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1001 Vies Habitat : « Le label a matérialisé notre démarche d’amélioration continue »

  • Mehdi Arhab
  • Le
  • Éthique et conformité

Sandrine Malherbe et Clément Jocteur-Monrozier, respectivement directrice des achats et directeur communication et RSE de 1001 Vies Habitat, reviennent sur l’obtention récente du label Relations Fournisseurs et Achats Responsables (RFAR). Cette reconnaissance, une première dans le secteur du logement social, vient confirmer l’engagement durable et structurant du groupe en faveur d’une politique achats éthique et responsable

1001 Vies Habitat : « Le label a matérialisé notre démarche d’amélioration continue »
1001 Vies Habitat : « Le label a matérialisé notre démarche d’amélioration continue »

Quel est l’historique de la direction des achats de 1001 Vies Habitat et que représente-t-elle ?

Sandrine Malherbe : Je suis entrée en fonction en fin d’année 2019 avec pour mission de créer la direction des achats du groupe. Nous sommes partis d’une feuille quasi-blanche et n’avons eu de cesse, depuis six ans désormais, de faire gagner à direction et à la filière achats ses lettres de noblesse en interne. L’attribution du label Relations Fournisseurs et Achats Responsables (RFAR) aujourd’hui constitue, pour le groupe et les Achats, une reconnaissance collective de l’attention accordée à notre écosystème fournisseurs et de la réalité des résultats que nous avons obtenus ces dernières années. Notre ambition était de créer une direction des achats qui génère de la performance dans le respect et la conformité du code de la commande publique et nous y sommes, je crois, parvenus.

Pour les personnes qui composent la direction des achats, ce fut un challenge puisque l’immense majorité des équipes est issue du secteur privé, dans des contextes achats extrêmement différents. Beaucoup d’entre nous n’avions pas de compétences en commande publique. Mais avec le temps, nous nous sommes imprégnés des spécificités de la commande publique pour les marier aux bonnes pratiques des achats dans le secteur privé.

La direction des achats est aujourd’hui composée par 25 personnes et articule, en moyenne, 250 millions d’euros de dépenses externes à travers 150 marchés environ chaque année. Plus globalement, le groupe adresse en tout et pour tout entre 450 et 500 millions d’euros d’achats en moyenne par an.

Pourquoi avez-vous souhaité, aussi rapidement, avancer sur la voie de la labellisation ?

Cette notion de performance chez 1001 Vies Habitat est vue au sens large, elle ne s’arrête pas à la seule perspective économique

SM : Le groupe s’est fixé il y a plusieurs années un objectif : créer de la valeur durable. Les Achats avaient toute leur place dans l’atteinte de cet objectif et pouvaient aider l’entreprise à l’atteindre. La stratégie achats étant une déclinaison de la stratégie d’entreprise, il était normal que la politique achats du groupe soit alignée avec les valeurs, attentes et objectifs du groupe. Cette notion de performance chez 1001 Vies Habitat est vue au sens large, elle ne s’arrête pas à la seule perspective économique. Les Achats devaient donc s’aligner et s’en emparer.

Dès 2023, la direction des achats a proposé au groupe d’adhérer à l’association Pacte PME qui se donne pour mission de faciliter le rapprochement entre les grands groupes et les PME. Cette adhésion a constitué le point de départ de notre démarche. En janvier 2024, nous avons officiellement signé la charte RFAR, avec l’objectif, derrière, d’obtenir le label.

De mon point de vue, la démarche de labellisation contribue à faire reconnaître la maturité achats, les bonnes pratiques d’un groupe en matière de pilotage de la relation fournisseurs ainsi que sa performance extra-financière. Au-delà du challenge que cela représentait pour une direction des achats aussi jeune que la nôtre, ce travail nous a aidé à grandir et à mieux structurer notre action. L’audit de nos pratiques achats à travers le référentiel du label, la mesure des écarts potentiels et la mise en place de plans d’actions se sont révélés décisifs et extrêmement précieux dans notre développement. Le label a en quelque sorte matérialisé notre démarche d’amélioration continue.

Était-ce simple de faire travailler Achats et RSE ?

La transformation du modèle d’affaires est apparue pour 1001 Vies Habitat comme un prérequis, aussi structurant que différenciant

Clément Jocteur-Monrozier : Dans ce cadre, il était évidemment indispensable de voir Achats et RSE collaborer, travailler main dans la main. Le calendrier de réflexion a d’ailleurs été concomitant à la structuration de la RSE en interne. L’approche RSE dans le logement social n’a pas été aussi évidente que cela, et ce malgré la mission d’intérêt général du secteur. La transformation du modèle d’affaires est apparue pour 1001 Vies Habitat comme un prérequis, aussi structurant que différenciant. Nous avons d’ailleurs défini nombre de marqueurs, renforcé nos bonnes pratiques et tâché d’améliorer ce qui pouvait l’être.

