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Plaidoyer en faveur du modèle des entreprises adaptées

Par Mehdi Arhab | Le | Ha inclusif

Au cours d’une matinale organisée dans les locaux de l’association Les Canaux, impulsée par la ville de Paris et soutenue par la métropole du Grand Paris et Paris 2024, Marie-Anne Montchamp, ancienne secrétaire d’État chargée des solidarités et de la cohésion sociale et Vincent Levieux, président d’Handiprint, une entreprise adaptée, ont salué la capacité des EA à braver les difficultés et leur apport dans les politiques RSE des entreprises classiques. 

La matinale Handiprint organisée dans les locaux de l’association Les Canaux - © D.R.
La matinale Handiprint organisée dans les locaux de l’association Les Canaux - © D.R.

« L’entreprise adaptée va au-delà des murs. Ce modèle a anticipé le futur qui nous attend et il appartient à l’entreprise adaptée de l’objectiver ». Pour Marie-Anne Montchamp, présidente de l’agence entreprises et handicap, ancienne députée et secrétaire d’État - qui a fait adopter la Loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées -, l’entreprise adaptée a vocation à inspirer des modèles d’organisation à venir des entreprises classiques. « Les EA nous invitent à faire avec les ressources à notre disposition, poursuit-elle.  L’idée qu’on puisse y employer des femmes et des hommes à besoins spécifiques ne nécessite qu’un petit pas de côté pour le retranscrire dans tout type d’organisation. Nos concitoyens ont aujourd’hui une revendication : la prise en compte de leurs spécificités, qu’elles relèvent d’une situation de handicap ou non ».

Marie-Anne Montchamp, ancienne secrétaire d’État chargée des solidarités et de la cohésion sociale - © D.R.
Marie-Anne Montchamp, ancienne secrétaire d’État chargée des solidarités et de la cohésion sociale - © D.R.

La résilience des EA comme exemple

Ainsi, Marie-Anne Montchamp voit dans l’entreprise adaptée, qui a pour objectif, au-delà de sa mission économique, de traiter les particularités de chacun dans l’emploi avec des modes de management appropriés et des formes d’accompagnement personnalisées. Cette vocation lui confère par extension une grande agilité et une grande robustesse face à une conjoncture particulièrement âpre.

La force des entreprises adaptées est de percevoir les chocs et de comprendre pourquoi elles les subissent

Ces structures ont démontré toute leur aptitude à encaisser et survivre aux différentes secousses auxquelles elles ont été confrontées. « La force des entreprises adaptées est de percevoir les chocs et de comprendre pourquoi elles les subissent », étaye Marie-Anne Montchamp. 

L’entreprise adaptée, un simple lieu de passage ?

Reste à faire en sorte que les entreprises adaptées ne soit pas qu’un simple tremplin vers des organisations classiques. « Il a souvent été rapporté que l’Entreprise Adaptée ne doit pas être fermée, mais bien un lieu de promotion vers des organisations classiques. Mais qu’en est-il de la question de l’égalité des chances ? », interroge Marie-Anne Montchamp qui estime que le statut des EA doit être reconsidéré pour que ces entreprises puissent bénéficier d’une nouvelle approche tenant plus compte de leurs spécificités.

Il faut adresser aux pouvoirs publics un message de service. Le décideur public doit absolument reconsidérer la question de l’Entreprise Adaptée

Pour cette dernière, il est impératif de repenser l’é(É)tat social et d’analyser convenablement le rôle des EA afin de ne pas dilapider l’harmonie collective en pensant bien faire. « Je pense qu’il faut adresser aux pouvoirs publics un message de service. Le décideur public doit absolument reconsidérer la question de l’Entreprise Adaptée, au regard de la résilience de ces organisations dans un contexte très évolutif », ajoute l’ancienne députée UMP.

De son côté, Vincent Levieux, qui a annoncé l’ouverture d’une antenne à Bordeaux et le projet de parrainage lancé par Handiprint avec l’objectif d’aider chaque collaborateur en situation de handicap à réussir sa vie professionnelle, en mobilisant l’ensemble des partenaires de son écosystème, regrette un certain manque de reconnaissance à l’égard des EA. Il soutient qu’elles sont, au même titre que des entreprises ordinaires, capables d’assurer de nombreuses tâches et d’être compétitives. « Ce sont des entreprises à part entière, qui ne sont pas reléguées à de simples activités à faible valeur ajoutée », a-t-il affirmé, assurant également par la suite que leur part dans la stratégie RSE des grands comptes notamment n’est plus à démontrer.

Une chance pour la société  

L’entreprise adaptée est donc administrée comme toute entreprise. Et il est important de le rappeler. Elle est partie prenante du système économique, elle intègre, elle aussi, des collaborateurs dans un espace de sociabilisation, compte des clients, des contraintes, des cahiers des charges et des délais à respecter. Finalement, sa seule différence semble être l’obligation d’adaptabilité permanente vis-à-vis de ses salariés pour demeurer efficiente. « Un chef d’entreprise dans une organisation classique va penser rentabilité et productivité, bien que les tendances changent. Dans une entreprise adaptée, le chef d’entreprise doit toujours s’ajuster à la personne face à lui », décrit Vincent Levieux.

Vincent Levieux, président d’Handiprint - © D.R.
Vincent Levieux, président d’Handiprint - © D.R.

En ce sens, il peint l’exemple d’un jeune contrôleur de gestion, bardé de diplômes, souffrant d’une forme d’autisme. Alors que son intégration fut laborieuse, - le jeune homme quittant pour la première fois le domicile familial -, il a fini peu à peu par s’insérer. Travaillant au départ deux heures par jours, ce dernier a progressivement vu son taux horaires croître. Et fort de cette expérience, il a fait remarquer à Vincent Levieux son envie de rejoindre un jour une entreprise ordinaire.

« C’est aussi pour ce genre d’histoire que nous faisons cela. Pour accueillir des personnes en situation de handicap, il faut aimer les gens et être bienveillants. Mais cela demande aussi beaucoup de prévention et il y a une éducation à faire valoir », expose, non sans émotion, Vincent Levieux.