Stratégie ha

Ecomaison : « L’enjeu majeur de la fonction Achats est d’accompagner la forte croissance »


Pascal Mahot est le responsable achats d’Ecomaison, éco-organisme chargé par l’État de piloter la collecte, le tri, la réparation, le réemploi et le recyclage des objets et matériaux de la maison (jouets, ameublement, bricolage et bâtiment). Dans un contexte de croissance significative de la structure, il pilote un chantier de restructuration de la fonction achats.

Pascal Mahot, responsable achats. - © D.R.
Pascal Mahot, responsable achats. - © D.R.

Pouvez-vous nous présenter Ecomaison ? Sa mission, son envergure…

Ecomaison avait été créé en 2011, sous le nom d’Eco-mobilier, par 24 distributeurs et fabricants de mobilier. En tant qu’éco-organisme agréé par l’État, sa mission était de prendre en charge le recyclage des éléments d’ameublement et la literie pour le compte des adhérents afin qu’ils puissent répondre à leurs obligations en matière de Responsabilité élargie du producteur (REP). En 2022, nous avons remporté trois nouvelles REP : les jouets, le bricolage et les matériaux de construction non inertes (bois, plastique, métal etc).

Le modèle économique, pour toutes ces filières, est fondé sur l’éco-participation, payée par chaque acheteur d’un produit neuf. Ecomaison collecte ces éco-participations auprès de ses adhérents afin de financer la mise en place de services de collecte, tri, réparation, réemploi etc.

Quelques chiffres ?

En 2024, nous avons perçu 412 millions d’euros de contributions pour financer le schéma opérationnel suivant : doter les 10 000 points de collecte d’un contenant, gérer la collecte des déchets déposés et leur transport vers des centres de tri, puis vers des centres de préparation de la matière pour enfin alimenter des centres de consommation de la matière. Ecomaison compte une centaine de collaborateurs. Nous avons environ 200 fournisseurs sur 650 sites.

Notre enveloppe annuelle achats est d’environ 300 millions d’euros

Vous avez pris le poste de responsable achats d’Ecomaison en 2022, quel est votre périmètre d’intervention ?

Effectivement, je suis arrivé à ce poste en 2022 après un parcours dans différentes fonctions achats, dans l’automobile, la banque puis chez Suez pendant une dizaine d’années. La fonction achats était jusqu’alors pilotée par le directeur achats, opérations, système d’information. Trois personnes travaillaient aux Achats mais il avait besoin d’un pilote afin de structurer de manière professionnelle cette fonction.

Mon périmètre aujourd’hui est le suivant : je suis rattaché directement à un membre du Codir, le directeur des Achats et de l’innovation. J’ai pour rôle d’animer l’équipe des acheteurs et d’adresser tous les domaines des achats. Notre enveloppe annuelle achats est d’environ 300 millions d’euros. Je travaille aujourd’hui avec cinq acheteurs et un assistant achats en interne mais nous nous appuyons également sur des cabinets externes en sous-traitance. En effet, nous lançons désormais une dizaine d’appels d’offres par an et pour certains d’entre eux, nous pouvons recevoir jusqu’à 400 offres à analyser. Sur ces dossiers, selon les phases, nous pouvons avoir jusqu’à 20 consultants qui nous accompagnent.

Le nombre d’appel d’offres annuel a été multiplié par deux ou trois et le nombre de contrats est passé de 200 à 1 000 !

Quels changements avez-vous opérés dans cette fonction achats depuis votre arrivée ?

Le premier changement que j’ai impulsé a concerné le recrutement d’un assistant achats pour libérer les acheteurs de tâches administratives. J’ai souhaité les spécialiser sur des champs d’intervention afin qu’ils endossent, de A à Z, le rôle de chef d’orchestre de leurs appels d’offres. Cela m’a semblé absolument nécessaire dans le contexte d’hypercroissance d’Ecomaison : avec les nouvelles REP que nous avons remporté, le nombre d’appel d’offres annuel a été multiplié par deux ou trois et le nombre de contrats est passé de 200 à 1 000 !

J’ai donc désormais deux acheteurs positionnés sur l’amont du process (c’est-à-dire la collecte), un acheteur sur la partie transport gros volumes (60 000 opérations transport par an) et deux acheteurs dédiés à l’aval (un sur le bois, l’autre sur le textile/plastique). Depuis mon arrivée, l’équipe a été multipliée par deux.

