Egis : « Nous avons engagé en France une stratégie forte de verdissement de notre flotte »
Par Mehdi Arhab | Le | Mobilités
Alors que de nombreuses entreprises engagent tout juste ce chantier, Egis a décidé il y a quelques années d’électrifier en masse sa flotte de véhicules. Le projet, qui a débuté par la France, est peu à peu déployé partout où le groupe est implanté. Il demande à l’entreprise beaucoup d’efforts, d’investissements et d’adaptation. Charles Perron, Global Mobility Manager chez Egis, sera Grand Témoin lors des HA ! Days Travel-Mob des 7 et 8 octobre à Deauville, sur le thème :« #flottes : quel mix énergétique pour quelles motorisations ? », a répondu à nos questions.
Qu’englobe la fonction de Mobility Manager chez Egis ?
La fonction de Mobility Manager, rattachée à la direction des achats du groupe, englobe l’ensemble des sujets de mobilité, quel que soit le type de déplacement. Cela engage autant la partie Travel & Expense que la gestion de la flotte automobile. Ce périmètre de responsabilité très large implique de s’intéresser à de nombreux (nouveaux) sujets et de les animer : entre autres, la mobilité douce, l’autopartage, la mise à disposition de flottes de vélos et/ou de trottinettes partagés ou encore les forfaits et crédits mobilités durables. Egis étant un groupe international, implanté partout dans le monde, nous nous chargeons de nouer les partenariats et définir l’ensemble des éléments structurants sur ce poste pour l’ensemble de nos filiales.
Quel est le poids de la flotte automobile ?
Nous comptons un peu plus de 800 véhicules identifiés en France. Dans le monde, le chiffre monte à 1 600 véhicules de tout type, fonction, service ou utilitaires. Si nous avons bien avancé sur la partie Travel & Expense, avec un écosystème complet et efficient, nous continuons encore de travailler sur notre flotte automobile. C’est un sujet quotidien qui demande encore un effort de structuration. Si elle est relativement bien structurée en France et nous pouvons nous en réjouir, elle ne l’est pas encore totalement à l’étranger au sein de nos filiales.
Pour ce qui concerne la France, nous avons engagé, une stratégie de verdissement forte de notre flotte. Les réglementations et l’histoire l’imposent, mais le plus important reste notre détermination. Nous étions et sommes convaincus qu’il fallait l’engager rapidement. Egis se présente comme un acteur majeur de l’ingénierie et de la décarbonation. Dans le contexte actuel de crise climatique, nous ne pouvions faire autrement d’autant qu’il est crucial de diminuer les émissions de carbone dans les transports. Il en va aussi de notre image. Nous devons être cohérent avec nous-mêmes. De fait, le groupe s’est depuis de nombreuses années engagé dans cette voie en exploitant les innovations à disposition.
Comment avez-vous appréhendé ce chantier ?
Il l’a été très simplement. Nous nous sommes fixé un objectif ambitieux de réduction de nos émissions sur le scope d’émissions liées à la mobilité et mettons en place les actions nécessaires pour l’attendre. Le chemin est long, du fait de certains de nos contrats conclus précédemment qui courent encore. Nous nous devons donc d’attendre qu’ils arrivent à échéance pour renouveler ce qui doit encore l’être et commander des véhicules en ligne avec notre approche.
Aujourd’hui, les véhicules hybrides et électriques pèsent pour plus de la moitié de notre flotte et 80 % des commandes faites le sont sur des véhicules Crit’Air 1
Toutefois, nous avons progressé significativement. Nous nous rapprochons vraiment de notre objectif. Il y a trois ans encore, 90 % de notre flotte était constituée de véhicules diesel. Aujourd’hui, les véhicules hybrides et électriques pèsent pour plus de la moitié de notre flotte et 80 % des commandes faites le sont sur des véhicules Crit’Air 1 (NDLR : véhicules les moins polluants). D’ici deux ans, la totalité de notre flotte automobile devrait être verdie.
Quelles sont les conséquences économiques de ce choix tranché ?
Si vous m’aviez interrogé il y a trois ans, la réponse aurait sans doute été bien différente qu’elle ne le sera aujourd’hui tant les coûts d’un véhicule électrique s’avéraient importants. Lorsque l’on en commandait un, nous le payions en effet excessivement cher. Un véhicule électrique nous coûtait environ 25 % plus cher qu’un véhicule thermique, sans parler des investissements nécessaires derrière pour adapter nos infrastructures au nouveau modèle de notre parc.
En termes de loyer, les prix que nous payons aujourd’hui sont très proches de ceux que nous rencontrions pour constituer une flotte de véhicules thermiques. Cela renforce notre choix, le surcoût à absorber n’étant plus si important.
Le marché a fini par se réguler et nous bénéficions désormais des conditions tarifaires sur les véhicules électriques qui sont sensiblement équivalentes à celles que nous pouvions connaître à une certaine époque pour les véhicules thermiques. De fait, en termes de loyer, les prix que nous payons aujourd’hui sont très proches de ceux que nous rencontrions pour constituer une flotte de véhicules thermiques. Cela renforce notre choix, le surcoût à absorber n’étant plus si important. Et en termes de TCO, nous nous y retrouvons complètement.
En début d’année, nous avons fait l’exercice de construire un catalogue de véhicules de fonction 100 % électriques, avec le même niveau de gamme que nous avions avec le catalogue en vigueur. Il s’est avéré que nous sommes en mesure d’enregistrer des pistes d’économies très satisfaisantes. Nous sommes donc prêt aujourd’hui à proposer un catalogue de véhicules 100 % électrique et de réduire nos coûts.
