LISI Automotive réorganise ses achats au plus proche de ses lignes de produits
Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha
Sébastien Blain est devenu en juillet 2024 l’un des deux nouveaux directeurs des achats de LISI Automotive. Il nous décrit sa feuille de route et les (nombreux) enjeux de l’entreprise qui a, très rapidement, décidé de prendre le virage de l’électrification.
Pas le plus connu des équipementiers français, LISI (pour Link Solutions for Industry) est pourtant une entreprise des plus solides. Le groupe LISI, dont l’activité est centrée sur la conception et la fabrication de solutions d’assemblage à forte valeur ajoutée, produit aussi bien des solutions d’assemblage innovantes pour des véhicules plus sûrs, plus légers, électrifiés et connectés que des fixations et des composants d’assemblage pour des avions plus sûrs et respectueux de l’environnement. Le groupe fabrique également des implants médicaux, des ancillaires et des instruments de chirurgie mini-invasive à haute valeur ajoutée. En tout et pour tout, LISI emploie plus de 10 000 personnes dans le monde et a réalisé 1,63 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2023. Du fait de son activité, LISI est une entreprise à dimension internationale, dont la capacité d’innovation et d’excellence est reconnue, tout comme la performance de son outil industriel.
L’entité LISI Aerospace compte pour 52 % du chiffre d’affaires du groupe, LISI Medical pour 11 %. La division Automotive est donc la deuxième entité du groupe en termes de chiffre d’affaires - 610 millions d’euros en 2023 - et peut compter au quotidien sur les efforts de ses 3 200 employés. Elle est présente dans huit pays et compte pas moins de 19 sites de production. Sébastien Blain est devenu en juillet 2024 l’un des deux directeurs des achats de la division Automotive, dont les dépenses s’élèvent à près de 388 millions d’euros. Il conduit une équipe de 11 personnes et rapporte directement à Thierry Juliat, directeur général système d’excellence et support opérationnel. Il officiait déjà au sein du groupe LISI en tant que responsable de la coordination des achats pour le compte des trois divisions depuis son entrée dans l’entreprise en 2020. Sa feuille de route est définie autour de plusieurs volets, parmi lesquels une fonction achats engagée sur des actions à forte valeur ajoutée, la recherche de compétitivité et d’innovation ou encore l‘optimisation de la performance fournisseurs.
Une direction achats à deux têtes pour mieux adresser les catégories d’achats propres à LISI Automotive
Dans cette direction achats bicéphale, qui comprend en tout et pour tout 28 personnes, Sébastien Blain pilote avec son équipe les achats liés aux solutions clippées (goulottes de câblage, vis et écrous à clipser, attaches sur axes, fixations et connecteurs, obturateurs et passe-fils) que l’on retrouve notamment dans les véhicules électriques. La matière première dominante de tous ces composants est le plastique.
Pour ce qui est des achats attachés aux fixations filetées et vissées ainsi qu’aux composants mécaniques de sécurité (pièces liées aux systèmes de freinage, attache de ceinture, etc.), ils sont administrés par son confrère.
La direction générale a souhaité remettre les achats en lien avec nos lignes de produits, d’où notamment ce choix d’une direction des achats à deux têtes
« La direction générale a souhaité remettre les achats en lien avec nos lignes de produits, d’où notamment ce choix d’une direction des achats à deux têtes. Certains achats sont mis en commun, mais la majorité d’entre eux sont spécifiques, ce qui nous permet un meilleur alignement avec notre écosystème fournisseurs », explique Sébastien Blain. Cette base fournisseurs est évidemment l’un des facteurs clé dans le succès de LISI Automotive et la division s’efforce de fait d’établir avec eux des rapports profitables à tous. Pour cela, la direction des achats n’hésite pas à miser sur des relations long terme, fondées sur la performance et la confiance, attendant de ses fournisseurs qu’ils soient centrés sur l’excellence opérationnelle et l’innovation.