Quels ont été vos principaux appels d’offres en 2025 ?

Nous avons mené un important appel d’offres autour du plastique, sur la partie préparation de la matière. Jusqu’ici, nous avions un modèle assez bien établi avec une matière assez homogène de polypropylène à traiter. Nos contrats étaient bien adaptés pour cela. Avec l’arrivée des nouvelles REP dont nous avons pris la responsabilité (jouets, bricolage, matériaux du bâtiment), nos flux ont intégré beaucoup plus de résines diverses et donc une complexité accrue pour le traitement de ces collectes. Cela nécessitait de remettre à plat le fonctionnement que nous avions mis en place jusqu’ici avec nos opérateurs prestataires. Nous sommes actuellement en phase d’études. Les contrats seront conclus d’ici la fin de l’année.

A cette occasion, nous avons mis en place une nouvelle organisation avec un binôme acheteur/ingénieur innovation pour traiter l’appel d’offres afin d’obtenir une performance supérieure. Deux appels d’offres sont concernés cette année : le plastique donc, et le textile que nous venons de lancer.

Comment fonctionne ces binômes ?

Nous lançons simultanément deux procédures : un appel d’offres pour les prestations et fournitures et un appel à projets sur des innovations et expérimentations. Nous croisons les réponses et nous voyons comment soutenir les porteurs de projets d’innovation dans le cadre de l’appel d’offres actuel (ou de futurs appels d’offres) avec par exemple des engagements sur le plus long terme.

Ces appels d’offres sont accompagnés d’une importante campagne de communication dans la presse spécialisée et de présentations lors de webinaires conjoints avec l’innovation que nous annonçons notamment sur les réseaux sociaux.

En contrepartie de l’exclusivité que nous lui accordons, le partenaire transporteur unique peut avancer plus rapidement sur la question de la décarbonation

Vous avez également démarré une expérimentation sur le volet transports…

Oui, nous avons lancé très récemment un test « transporteur unique ». En Occitanie, nous avions un centre de préparation de matelas qui était alimenté par une quinzaine de centres de tri. Jusqu’ici, une dizaine de transporteurs se chargeaient des flux et alimentaient ce site. Nous avons souhaité travailler avec un seul partenaire afin d’aller vers une optimisation organisationnelle. En contrepartie de l’exclusivité que nous lui accordons, le partenaire transporteur unique peut avancer plus rapidement sur la question de la décarbonation. Nous avons ainsi installé sur ce centre une cuve de biodiesel. Cela représente 150 000 kilomètres par mois effectués en biocarburant. J’estime que cette évolution, opérationnelle depuis quelques mois, constitue un vrai levier de décarbonation.

Quelle leçon en tirez-vous ?

Cette expérimentation nous a amenés à réfléchir sur ce sujet avec un cabinet spécialisé. Cela va déboucher sur un appel d’offres en 2026 qui donnera l’opportunité à l’ensemble des transporteurs de se positionner comme transporteur unique s’ils le souhaitent. Les avantages sont multiples comme je l’indiquais : performance, sécurité opérationnelle et décarbonation.

Quels sont les défis et enjeux à venir pour les Achats d’Ecomaison ?

En 2026, je souhaite que mes acheteurs, en plus de leur spécialisation, endossent une casquette transversale pour nos grands prestataires (Veolia, Suez, Paprec, etc.) afin que ceux-ci puissent échanger avec un interlocuteur référent tout au long de l’année. Notre ambition est de réussir à mettre en place rapidement des vraies business review avec nos opérateurs principaux. Nous le faisions mais pas de manière structurée. C’est un point extrêmement important selon moi afin d’avancer et consolider les relations avec nos fournisseurs.

En contrepartie de l’exclusivité que nous lui accordons, le partenaire transporteur unique peut avancer plus rapidement sur la question de la décarbonation

Nous avons aussi un enjeu important au niveau de la digitalisation des achats. Nous allons opérer une refonte du SI achats. Nous espérons avancer significativement courant 2026.

De manière globale, je dirais que l’enjeu principal de la fonction Achats est aujourd’hui d’accompagner au mieux la croissance importante de la structure. En deux ans, nous sommes passés de 200 à 1 000 contrats.