avec le constructeur automobile chinois Geely et avec le géant pétrolier saoudien Aramco (à travers l’entité Horse). Sa position en tant que directeur des achats et des partenariats stratégiques lui a conféré une vision à 360° de l’entreprise et de l’écosystème qui l’entoure. En tant que directeur des achats, il a notamment veillé à améliorer la profitabilité du groupe et participé à ses solides performances économiques ; a répondu à la satisfaction des clients internes et à leurs besoins ; et a accompagné la politique RSE ainsi que les projets d’innovation menés par les marques. Maîtrise de la dépense, continuité des démarches de réduction de coûts - notamment à travers les leviers négociation et massification, renforcement de la relation fournisseurs et travail sur l’efficience de l’organisation furent les maîtres-mots de son passage aux Achats, lequel a été marqué par l’arrivée de Claire Romain à la tête des achats indirects en 2024.
La prise de fonction de François Provost comme directeur général intervient au demeurant dans un contexte industriel particulièrement tendu et de marché déprimé en Europe. Le groupe doit, entre autres, poursuivre son virage vers l’électrification et la transformation industrielle de ses usines et technologies, tout en maintenant sa compétitivité face à une concurrence accrue, en provenance de Chine notamment.
Renault Group a annoncé en ce mois de juillet des résultats semestriels quelque peu décevants. Au titre du premier semestre de l’année, le groupe a enregistré un chiffre d’affaires de 27,6 milliards d’euros, en hausse de 2,5 %, mais, à l’inverse, sa marge opérationnelle a reculé de 8,1 % à 6 % du chiffre d’affaires, tandis que le free cash-flow s’est réduit drastiquement (47 millions d’euros). Le niveau alarmant de ce dernier s’explique par un décalage de trésorerie à hauteur de 900 millions d’euros en raison de stocks trop importants du fait de volumes de vente inférieurs aux prévisions à la fin du mois de juin. Le groupe prévoit désormais une marge opérationnelle d’environ 6,5 % de son chiffre d’affaires, contre plus de 7 % initialement. L’objectif de free cash-flow a aussi été revu à la baisse, de 1 à 1,5 milliard d’euros vs plus de 2 milliards d’euros prévus à l’origine.
Un parcours exemplaire, sans sortie de route
Diplômé de l’École Polytechnique et ingénieur en chef du Corps des Mines, François Provost (57 ans) a commencé sa carrière dans la haute administration publique qui l’a notamment vue exercer les fonctions de conseiller industriel du ministre de la Défense. Entré au Losange en 2002 comme directeur d’une succursale, il n’a eu de cesse de gravir les échelons. Il prend en 2005 les rênes de Renault-Nissan au Portugal. Son parcours gagne en épaisseur en 2010 : il devient alors directeur général adjoint de Renault Russie chargé des opérations, puis PDG de Renault Samsung Motors en Corée pendant cinq ans, avant de prendre la tête des opérations en Chine, et ensuite de l’Asie-Pacifique.
En 2023, il prend les fonctions de directeur général d’APO (Alliance Purchasing Organisation) l’organisation faîtière des achats de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, dont la masse achats s’élevait à pas moins de 85 milliards d’euros en 2022. En ce qui concerne les ressources humaines, les chiffres de l’Alliance donnaient là aussi le tournis, puisque c’est une filière achats de 4 000 personnes que François Provost conduisait, répartie alors dans 25 pays. Il cumulait alors sous sa responsabilité ses fonctions à la tête d’APO avec ses fonctions de directeur des affaires publiques du groupe, acquises en janvier 2022, et de directeur du développement international et des partenariats du groupe Renault, obtenues en fin d’année 2020.
Il a, par sa position, participé en coulisses au délicat détricotage de « l’Alliance » capitalistique nouée avec Nissan, partenaire commercial et technologique de premier ordre du Losange. Les projets industriels communs entre les deux groupes sont désormais définis au cas par cas, bien loin de l’ambition d’une intégration poussée portée par Carlos Ghosn au cours de sa mandature. Une prise de distance qui a eu un prix dans l’immédiat, puisque le groupe Renault avait annoncé que la chute du cours du constructeur automobile japonais allait entraîner une perte comptable d’au moins 9,5 milliards d’euros dans ses résultats semestriels. Outre la redéfinition des contours du partenariat avec le Nippon, François Provost devra dans ses nouvelles fonctions poursuivre la politique de maîtrise et d’amélioration des coûts, et trouver les bons ingrédients pour faire de Renault Group un nom qui compte davantage à l’international afin de le faire croître comme il se doit. D’autres chantiers importants l’attendent par ailleurs : l’avenir d’Alpine, la marque sportive du groupe qui rencontre des difficultés et celui d’Ampère, la filiale du groupe dédiée aux modèles électriques qui patine et dont l’introduction en bourse a finalement été annulée en janvier 2024.