Mutation vers l’électrique
Cette évolution est pour LISI Automotive plus que nécessaire, d’autant que depuis près de dix ans désormais, la division a décidé de concentrer une grande partie de ses efforts sur l’électrification. Le groupe LISI a notamment investi de façon conséquente dans son usine de Delle, située à quinze kilomètres de Sochaux, pour adapter son outil de production au véhicule électrique, bien plus exigeant encore en termes de propreté et de fonctionnalités. Cette même usine a par ailleurs bénéficié d’une aide de près d’un million d’euros du dispositif France 2030 dans le cadre de l’appel à projets « diversification des sous-traitants de la filière automobile ».
Notre direction générale a pris une décision osée et a été visionnaire en répondant à divers appels d’offres sur des batteries et autres. Nous devons désormais poursuivre sur cette voie
Ce choix, qui pouvait étonner lorsqu’il a été fait, s’avère aujourd’hui plus que concluant tant le marché est en pleine expansion depuis quelques années. Et l’interdiction annoncée de la vente des véhicules thermiques neufs dès 2035 vient sans doute confirmer cette réalité. « La majeure partie des pièces de l’usine de Delle était destinée à des moteurs thermiques et notamment diesels. Notre direction générale a pris une décision osée et a été visionnaire en répondant à divers appels d’offres sur des batteries et autres. Nous devons désormais poursuivre sur cette voie », soutient Sébastien Blain.
De leurs côtés, ses équipes et lui s’attachent à ce que les achats contribuent à l’amélioration de la compétitivité de la division. Et dans une industrie où la pression sur les coûts n’est pas la moins marquée, le défi est énorme. « La part achats de LISI Automotive représente près de 60 % de son chiffre d’affaires. Cela rappelle à quel point les achats sont importants, pour ne pas dire stratégiques, à notre échelle. LISI Automotive est sans cesse remis en compétition sur certains programmes par ses clients constructeurs. C’est pour cela qu’il est important de mettre l’accent sur les compétences achats de nos équipes afin d’assurer un haut niveau d’expertise de nos acheteurs. L’objectif est qu’ils se concentrent sur l’analyse des produits et services stratégiques afin d’appréhender chaque segment et leurs structures de coûts pour pouvoir actionner les bons leviers au moment de réaliser l’acte d’achat », rappelle Sébastien Blain.
Changement de culture en matière de sourcing
Si une partie des volumes achetés de LISI Automotive est concentrée en France, la division doit approvisionner ses nombreux sites de production à l’étranger, notamment en Espagne, en Allemagne, au Mexique, en Chine, en République Tchèque, aux USA, ou encore au Maroc. À ce titre, pour répondre au mieux aux besoins en termes d’achats de l’ensemble de leurs usines, les équipes de Sébastien Blain se concentrent sur la définition, ainsi que la mise en place de stratégies d’achats. Et l’adoption de stratégie d’achats par commodités en transversale chez LISI Automotive est aux yeux du directeur achats un gage de réussite.
En ce sens, Sébastien Blain veut notamment capitaliser sur les contrats mis à disposition par le groupe LISI, qui compte une direction industrielle et achats et aussi continuer à imbriquer les achats en amont des grands projets de la division afin de mieux sourcer et, derrière, garantir la compétitivité et l’excellence industrielle pour les clients de l’entreprise.
« La construction d’une supply chain robuste est primordiale. Nous réclamons un haut niveau de qualité, un taux de service livraison sans faille allié à une forte flexibilité et une excellente compétitivité. », expose Sébastien Blain. Ainsi, les fournisseurs doivent introduire des actions d’amélioration continue et être force de proposition en termes d’innovations.
