Ha responsable

BPCE « Nous avons convenu qu’il serait pertinent d’aborder collectivement la décarbonation du scope3 »


Antoine Roblin, directeur animation filière Achats & RSE, BPCE Achats et Services présente le consortium créé avec si autres grands groupes du secteur banque et assurance pour définir des critères de mesure indiscutables de l’empreinte carbone de leur fournisseurs, catégorie d’achats par catégorie d’achats. Un projet pitché dans le cadre du Gala des Achats le 26 novembre à Paris.

Antoine Roblin, , directeur animation filière Achats & RSE, BPCE Achats et Services. - © D.R.
Antoine Roblin, , directeur animation filière Achats & RSE, BPCE Achats et Services. - © D.R.

Quel est le point de départ de la création de ce consortium ?

L’ambition de décarbonation était déjà présente dans notre précédent plan stratégique 2020-2024, dans le cadre duquel nous avions enregistré une baisse de 15 % de nos émissions. Mais les Achats ne sont pas un poste simple à engager. Il est en effet difficile de travailler avec tous nos fournisseurs à la définition de facteurs d’émission précis et encore plus difficile de faire de ces facteurs d’émission des références. Dans le cadre du plan stratégique Vision 2030, en accord avec la direction de l’Impact qui a la responsabilité du bilan carbone du groupe et avec la direction Technologies et Opérations qui pilote le programme entreprise responsable, nous avons convenu qu’il serait pertinent d’aborder collectivement la décarbonation du scope 3.

Auparavant, nous avons voulu affiner notre propre bilan carbone. Nous avions classé nos achats en deux grandes catégories : les achats à facteurs d’émissions fortement matériels et faiblement matériels. Cette catégorie comprend notamment les achats de prestations intellectuelles qui représentent environ 20 % de l’empreinte carbone du scope 3. Courant 2025 nous avons réussi à affiner notre approche en découpant nos achats en 16 sous-catégories et en nous appuyant sur des Abaq que nous avons récoltés auprès de l’Ademe ou sur des facteurs d’émissions recueillis auprès de cabinets de conseil. Cela nous a permis de mettre à disposition de tous les établissements bancaires du groupe BPCE des outils de reporting intégrant ces nouveaux facteurs d’émissions pour qu’ils aient une vision plus fine de leur empreinte carbone.

Nous nous sommes donc rapprochés de nos pairs avec qui nous partageons à la fois les mêmes difficultés et la même ambition d’être net zéro à horizon 2050

Pourquoi choisir cette approche collective qui n’est pas la plus simple à mettre en œuvre ?

Une méthodologie de mesure du carbone ne peut pas devenir un standard dans notre secteur sans avoir été construite collectivement par un consortium s’appuyant sur des avis d’experts. Nous nous sommes donc rapprochés de nos pairs avec qui nous partageons à la fois les mêmes difficultés et la même ambition d’être net zéro à horizon 2050. Nous sommes aussi allés chercher de l’expertise auprès du think tank Climate House, un nouvel acteur qui œuvre pour la transition environnementale et regroupe un collectif de 40 hommes et 40 femmes engagés dans cette démarche. Nous avons également intégré l’expertise de nos fournisseurs déjà engagés en ordre dispersé dans la décarbonation.

Comment avez-vous concrétisé cette démarche ?

Six banques et assurances ont répondu à notre appel : AXA, BNP Paribas, Crédit Agricole, La Banque postale, LCL, la Société Générale et, en tout début d’année 2025, nous avons contacté Climate House, nous avons commencé à identifier des experts sur les catégories que nous avions choisies et nous avons organisé trois ateliers en mai et juin pour une restitution le 6 octobre. Ces ateliers de travail nous ont permis de définir ce que nous souhaitions mesurer des leviers d’optimisation et des moyens d’action. Les familles d’achats ont été identifiés et proposées aux autres établissements avant le lancement des ateliers. Ces ateliers ont permis d’échanger sur les différentes méthodologies de mesures pratiquées par nos pairs et nos fournisseurs et de s’entendre sur le périmètre et la méthodologie cible.