La rédaction de la politique RSE du groupe vient à peine d’être achevée et doit être présentée en comité stratégique et auprès de nos instances réglementaires le 8 juillet 2025 (NDLR : l’interview a été menée en juin 2025). Le travail a été très long et a nécessité la définition d’ambition tenable, avec des objectifs qui se veulent structurants. Pour un bailleur comme 1001 Vies Habitat, au métier qui doit intégrer de nouvelles composantes - décarbonation, intégration des enjeux climatiques …, la chose n’avait rien de simple. C’est pour nous assez nouveau. Le chemin est long et demande aussi bien formation, acculturation que structuration. Et le label RFAR a été un levier d’accélération en interne, un élément fédérateur démontrant que la trajectoire que nous empruntions était la bonne. Les discours métiers en ont été renforcés et s’imbriquent naturellement.

Comment se décompose votre panel fournisseurs ? De quels outils disposez-vous pour fluidifier la relation et travailler avec eux en bonne intelligence ?

SM : Pour mobiliser le tissu économique local, les TPE et PME, bien que nous n’ayons pas le droit de le prescrire, nous disposons d’autres outils puissants comme l’allotissement, ou encore la sous-traitance consacrée par la commande publique. Pour certaines de nos familles d’achats, comme les travaux, l’allotissement se révèle être un atout de taille d’ailleurs pour faire travailler des PME aux compétences et savoirs nombreux.

Notre panel fournisseurs est constitué à 76 % de PME du territoire

Notre panel fournisseurs est constitué à 76 % de PME du territoire. Traditionnellement, ce sont essentiellement des petites et moyennes entreprises, ancrées dans les territoires, qui répondent à une grande part de nos marchés. Dans l’ensemble, notre activité ne favorise pas vraiment la massification, sauf dans des cas spécifiques. Cela n’aurait pas de sens d’avoir une approche nationale sur certains de nos contrats, ou par exemple de faire appel à une entreprise parisienne pour intervenir sur un chantier ou une réhabilitation d’un bâtiment à Nice ou Marseille.

CJM : Cet engagement dans les territoires est extrêmement soutenu par la politique achats. Chez les bailleurs sociaux, la massification a quelque peu constitué un traumatisme et est rattachée à la notion de cost killing. Nous avons voulu nous en éloigner, d’autant plus que 1001 Vies Habitat se positionne in fine comme le bailleur qui crée de la valeur durable, pérenne et accompagne la mutation des territoires en zones tendues. C’est ce qui nous caractérise. Notre action s’ancre en local, nos achats et notre économie également. Nous avons veillé à dessiner un tout autre récit. Le groupe fait donc en sorte de travailler avec des TPE et PME, car elles font vivre le territoire.

SM : En outre, le label a été un levier de conduite du changement, dans le sens où il nous a aidé à changer l’image des Achats, aussi bien auprès de nos prescripteurs que de nos fournisseurs. Notre approche aujourd’hui est mieux comprise.

Vous jugez donc que votre action est aujourd’hui bien mieux saisie, notamment par vos fournisseurs …

Le notion de dialogue est essentielle

CJM : Absolument. La notion de dialogue est essentielle. Sans cela, nous ne pouvons créer les bonnes conditions de la relation et du dialogue. Les règles du jeu sont claires, partagées.

La chaîne de valeur commence par l’acte d’achat qui frappe chacun de nos métiers. Chacun de nos métiers est profondément marqué par l’achat et donc, par la relation avec les fournisseurs. Nos objectifs convergent, nos intérêts se rejoignent. Nous avons tout fait pour les amener à échanger à travers une grille de lecture commune qui leur va bien. Nos fournisseurs sont essentiels à notre activité et d’une certaine manière, nous pensons entreprise élargie.

SM : En effet. La RSE a par ailleurs le pouvoir de faire changer et évoluer nos modèles d’affaires dans le bon sens. C’est une chose partagée en interne, par les métiers et les Achats, mais aussi par nos fournisseurs. À travers notre démarche, nous avons par exemple largement amélioré le suivi de l’exécution de nos marchés, zone pourtant sensible dans la commande publique. Cette partie exécution du marché repose en général un peu trop sur les prescripteurs qui considèrent d’ailleurs pour beaucoup qu’il s’agit d’une activité de leur ressort, mais ils ne sont malheureusement pas toujours en mesure d’assurer pilotage contractuel, de la relation fournisseur et de la négociation avec les titulaires de marchés. Les prescripteurs sont légitimes pour piloter le prestataire mais ils ont besoin d’un accompagnement sur l’application du contrat et la gestion de la relation fournisseur.

Nous n’avons donc eu de cesse, au sein de la direction des achats, de rappeler qu’un fournisseur est avant tout un partenaire. Et un partenaire, ça se pilote finement. Il était donc primordial de ne plus laisser nos prescripteurs seuls sur ce point. Les services internes ont continué à s’approprier la dimension exécution ; simplement, ils abordent la question d’une manière différente désormais, à travers notamment cette logique d’écoute des fournisseurs pour créer in fine de la valeur opérationnelle.