Vous parliez des investissements nécessaires à effectuer pour accompagner le verdissement de votre flotte. Comment avez-vous adapté vos infrastructures ?
Pour réussir notre transformation, nous avons d’abord équipé nos sites en bornes de recharge électrique
Pour réussir notre transformation, nous avons d’abord équipé nos sites en bornes de recharge électrique. C’était à nos yeux un impératif absolu et l’un des principaux leviers de réussite de notre stratégie. Tous nos principaux sites en France sont équipés de bornes de recharge et chaque collaborateur disposant d’un véhicule électrique de fonction ou de service dispose d’une carte de recharge. Par ailleurs, il a été décidé également que chaque nouveau site d’Egis sera équipé de bornes de recharge.
Nous avons fait le choix d’un modèle d’investissement matériel avec négociation de prise en charge par nos bailleurs. Nous n’avons fait face à aucune tension, la quasi-totalité d’entre eux ont en effet été séduits par notre projet. Pour ce qui est de notre partenaire, nous avons fait appel aux services d’un acteur français spécialisé dans l’installation de solutions de recharge pour véhicules électriques.
Tous les collaborateurs sur site peuvent recharger gratuitement leur véhicule, de fonction ou même personnel. C’est une décision portée par le groupe qui souhaite entraîner un mouvement et pousser une dynamique.
Ces investissements sur site sont-ils accompagnés par des installations chez certains de vos collaborateurs ?
Nous avons en revanche accepté d’accompagner nos collaborateurs qui souhaitent investir à titre personnel en négociant directement une remise avec notre partenaire
Notre stratégie s’applique uniquement sur les lieux de travail. Nous avons fait le choix de ne pas installer de bornes au domicile de nos collaborateurs qui ont accès à des véhicules électriques de fonction, cela pour des raisons de praticité. Toucher au domicile des collaborateurs peut entraîner plus de difficultés qu’il n’y paraît. Nous avons en revanche accepté d’accompagner nos collaborateurs qui souhaitent investir à titre personnel en négociant directement une remise avec notre partenaire.
Nous étudions les éventuelles opportunités d’élargir ces dispositifs de remises aux collaborateurs auprès des loueurs longue durée de véhicules électriques. Chacun de nos collaborateurs pourrait dans une démarche individuelle et personnelle solliciter une offre bénéficiant d’un tarif préférentiel proposé par nos fournisseurs. En matière d’engagement et d’adhésion, ce serait, je pense, notable et apprécié.
Cela a été une manière d’accompagner le changement …
Absolument. Les débuts n’ont pas été simples. Au départ, le verdissement de la flotte a généré des angoisses chez certains de nos collaborateurs. Il a donc fallu beaucoup communiquer pour tordre les idées reçues sur les véhicules électriques, notamment sur l’autonomie et le supposé manque d’infrastructures dédiées.
Où en êtes-vous au niveau du verdissement de votre flotte à l’international ?
Chacun des pays dans lesquels nous sommes implantés avancent à des rythmes bien différents. Les cultures, les réglementations également, sont différentes d’une contrée à une autre. Les niveaux de maturité et la prise de conscience dans certaines de nos filiales ne sont de fait pas les mêmes. De plus, dans certains pays, comme en Italie par exemple, il est difficile d’avancer vers l’électrification car les infrastructures manquent terriblement. Proposer des parcs électrifiés se révèle de fait très difficile. Nous parvenons toutefois, petit à petit, à proposer des choses ici et là. En Grèce par exemple, où se développent de nombreuses infrastructures de recharge, nous avons commencé à déployer notre stratégie de verdissement de notre flotte. Au Portugal des véhicules de service 100 % électrique sont utilisés au quotidien pour des intervention sur voie rapide. Le continent américain est lui plus en retard sur une stratégie de déploiement d’une flotte « propre » mais les opportunités semblent s’accélérer.
Jugez-vous que la flotte automobile d’Egis est utilisée de façon satisfaisante ? Est-ce quantifiable ?
La chose est tout à fait quantifiable. Notre prestataire vérifie tous les trimestres les kilométrages des véhicules que nous avons en parc. Pour les véhicules dits en « sous-roulage », nous ajustons les contrats autant que faire se peut. Pour les véhicules en « non-roulage », nous veillons quand cela est possible à les restituer. Dans sa globalité, notre flotte est utilisée de façon très satisfaisante. Nous parvenons à optimiser notre schéma et à minimiser nos faiblesses.
Quelle place occupe l’autopartage et les autres « nouveaux » sujets que vous évoquiez en début d’interview ?
Pour ce qui concerne les modalités d’application du forfait mobilité durable, les impacts sociaux sont tels qu’elles devront être définies par la DRH
Nous sommes encore qu’au début de l’histoire. Rien n’est vraiment concrétisé sur le sujet, mais ça le sera incontestablement. Pour ce qui concerne les modalités d’application du forfait mobilité durable, les impacts sociaux sont tels qu’elles devront être définies par la DRH. Les Achats interviendront simplement sur les négociations contractuelles à mener. Pour ce qui est du crédit mobilité durable, nous nous sommes rapprochés d’un acteur français, pour construire les contours du dispositif. Il doit devenir à terme un élément décisif d’accompagnement de notre politique d’attribution de véhicules de fonction. Viendra le jour où nous basculerons sans doute sur un catalogue 100 % électrique et des résistances au changement pourraient se faire ressentir. Nous tâchons donc de les anticiper et de proposer le meilleur schéma d’accompagnement possible sur des stratégies différenciantes et novatrices à l’image du groupe Egis.