Nous avions déjà travaillé avec les autres établissements sur la cartographie des risques, notamment, en collaboration avec l’Afnor et sur une charte achats responsables bancaires

Existait-il déjà des initiatives communes entre les directions achats des banques françaises ?

Nous avons des relations solides et historiques sur tous les sujets de risques et d’achats responsables. Nous avions déjà travaillé avec les autres établissements sur la cartographie des risques, notamment, en collaboration avec l’Afnor et sur une charte achats responsables bancaires. Nous sommes d’ailleurs presque tous engagés dans la labellisation RFAR (relation fournisseurs et achats responsables). Nous avons également un contrat commun avec Crédit Agricole qui gère sur la partie anticorruption.

Quels sujets avez-vous priorisés ?

Nous nous sommes à la fois concentrés sur les postes de dépenses les plus importants et sur les catégories sur lesquelles le marché fournisseurs était le moins concentré, de sorte que nous puissions avoir des analyses probantes. Cela nous a amenés à prioriser des sujets comme le transport de fonds, les réseaux de téléphonie, ou encore les prestations intellectuelles.

Qui participait aux ateliers de travail ?

Accompagnés par le cabinet Wavestone pour l’animation, avec un expert introduit par Climate House pour chacun des sujets, ces ateliers de travail réunissaient les responsables achats des établissements bancaires et des experts métiers, des responsables RSE et, côté fournisseurs, les interlocuteurs experts des calculs de bilan carbone de leurs prestations. Certains d’entre eux - par exemple les fournisseurs de cartes de paiement - étaient déjà rassemblés dans des consortiums que nous avons directement intégrés.

Nous avons produit des « position papers », des protocoles de décarbonation utilisables immédiatement

Quels supports avez-vous produits collectivement ?

Nous avons produit des « position papers », des protocoles de décarbonation utilisables immédiatement qui donnent a minima un cadre et jusqu’à une méthodologie fine pour calculer les émissions d’une catégorie d’achats. Dans les cas où nous n’avons pas abouti à des facteurs d’émission matériels, nous avons expliqué comment affiner le facteur monétaire. Pour le transport de fonds, nous allons par exemple pouvoir passer sur des valeurs d’émission en kilomètre. Pour les prestations intellectuelles, nous restons pour l’instant sur des valeurs monétaires mais nous voulons converger sur une calculatrice de mesure d’impact carbone en jour homme. La catégorie réseau et téléphonie est plus complexe parce qu’elle comprend beaucoup de sous-ensembles en termes d’émissions carbone. En ce qui concerne les moyens de paiement, nous allons travailler sur l’objet physique carte.

Ces « position papers », dans lesquels nous partageons aussi des leviers d’optimisation que nous voulons utiliser collectivement, ont été présentés le 7 octobre, en présence du président de l’Ademe, Sylvain Wasserman.

Qu’avez-vous prévu comme sujets pour la deuxième année de fonctionnement du consortium ?

Nous souhaitons reproduire cette démarche d’année en année, soit en approfondissant les premiers résultats, soit en travaillant sur de nouveaux sujets. Nous avons obtenu l’accord de tous les contributeurs bancaires pour renouveler cette expérience en 2026. Nous voulons progresser collectivement et humblement sur ces sujets avec un regard scientifique pour que nos protocoles s’affinent dans le temps et puissent être mis à disposition du plus grand nombre.

Quelle est l’existence juridique du consortium ?

Pour l’instant nous fonctionnons collectivement sur la base d’un contrat de NDA et une charte de non-concurrence partagée avec nos fournisseurs. Mais il est possible que nous donnions une existence juridique au consortium fin 2025 ou début 2026. Nous devrons trouver un modèle de financement participatif et nous voulons embarquer dans cette dynamique l’Ademe et la Climate House.