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Les prix du transport devraient augmenter d’au moins 7 % en 2024

Par Mehdi Arhab | Le | Supply chain

Une étude sur les tendances du transport et de la logistique en 2024, éditée par CargoOn, montre que l’inflation, bien qu’un peu moins importante que l’année précédente, sera marquée. Les choix politiques de grands pays européens, notamment l’Allemagne, complexifient également l’approche des transporteurs et des chargeurs.

Les prix du transport devraient augmenter d’au moins 7 % en 2024
Les prix du transport devraient augmenter d’au moins 7 % en 2024

Les coûts du transport en 2024 resteront élevé. Le marché avait été particulièrement tendu l’année dernière et il le restera, selon toute vraisemblance, cette année également. Parmi les principales raisons de ces tensions, l’éditeur de solutions logicielles pour la gestion end-to-end des transports pour les chargeurs, CargoON, avance la fluctuation des taux de change et, bien sûr, le contexte inflationniste général qui n’aide pas. Depuis trois ans maintenant, les hausses absorbées par les transporteurs sont importantes, très importantes. Leurs coûts ont bondi de plus de 15 % en France sur cette même période, rappelle CargoON dans son étude. Le coût à l’achat, les frais de réparations et l’augmentation des tarifs de péage y sont évidemment pour beaucoup. Et forcément, derrière, ce sont leurs finances et leur rentabilité opérationnelle qui trinquent. 

Les prévisions pour l’année 2024 sont peu ou prou similaires. Selon CargoON, qui s’appuie sur les données du comité national routier, les coûts, hors carburants, devraient augmenter de près de 7 %. Les prix des péages ont par ailleurs augmenté de 3 % au 1er février dernier. En outre, certains transporteurs, du fait de multiples évolutions réglementaires, ont fait face à des problèmes liés à des changements de tarifs douaniers en raison des sanctions et des embargos toujours en vigueur sur le commerce avec la Russie ou la Biélorussie. « D’une manière générale, tous ont dû explorer de nouveaux modèles commerciaux et trouver de nouvelles solutions, auxquels le transport maritime et intermodal ont contribué », peut-on lire dans l’étude.

Le marché spot a enregistré une baisse en fin d’année 2023

Au troisième trimestre 2023, l’indice des taux spot du fret routier européen a tout de même baissé de 1,2 point par rapport au deuxième trimestre de cette même année, s’établissant à 125,4 points. Par rapport à la même période en 2022, selon les données de Transport Intelligence, l’indice des taux spot du fret routier européen a même dégringolé de près de 15 points. Une chute qui s’explique par la faible de demande de services de transport et plus, largement, à la conjoncture économique. Les transporteurs ont donc accepté des prix plus bas, s’adaptant à la demande.

A l’opposé de la tendance observée sur l’indice des taux de spot, l’indice des contrats a augmenté et ce pour la première fois au troisième trimestre 2023 du fait de la hausse des prix du carburant. En effet, en octobre 2023, les prix des carburants sur les marchés européens ont atteint 1,76 € le litre, soit une hausse de 14 % versus juin 2023. De fait, les taux contractuels ont augmenté, d’autant que les prix de la main-d'œuvre ont eux aussi augmenté. 

Des transporteurs dans l’obligation de répercuter les hausses 

Dans de nombreux pays du Vieux continent, comme l’Espagne, les aides carburant destinées aux transporteurs ont même été prolongées pour les aider face à cette situation exceptionnelle. En France, en comparaison du reste de l’Europe, les prix sont restés bas indique CargoOn, en raison notamment de l’intervention de Total et d’autres enseignes qui vendaient leur carburant à prix coûtant. Et face à ces tarifs en hausse, la demande, elle, baisse, toujours un peu plus. Et l’introduction de nouvelles conditions tarifaires des péages, comme en Allemagne, ne devraient pas aider, bien au contraire. « L’augmentation des péages dans ce pays et les augmentations prévues d’ici 2024 dans d’autres pays (exigées par la législation de l’UE) devraient ralentir la baisse des redevances  », explique l’étude.

Toutes ces hausses rendent le modèle d’exploitation tel qu’il est aujourd’hui insoutenable pour les opérateurs, qui tenteront, évidemment, de répercuter leurs (sur)coûts sur les chargeurs, en augmentant les tarifs de leurs services de transport. « La question reste de savoir dans quelle mesure les coûts accrus causés par l’augmentation du péage seront supportés par les chargeurs », note CargoON dans son étude. Mais dans un marché en baisse, comment les entreprises de transport peuvent-elles vraiment répercuter les hausses sur leurs donneurs d’ordres ? 

Des choix politiques aux effets nombreux

En France, le secteur du transport national des marchandises a enregistré un chiffre d’affaires estimé à près de 50 milliards d’euros en 2022, en progression de 12 % par rapport à l’année précédente. Une croissance notable, mais qui tire largement ses racines dans la répercussion de la hausse des coûts sur les tarifs pratiqués par les transporteurs. Les prix des véhicules ont, entre 2021 et 2023, bondi de 13 %, les charges d’entretien et de réparation ont connu une hausse du même ordre. Et en 2024, les prévisions ne sont pas meilleures.

Le manque de main d’œuvre reste une problématique importante. Et pour cause, le secteur du transport routier compte pas moins de 50 000 postes vacants. Et cela ne devrait pas aller en s’arrangeant, puisqu’un tiers des chauffeurs prendront leur retraite dans les prochaines années, en France selon de nombreuses sources, mais aussi à l’international selon l’International Road Transport, cité par CargoON.

En Europe, la hausse soudaine des tarifs de péages en Allemagne va affecter de façon très forte les chaînes d’approvisionnement à travers l’ensemble du continent. L’approche nearshoring des chargeurs devrait de fait s’accentuer, pour limiter évidemment les coûts de la logistique et du transport. Voilà également qui pourrait leur permettre de contourner les grands problèmes géopolitiques qui émergent. « Les semaines et les mois à venir montreront par ailleurs dans quelle mesure les coûts de l’augmentation des péages retomberont sur les transporteurs et dans quelle mesure cela impactera leurs clients », expose CargoOn, qui évoque également un risque de faillite pour les plus petites entreprises de transport, d’autant que l’industrie n’enregistre que des marges assez faibles et toute augmentations de coûts impose des nœuds au cerveau.

Cette décision prise en Allemagne est intimement liée au calcul d’une redevance supplémentaire pour les émissions de CO2. La première puissance économique européenne espère ainsi encourager les acteurs vers des modes de transport plus doux. Or, beaucoup d’acteurs ne sont pas prêts à passer le pas, notamment de l’électromobilité. Et pour cause, la transition n’est pas neutre économiquement, bien loin de là. La question de la durabilité occupe pourtant tous les esprits. Mais sans moyen, difficile d’adopter de nouvelles initiatives dans ce sens …  La Commission européenne a pourtant défini un objectif très clair de diminution des émissions de CO2 de 90 % pour les nouveaux véhicules lourds d’ici 2040. La décarbonation du transport passera à la fois par une remise aux normes des véhicules diesel déjà en circulation, l’utilisation de carburants alternatifs et le déploiement de véhicules propres 100 % électrique ou hydrogène. Toutefois, à peine 1 % des camions de plus de 5 tonnes immatriculés sur le marché français étaient des poids lourds électriques. Preuve, sans doute, que sans aide, les transporteurs ne pourront pas participer à l’atteinte de cet objectif pourtant pertinent.