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Sanef : « Les acheteurs se sont bien mieux imprégnés de l’environnement qui les entoure »

Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha

Raphaël Galligani, devenu directeur délégué aux achats de la société concessionnaire d’autoroute Sanef en mars 2022, peut compter sur les gains de maturité provenant du plan de transformation entrepris par Jean-Marc Espagne, son prédécesseur, devenu directeur support exploitation pour le groupe. Les Achats sont aujourd’hui en première ligne pour accompagner l’activité de l’entreprise, faisant bénéficier les prescripteurs de compétences dédiées et qualifiées.

Raphaël Galligani, directeur délégué aux achats de Sanef - © D.R.
Raphaël Galligani, directeur délégué aux achats de Sanef - © D.R.

De quelle manière est bâtie la direction des achats de Sanef ?  

La direction des achats est constituée de 30 collaborateurs, dont une douzaine d’acheteurs. Elle est rattachée au secrétariat général du groupe, à laquelle rendent compte d’autres directions (la direction juridique, la direction du développement des concessions, la conformité et les relations institutionnelles). La fonction achats est organisée selon des familles d’achat, autour de category managers avec des acheteurs famille. Nous avons choisi d’internaliser le suivi administratif et financier des marchés assimilés à des marchés publics de travaux et de maîtrise d’œuvre, dont la gestion est considérée comme des flux d’achats. 

La direction est structurée autour de trois grands pôles : un pôle flux achats qui regroupe une équipe d’approvisionneurs, une équipe de gestionnaires de marchés et une équipe qui administre nos plateformes dédiées à la publication de nos appels d’offres, la première certifiée pour les achats publics, la deuxième dédiée aux achats privés ; un pôle performance et process achats ; et enfin, la fonction achats autour de trois équipes.

Les dépenses externes traitées par la direction des achats de Sanef représentent en moyenne 280 millions d’euros chaque année. Environ deux tiers de notre spend sont régis par la réglementation des achats publics du Code de la commande publique. Dans un souci de maîtrise des enjeux opérationnels et pour répondre comme il se doit aux besoins des prescripteurs, les acheteurs doivent démontrer un certain savoir et être compétents techniquement. Les acheteurs exploitation, qui opèrent en soutien des donneurs d’ordre de la direction d’exploitation, achètent principalement des fournitures et des services, dont de la maintenance. Les acheteurs infrastructures travaillent quant à eux en étroite collaboration avec la direction du même nom et administrent les achats de travaux (projets de construction d’actifs d’infrastructures et entretien du patrimoine à travers la rénovation des chaussées, ouvrages d’art, bassins d’assainissement et de rétention, dispositifs de retenue ainsi que la signalisation) et les prestations intellectuelles qui y sont associées. Enfin, une autre équipe achats gère un large portefeuille qui mêle IT, équipements alimentés, et projets autour de la communication et des ressources humaines.  

Avez-vous inscrit votre action dans la droite lignée de celle de votre prédécesseur Jean-Marc Espagne ?

J’ai souhaité m’appuyer sur l’existant, capitaliser sur les forces et les process de l’organisation en place. Jean-Marc Espagne avait, à partir de l’année 2019, entrepris un important travail de refonte aux Achats. Un plan de transformation a déjà été amorcé et j’ai pu en mesurer les effets positifs lors de ma prise de fonction. L’idée, aujourd’hui, est davantage de garantir la stabilisation de l’organisation et la montée en puissance de la fonction achats.  

Quelles en étaient les grandes lignes ?

La direction des achats a été remaniée de sorte à renforcer sa capacité d’action à travers une organisation d’achats famille, où la valeur ajoutée des Achats ne se mesure pas sur le simple suivi administratif de la phase d’appel d’offres, mais en amont

Avant la transformation des achats, les équipes comptaient peu de ressources, principalement orientées vers des tâches d’approvisionnement, avec des acheteurs en nombre trop limité pour apporter une réelle valeur ajoutée. La direction des achats a alors été remaniée de sorte à renforcer sa capacité d’action à travers une organisation d’achats famille, où la valeur ajoutée des Achats ne se mesure pas sur le simple suivi administratif de la phase d’appel d’offres, mais en amont et à l’échelle d’une catégorie d’achat et pas uniquement de chaque appel d’offres. L’idée en somme a été de spécialiser et faire monter en compétences les acheteurs, dont les apports sont appréciés avec une vision la plus large possible au gré de la production de politiques d’achat.

Les Achats entretiennent des relations partenariales et commerciales de premier plan avec les directions opérationnelles de Sanef et les fournisseurs

Ce fonctionnement permet aujourd’hui d’offrir aux prescripteurs un partenaire unique, dédié et qualifié. Les acheteurs se sont ainsi bien mieux imprégnés de l’environnement qui les entoure. Ils sont mieux armés pour comprendre les besoins des donneurs d’ordre, les aider dans leur définition et dérouler leur démarche de sourcing pour trouver les bons fournisseurs et capter les innovations ainsi que les opportunités qui se dressent. Les Achats entretiennent des relations partenariales et commerciales de premier plan avec les directions opérationnelles de Sanef et les fournisseurs. Et c’est un changement majeur.

En outre, le process achats, qui était lourd et peu efficient, a été rendu plus fluide notamment pour les directions opérationnelles, et mieux imbriqué avec d’autres fonctions comme le contrôle de gestion, et la compliance.  