Nous devons repenser certains de nos achats et apporter à la direction un nouveau regard sur le make or buy
Pour le directeur des achats, l’élargissement du bassin de sourcing de l’entreprise constitue un axe de travail majeur sur lequel ses équipes doivent plancher pour améliorer la compétitivité de l’entreprise. « C’est un sujet qui doit être mis sur la table. Nous devons plus globalement repenser certains de nos achats et apporter également à la direction un nouveau regard sur le make or buy », indique-t-il. « Le marché fournisseurs a beaucoup évolué et nous devons nous poser certaines questions à ce sujet. Il nous arrive déjà d’acheter des composants ou de recourir à la sous-traitance pour des produits que nos usines fabriquent également pour des assemblages complets. Le tout est de savoir ce qui doit être externalisé et de juger si cela a du sens de conserver certains programmes ou non », affirme-t-il. Preuve, pour ceux qui l’oublient, de l’importance de la fonction et de son intérêt à être associée aux réflexions stratégiques sur le schéma industriel de la division.
LISI Automotive travaille donc avec de nombreux acteurs français, mais aussi européens. Un choix qui a bien entendu toute sa pertinence, mais qui ne répond pas totalement à cette recherche de compétitivité. « Nous comptons énormément de fournisseurs dans notre panel actuel. Il faut que nous parvenions à opérer les bons choix pour conserver ceux qui répondent le mieux à nos besoins et aux exigences de nos clients. Cela passe par l’utilisation des contrats groupe et il va également falloir revoir la distribution des parts de marché de nos fournisseurs », indique Sébastien Blain.
Digitalisation et RSE, d’autres enjeux que les achats se doivent d’appréhender
Autre point sur lequel le directeur des achats travaille : la digitalisation. La direction des achats va prochainement se doter d’un SRM, le même que celui déployé par la division LISI Aerospace. « Cet outil nous permettra d’analyser plus finement nos catégories d’achats et de mieux piloter nos stratégies d’achats ainsi que nos panels fournisseurs », se félicite Sébastien Blain. Mais son quotidien ne s’arrête pas à cela.
En effet, il doit également prendre à bras-le-corps un autre sujet et pas des moindres : les achats responsables ; véritable pilier de la stratégie de LISI Automotive qui s’engage à réduire de 30 % ses émissions carbones d’ici à 2030 (vs 2019) sur les scopes 1, 2 et 3 (amont). Et pour atteindre cet objectif, la division doit travailler à réduire significativement ses émissions sur le scope 3, évidemment très largement dominées par les achats de matières premières et de composants.
« Nous sommes de fait en première ligne. Nous veillons à respecter une haute exigence dans nos calculs de mesure de l’empreinte carbone des produits que l’on achète. Au demeurant, nous avons intégré depuis plusieurs années la RSE - avec notre approche des 3P, “People, Planet, Profit“ - dans nos processus de sélection de nos fournisseurs et nous favorisons les matières premières - plastiques, acier - et composants à faible teneur carbone et respectueux de l’environnement dans leur ensemble. Nous avons par exemple entériné des partenariats stratégiques avec des fournisseurs d’acier bas carbone pour sécuriser nos approvisionnements en la matière. Et plus globalement, nous faisons de la veille pour savoir ce qui se fait en matière de durabilité et à quel prix », décrit Sébastien Blain.
La division a également pour ambition d’augmenter la part des énergies renouvelables à 20 % d’ici 2030. Certains sites de LISI Automotive ont installé des panneaux photovoltaïques pour produire leur propre électricité. Des investissements supportés notamment par … les Achats. Preuve que, chez LISI Automotive, la fonction est bien sur tous les fronts.
Les marges dans notre industrie sont fines et nous ne pouvons être les seuls à absorber les surcoûts de solutions novatrices et vertueuses proposées par certains fournisseurs. L’ensemble de la chaîne doit suivre
Toutefois, le coût de la décarbonation pour la division n’est pas neutre. Sébastien Blain l’assure : LISI Automotive est prêt à absorber des surcoûts, mais les grands donneurs d’ordre doivent suivre. « Nous voulons apporter notre pierre à l’édifice. Mais nous devons avoir une approche économique pérenne. Les marges dans notre industrie sont fines et nous ne pouvons donc être les seuls à absorber les surcoûts de solutions novatrices et vertueuses proposées par certains fournisseurs. L’ensemble de la chaîne doit suivre, d’autant que nous sortons à peine d’une période de très forte inflation ».