Avez-vous une instance spécifique pour adresser la chose de façon formelle ?

SM : Nous avons mis en place une instance d’écoute dédiée aux PME. Clément Jocteur-Monrozier a par ailleurs été désigné comme médiateur et point de contact de référence, à l’instar d’un membre de la direction des achats qui enregistre de son côté les doléances de nos tiers fournisseurs.

CJM : Notre objectif est de sortir du schéma classique contrat-contentieux. Nous souhaitons que la relation fournisseurs reste aussi fluide que possible. Nous avons défini des paliers d’alerte et des instances de dialogue et d’écoute afin d’éviter toute incompréhension. Nous sommes d’ailleurs convaincus que cela nous fera gagner du temps, mais aussi de l’argent et donc des points de performance économique car un contrat mal exécuté, c’est de l’argent (et du temps) perdu, de la non-qualité et des prestations mal voire non réalisées. Nous avons, pendant plus d’un an, fait le tour de toutes nos agences et de nos fournisseurs pour faire comprendre ce qui se jouait et ce que nous étions en train de construire.

Piloter un contrat, c’est permettre la création de valeur.

SM : C’est en cela que prescripteurs et acheteurs se sont d’ailleurs emparés du sujet. L’entreprise a bien compris que piloter un contrat, c’est permettre la création de valeur.

Quels sont les grands sujets inscrits sur votre feuille de route achats responsables ?

SM : Aujourd’hui, plus de 90 % de notre masse achats est couverte par des critères RSE. Nous avons travaillé sur de nombreux éléments : le tri, la recyclabilité de matériaux sur nos chantiers …

Nous sommes par ailleurs en train de dessiner notre politique achats inclusifs, laquelle sera déployée dans le cadre de la politique handicap du groupe à partir de 2026. Des outils seront progressivement déployés pour faciliter l’appel à des EA, ESAT et toutes entreprises faisant travailler des individus éloignés de l’emploi (demandeurs d’asile, etc).

CJM : À titre d’illustration, un peu plus de 70 % de nos marchés intégraient des critères RSE dès la consultation en 2023. Cela donne une idée assez claire des progrès réalisés ces derniers mois. Certains marchés, comme les prestations intellectuelles, peuvent encore être un peu difficiles à adresser. Mais Achats et métiers travaillent sur des leviers pour en intégrer.

Avez-vous déjà enregistré des gains de performance significatifs ?

SM : Cette démarche a été menée en un temps record. Nous générons, d’un point de vue financier, des gains de l’ordre de plusieurs dizaines de millions d’euros chaque année. Sur la partie extra-financière, les gains se font aussi ressentir. L’intégration volontariste de critères RSE dans nos marchés a permis à l’entreprise d’augmenter de façon importante sa création de valeur immatérielle.

CJM : L’autre gain majeur que je note de mon côté, c’est sur le process. Et je suis bien placé pour en parler pour y avoir été confronté tout récemment. J’ai été extrêmement surpris de voir les gains générés par le processus achats, en temps, en fluidité et en argent. Nous sommes en mesure aujourd’hui, au niveau des métiers, de restituer de façon extrêmement précise la performance acquise par les achats. Dit comme cela, cela paraît être pas grand-chose, mais je peux vous assurer que c’est extrêmement bénéfique et surtout appréciable, d’autant plus que c’est systématique. C’est clairement opposable et les métiers savent précisément où ils vont.

Le top management a-t-il été votre meilleur sponsor ?

SM : Assurément, notre président Philippe Bry a d’ailleurs, pour la petite anecdote, préféré assister à la remise du label par la Médiation des Entreprises et le CNA plutôt que de se rendre à une visite à laquelle la ministre de la Culture, Rachida Dati, se trouvait. Ce n’est pas le top management qui a été le plus difficile à convaincre - il avait assez bien saisi l’ambition et les enjeux, et voyait que cela répondait à sa stratégie -, mais plutôt les services opérationnels. En effet, beaucoup abordent l’acte d’achat à travers les procédures de la commande publique et pas forcément à travers la fonction achats telle qu’on la connaît dans le secteur privé. En ce sens, le changement a pu parfois être difficile.

CJM : L’achat a longtemps été perçu comme une contrainte, d’autant plus dans un métier aussi spécifique que le nôtre. Il nous a fallu être très pédagogue pour faire comprendre notre démarche, faire accepter nos choix, le chemin que nous voulions emprunter et expliquer que cela ne serait en rien un frein. C’est un travail au long cours, qui là aussi réclame beaucoup d’écoute, de la patience et du dialogue. Mais nous pouvons véritablement être fiers des résultats obtenus. Les quicks wins ont été nombreux. L’achat est d’ailleurs aujourd’hui perçu comme un investissement nécessaire.