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Médiateur des entreprises : « 2 826 signataires de la charte et 119 labellisés RFAR »


Le médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet, vient de publier le rapport annuel 2024 de la Médiation. Celui-ci montre un recours toujours important à ses services. Au cœur des problématiques du moment : les retards de paiement.

Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises. - © D.R.
Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises. - © D.R.

En 2024, quel a été le niveau de recours à la Médiation des entreprises ?

En 2024, 1903 demandes de médiation, très exactement, nous ont été soumises et ont été traitées par nos équipes. Ce niveau est stable depuis 2020, année où nous avions connu un pic considérable avec près d’une centaine de demandes de médiation par mois. Cela étant dit, le niveau est aujourd’hui stabilisé à un pallier bien plus élevé qu’avant 2019 (1 342 médiations en 2019, 1 307 en 2018 etc..).

Depuis quatre ans, nous connaissons chaque année au moins un nouveau choc qui vient créer de la tension dans l’économie et donc de la tension entre les entreprises

Ce pallier haut s’explique par différents facteurs. D’abord, par la succession d’événements et de chocs connus depuis 2020 : l’énergie, les crises internationales, l’inflation, la hausse des taux d’intérêt… Depuis quatre ans, nous connaissons chaque année au moins un nouveau choc qui vient créer de la tension dans l’économie et donc de la tension entre les entreprises, ou entre les entreprises et les acteurs publics. Face à cela, la bonne nouvelle est tout de même que de plus en plus d’entreprises ont le réflexe de nous saisir plutôt que d’aller directement au tribunal. Nous obtenons un taux de réussite de l’ordre de 70 %. Cela vaut la peine de tenter la médiation, le dialogue et le compromis plutôt que de judiciariser immédiatement le conflit.

Quels ont été les principaux motifs de recours à la médiation des entreprises ?

Nous avons toujours, en premier lieu, notre éternel sujet autour des délais de paiement malheureusement. Cela représente tout de même 40 % de nos saisines en 2024. Je dis malheureusement car j’aimerais, un jour, ne plus avoir à parler de cette problématique. Pourtant, les chiffres montrent que non seulement le délai moyen des retards de paiement ne s’améliore plus, comme c’était le cas avant le Covid, mais en plus il se dégrade. Le chiffre exact sera confirmé prochainement par l’Observatoire des retards de paiement, mais nous sommes actuellement à 13 à 14 jours de retard alors que nous étions déjà à 10 jours avant le Covid et 12 après.

Cela signifie donc que les entreprises et les acteurs publics reprennent progressivement leurs mauvaises habitudes…

Oui, effectivement. Pour des raisons liées, pour moitié, à de réelles difficultés économiques de certains mais aussi pour l’autre moitié, à des motivations beaucoup moins compréhensibles. Il peut s’agir de négligences, de process internes mal maitrisés ou, tout simplement de raisons liées à des exigences de ratios financiers… Et pour ceux-là, je le dis, c’est inacceptable : chaque entreprise doit assumer ses responsabilités.

Au-delà de votre intervention dans chacun des dossiers dont vous êtes saisi, comment agir sur cette problématique ?

Déjà, la Médiation permet à chaque fois, de faire prendre conscience aux protagonistes des procédures à améliorer. Autre axe, nous avions mis en place un comité de suivi des paiements pendant le Covid, il est toujours actif : nous continuons à travailler avec les organisations patronales, les CCI, etc.

Nous nous appuyons sur un levier puissant, celui des achats responsables : nous constatons une croissance phénoménale des entreprises s’engageant sur ce sujet

Et puis, nous nous appuyons sur un levier puissant, celui des achats responsables : nous constatons une croissance phénoménale des entreprises s’engageant sur ce sujet. Avec donc une meilleure prise en compte des délais de paiement, puisque c’est une des composantes importantes de la question de l’achat responsable.

Enfin, des actions coercitives peuvent être mises en place. Il existe déjà aujourd’hui dans l’arsenal judiciaire des outils de pénalité, de sanction etc. Ils devront peut-être devenir encore plus contraignants à l’avenir, pour venir enfin à bout de ce fléau. Je préférerais que nous n’ayons pas besoin d’y avoir recours. Il faut que les entreprises prennent conscience qu’elles doivent payer en temps et en heure : parce que c’est la loi évidemment mais aussi parce qu’elles ont une responsabilité envers leurs fournisseurs. Je me répète mais cette prise de conscience est un point majeur.

Quels ont été les autres principaux motifs de recours à la Médiation des entreprises en 2024 ?

Nous avons eu un certain nombre de saisines (10 %) concernant l’énergie. En effet, le sujet n’est pas encore complètement derrière nous car même si la flambée des prix date de fin 2022, beaucoup d’entreprises s’étaient engagées pour plusieurs années. Elles sont donc toujours sur les tarifs de 2022 alors que les cours sont aujourd’hui bien plus bas. Nous les aidons à sortir de ces contrats, à les aménager afin de retrouver des tarifs plus conformes à la norme actuelle. Et cela, sans léser leurs fournisseurs bien entendu. Il faut donc trouver des compromis. Autres motifs : les contentieux sur les fins de chantier, la propriété intellectuelle etc.

Des filières recourent-elles plus spécifiquement à vos services ?

En 2024, nous avons observé une part significative de la filière BTP. Ce n’est pas étonnant car cette filière a subi, d’une manière ou d’une autre, tous les chocs qui se sont succédé depuis 2020.

Quelles sont vos priorités pour 2025 ?

La question des achats responsables va continuer de prendre de l’ampleur. On voit que les courbes du nombre de signataires de la charte et du nombre de labellisés RFAR connaissent des évolutions annuelles à deux chiffres depuis la crise de 2020 : +11 % pour le label en 2024, + 18 % pour la charte. Désormais, la communauté des achats responsables compte 2 826 signataires de la charte et 119 labellisés RFAR. Ils représentent près de 180 milliards d’euros d’achats annuels. J’espère que cette envolée va se poursuivre en particulier pour les labellisés, même si la labellisation constitue une marche importante, elle est très exigeante car elle s’appuie sur la norme ISO 20400. Nous allons poursuivre nos efforts en ce sens.

Le gouvernement nous a demandé de travailler spécifiquement sur la BITD, c’est-à-dire la Base Industrielle et Technologique de Défense

Au-delà des achats, d’autres priorités ?

Oui, nous allons continuer notre travail de pédagogie sur la boite à outils à disposition des entreprises. Nous constatons tous les jours que ces outils sont trop méconnus, alors qu’ils peuvent permettre d’éviter de passer par la case tribunal de commerce. Et puis, le gouvernement nous a demandé de travailler spécifiquement sur la BITD, c’est-à-dire la Base Industrielle et Technologique de Défense. Dans le cadre d’une économie de guerre, cette filière va monter en puissance. Nous devons nous assurer que les entreprises soient financées à hauteur de leur besoin, qu’elles soient payées à l’heure, voire qu’on utilise davantage les avances. Nous allons lancer cela officiellement prochainement : nous commencerons d’abord par une consultation avant de construire un cahier des charges et des bonnes pratiques ensemble.