Qu’attendez-vous et que doit attendre Sanef des acheteurs ?

L’intervention des acheteurs doit être synonyme de création de valeur en amont des phases d’appel d’offres. L’animation commerciale et la recherche d’innovations et de nouvelles technologies auprès de nos fournisseurs et autres donneurs d’ordre est un bon moyen d’en créer. Ils doivent se positionner en business partner essentiel des prescripteurs en étant acteur dans la définition de périmètre couvert par un appel d’offre, d’où l’intérêt de raisonner en « category manager » pour analyser les risques et opportunité et ainsi arrêter les contours d’une politique achat en amont et des stratégies d’appels d’offres associées. C’est une chose, à mes yeux, primordiale et capitale, qui se mesure aussi dans la capacité à être force de proposition pour déterminer la manière dont le programme d’appel d’offres doit être déployé dans le temps et dans l’espace, en fonction des opportunités identifiées sur chaque catégorie d’achat. À travers les enjeux de l’animation commerciale, la plus-value des acheteurs se mesure aussi au nombre de réponses que nous recevons après publication de nos appels d’offres.

Les acheteurs doivent fonctionner en binôme avec les prescripteurs ; agir comme le bon gestionnaire d’un portefeuille de dépenses

Ils doivent fonctionner en binôme avec les prescripteurs ; agir comme le bon gestionnaire d’un portefeuille de dépenses, apporter une vision claire, transverse, complète et les accompagner commercialement. Il n’est pas rare qu’un périmètre technique soit partagé entre plusieurs prescripteurs de l’entreprise dispatchés sur le réseau. Des silos peuvent se former et nous devons les dépasser. En plus de se positionner comme les interlocuteurs privilégiés des directions opérationnelles et être garant d’une forme de standardisation de certaines pratiques, nos acheteurs doivent aussi être les interlocuteurs privilégiés des fournisseurs. Le pilotage de la relation avec eux est essentiel. Le rôle joué par les acheteurs dans le suivi des réclamations des fournisseurs, qui peuvent être nombreuses dans l’environnement travaux publics et avec la crise inflationniste que nous traversons, est à noter.

Recevez-vous plus de réclamations que d’habitude ?

La crise de la Covid, puis l’inflation sur les matières premières et l’énergie en a provoqué de nombreuses, notamment sur des périmètres d’achats pour lesquels nous en recueillons peu. Tous les portefeuilles achats ont été touchés. Nous avons instruit 45 réclamations en 2022, un chiffre historiquement haut.  

Les Achats sont-ils reconnus « à leur juste valeur » par les directions opérationnelles ?

À la mesure de notre effectif, ils le sont. Certaines choses pourraient être améliorées, évidemment et nous y travaillons bien entendu. Le management des risques est par exemple un élément sur lequel nous avons des marges de progression et sur lequel nous planchons, notamment à travers la consolidation d’une cartographie des risques achats. Il n’avait pas été adressé par manque de temps et pour des questions de priorité, or, depuis 2019, le contexte géopolitique et économique a bien changé. La pandémie, la crise des matières premières et la guerre en Ukraine ont changé beaucoup de choses. Cela nous oblige à l’aborder sérieusement et sous tous les angles.

Qu’en est-il de la digitalisation de vos process ?

Nous mettons aussi sur pied un outil de reporting sur l’activité d’achat travaux qui permet d’une part de mesurer l’écart entre l’estimation de nos besoins et les résultats des appels d’offres menés et, d’autre part, de mesurer l’écart entre un appel d’offre et l’atterrissage financier en fin de projet.

C’est une question qui avait été abordée dans le plan de transformation. Un outil digital de suivi de nos plans d’achats, porté par Spend HQ, a été imbriqué à d’autres fonctions, de sorte à façonner un process achats globalisé dans lequel l’outil est l’unique porte d’entrée de nos prescripteurs pour la sollicitation des équipes achats, et qui permet une industrialisation et automatisation de nos reportings. Un certain nombre de tâches du contrôle de gestion, rattaché à la direction financière, ont été automatisés depuis l’implémentation de la solution de SpendHQ. Notre SI intègre les solutions Creditsafe, Compliance Catalyst et Go Supply pour répondre aux enjeux d’analyse financière compliance et risques fournisseurs. Nous mettons aussi sur pied un outil de reporting sur l’activité d’achat travaux qui permet d’une part de mesurer l’écart entre l’estimation de nos besoins et les résultats des appels d’offres menés et, d’autre part, de mesurer l’écart entre un appel d’offre et l’atterrissage financier en fin de projet. Nous en retenons des données précieuses et dégageons des éléments clés en matière de performance générée.

Nous voulons également développer en interne un outil de mesure de la performance des fournisseurs à travers le niveau de satisfaction des directions opérationnelles par contrat exécuté. L’objectif à terme est de parvenir à l’interfacer dans notre SI pour l’animation de notre panel fournisseur, pour améliorer nos achats et mieux gérer les risques.

Les grands chiffres de Sanef :

Chiffre d’affaires 2022 : 1,896 milliards d’euros

1807 km d’autoroutes exploitées

Investissements en 2022 : 225 millions d’euros

Nombre de salariés : 2 300

Effectif de la direction des achats : 30 collaborateurs

Budget achats : 280 millions d’euros