Fret : partager la facture et tenir la promesse carbone
Sur fond d’inflation des coûts et d’objectifs climats, chargeurs et transporteurs cherchent un modèle soutenable. Qui paie, quelle techno, quels leviers publics, comment embarquer l’écosystème et rester compétitif ? Extraits choisis de l’atelier-débat co-animé par Christophe Rocton, directeur des achats de Schenker X DSV lors des HA Days Achats indirects des 16 et 17 octobre de Deauville.
Les trois points clés du débat
• Pas de solution miracle : un mix par usage et par territoire, audité et contractualisé.
• Financer la transition via transparence des coûts, massification et co‑investissements.
• Compétitivité = design de réseau (prévision, remplissage, intermodalité) avant choix énergétique.
Qui doit assumer la facture de cette transition ?
Première pierre d’achoppement : la répartition du surcoût et la crédibilité des mécanismes de transparence.
« Nous avons créé une contribution transition énergétique : elle additionne nos surcoûts ‘verts’ audités, pour donner un prix par expédition. »
« Dans les appels d’offres, nous intégrons des options décarbonées ; mais sans valorisation côté client final, le surcoût reste chez le chargeur. »
« Sur certains flux, nous avons choisi d’absorber le différentiel : c’est un investissement d’image et de résilience capacitaire. »
Quelles options technologiques tiennent la corde ?
Pas de solution unique : mix énergétique selon les distances, les pays et les contraintes d’usage.
« L’électrique fonctionne en distribution : 180-300 km/jour avec recharge nocturne ; pour les grandes liaisons, c’est encore un défi d’infrastructures. »
« Le HVO/B100 offre une réduction de 70-85 % et se déploie vite sur du parc Euro 6 : simple, mais probablement transitoire jusqu’à ~2030. »
« En maritime et aérien, on joue l’optimisation (slow steaming, nouveaux moteurs) et les SAF ; la disponibilité restera la vraie limite. »
Quels leviers financiers et réglementaires pour absorber les coûts ?
Les aides existent mais sont mouvantes ; l’équation se joue aussi dans l’ingénierie des flux.
« Les appels à projets aident, mais l’atterrissage dépend surtout des plans d’investissement : transformateurs, bornes, capacités réseau. »
« L’intermodalité crée des ruptures et des délais ; nous l’acceptons quand elle massifie et fiabilise, même avec un surcoût court terme. »
« Le ferroviaire électrifié est puissant… là où l’infra suit : sans ITE ni wagons, la promesse s’érode. »
Comment impliquer toute la chaîne de valeur ?
La donnée partagée et des contrats coopératifs permettent de répartir effort et bénéfice.
« Nous co-finançons une partie des surcoûts ‘verts’ quand le client s’engage sur des objectifs chiffrés et des volumes fermes. »
« La massification avec les distributeurs (créneaux, fréquence) évite des trajets sous-chargés : la meilleure tonne CO₂ est celle qu’on ne transporte pas. »
« Mesurer, publier, auditer : connecter nos flux à des plateformes communes change la discussion commerciale. »
Quelles stratégies pour concilier compétitivité et durabilité ?
Le fil rouge : arbitrer temps, coût et carbone, filière par filière.
« Nous séparons ‘indispensable’ et ‘accélérable’ : le premium aérien reste ciblé, le reste bascule vers maritime optimisé. »
« Penser réseau avant techno : mutualiser entrepôts, lisser la demande, monter le taux de remplissage, puis choisir l’énergie adéquate. »
« La trajectoire sera hybride et locale : le bon mix n’est pas le même à Paris, en Allemagne ou en Afrique australe. »