Délais de paiement en Europe : les gros retards s’accentuent
Par Mehdi Arhab | Le | Éthique et conformité
Dans une étude qui porte sur les comportements de paiement en Europe au premier semestre 2023, Altares prévient que des tensions en la matière, notamment en France, se font grandement ressentir. Si les chiffres demeurent plutôt bons, dans l’Hexagone et nombre de pays européens, la recrudescence des retards inquiète.
Une entreprise sur deux, en France comme en Europe, paye ses factures à temps. Et c’est, il faut le dire, une excellente nouvelle. Toutefois, les craintes que les relations clients-fournisseurs se détériorent sont légitimes. Et pour cause, Altares a observé au cours du premier semestre de l’année 2023 une recrudescence des (gros) retards. « Ce chiffre ne doit pas masquer la recrudescence des gros retardataires (plus de 30 jours). Une situation particulièrement préoccupante chez les plus petites structures », lit-on dans l’étude. Au global, néanmoins, les chiffres sont encore bons. Mais pour combien de temps encore ? Avec respectivement 12 et 13 jours de retard en moyenne, les entreprises françaises et européennes conservent des pratiques de qualité. Mais gare à l’excès de confiance, ces dernières voient en effet leur comportement de paiement se tendre. Et le plafond de verre des 13 jours est finalement bien plus difficile à briser qu’il n’y paraît.
Les bons élèves, à savoir les entreprises belges, allemandes et néerlandaises, ont d’ailleurs connu des fortunes diverses. Si l’Allemagne et les Pays-Bas, les deux leaders historiques en matière de comportement de paiement, continuent de faire montre de leur rigueur et de leur ponctualité, le plat pays a enregistré un 4e trimestre consécutif à la hausse et présente désormais 11,4 jours de retard de paiement en moyenne. Plus inquiétant, le pourcentage d’entreprises qui paient leurs factures à temps est retombé sous le seuil des 50 % (à 46,7 % pour être exact). En comparaison, les entreprises allemandes et néerlandaises se maintiennent sous le seuil des 7 jours, à respectivement 4,1 jours et 6,2 jours. Plus des trois quarts (76,7 %) des entreprises néerlandaises et près des deux tiers (62,4 %) des entreprises allemandes règlent leurs fournisseurs sans retard. Une performance notable.
La France doit rester sur ses gardes, le Portugal progresse
Les pays latins ont tout à gagner en s’inspirant de leurs pratiques. Et ils semblent l’avoir bien compris. L’Espagne, tombée sous le seuil de quinze jours en 2022, a tout de même été freiné dans sa progression et est repassée juste au-dessus au cours du premier semestre de l’année. Depuis la fin de l’année 2021, un peu plus de 40 % des entreprises respectent la date d’échéance de leurs factures. Cependant, près d’une entreprise sur dix présente des retards supérieurs à 30 jours. L’Italie est quant à elle descendue sous le seuil des 17 jours, réduisant ses délais de plus de deux jours en trois ans. Depuis un an, près de quatre entreprises sur dix paient à temps, mais quelques mauvaises habitudes persistent encore : en effet, un peu plus d’une sur dix (12 %) reportent leurs règlements à plus de 30 jours.
Le Portugal, qui enregistrait des délais monstres en 2019 (plus de 30 jours), surfe sur une dynamique extrêmement positive. Le pays enregistre au deuxième trimestre de l’année 24 jours, les progrès sont donc là. Encourageant mais pas encore suffisant bien entendu, d’autant que seule une entreprise sur cinq du pays règle ses fournisseurs en temps et en heure. Le pays doit donc poursuivre ses efforts, tout comme le font les entreprises britanniques. Longtemps bloquées au-dessus de la barre des 14 jours depuis la crise sanitaire, les retards repassent en dessous de ce seuil (13,8 jours). Dans l’Hexagone, les retards remontent légèrement. Le plus inquiétant étant en réalité que les retards supérieurs à 30 jours sont bien plus fréquents qu’il y a un an à la même période (7,6 % contre 5,7 % il y a un an). Un motif d’espoir tout de même : la proportion de bons payeurs en France est à son plus haut historique, approchant 50 % (49,3 %), un taux comparable à celui du continent (49,9 %).
Les PME (10 à 49 salariés) et TPE (de plus de trois salariés) se maintiennent sous les 12 jours, tandis que les entreprises employant entre 50 et 200 personnes voient leurs comportements se tendre. En un an, leur retard s’est allongé de plus d’une journée (12,4 jours en T2 2023 vs 11,2 en T2 2022). Le signal d’alarme doit être déclenché pour ce qui concerne les ETI et grandes entreprises de plus de 1 000 salariés. Alors qu’elles avaient réduit à 16,5 jours leur retard durant l’été 2022, elles affichent désormais des retards moyens qui avoisinent 18 jours (17,7 au T2). Le secteur du bâtiment demeure le secteur le plus exemplaire, tandis que l’immobilier vacille. La promotion immobilière dépasse en effet les 26 jours de retard de paiement en moyenne. Les tensions s’accentuent également dans les entreprises de service, qui voient leurs retards bondir, tout comme l’administration, dont les comportements se dégradent de façon inquiétante depuis 2022. Sous 12 jours en 2021, le retard moyen approchait 13 jours fin 2022 et dépasse aujourd’hui 14 jours. Dans le secteur du transport de marchandise, les retards de paiement se maintiennent au même niveau, à savoir 16 jours en moyenne.