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Pour évaluer la maturité RSE de ses fournisseurs, Le Cèdre se tourne vers Zei

Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha

Plutôt que de se tourner vers EcoVadis pour évaluer la performance RSE de ses fournisseurs, Le Cèdre a préféré contractualiser avec Zei, qui propose une plateforme Saas permettant aux entreprises d’évaluer et de piloter leurs démarches en matière de RSE. Grâce à cet outil, les fournisseurs du groupement pourront établir des plans d’actions robustes sur la base d’indicateurs alignés avec les référentiels de leur choix

Louis de Lamaestre - © D.R.
Louis de Lamaestre - © D.R.

Fondé en 1998 par Gilles Chevallier - toujours président à cette date - à Paray-Le-Monial, en Saône-et-Loire, Le Cèdre s’est fait une place de choix dans le paysage des centrales et groupements d’achats français. Alors qu’à l’origine Le Cèdre s’attachait à mutualiser les achats de divers édifices et établissements religieux (églises, diocèses, paroisses, écoles, communautés religieuses), le groupement d’achats compte désormais parmi ses adhérents des associations comme Emmaüs Europe, la Fondation Abbé Pierre, des campings et villages vacances et de nombreuses PME.

Le Cèdre a su gagner la confiance d’un peu plus de 11 000 adhérents, dont plus de la moitié proviennent encore du monde chrétien et référence 380 fournisseurs. Comme beaucoup de groupements d’achats, Le Cèdre se pose sur le cycle Source-to-contract, référençant des fournisseurs, négociant des prix et laissant ensuite ses adhérents passer leurs commandes. Le groupement assure avoir géré, en 2022, quelque 500 millions d’euros d’achats répartis sur 100 catégories différentes (informatique, télécoms, énergie, restauration …) pour le compte de ses adhérents, générant comme cela un peu plus de 550 millions d’euros de chiffre d’affaires sur l’année écoulée.

Un nouveau statut à assumer 

Devenu entreprise à mission en 2020, Le Cèdre, qui emploie un peu plus de 200 personnes, dit vouloir favoriser une économie soucieuse du bien commun, respectueuse de l’Homme et de la planète, à même d’occasionner entre les acteurs économiques « des relations commerciales solidaires et équitables, empreintes de gratuité », dixit Louis de Lamaestre, directeur des marchés chez Le Cèdre. Il est à la tête d’un département de 60 personnes réparties sur des fonctions de responsables de marché, d’assistants de marchés, de consultants, établis en territoire, au plus près des adhérents pour les aider sur des sujets où l’expression du besoin est extrêmement importante ainsi que des chargés de suivi, qui veillent à la bonne application des consultations menées de façon spécifique pour certains des adhérents du groupement.

À nos yeux, l’acte d’achat n’est pas qu’un acte économique, c’est aussi un acte moral

Ainsi, le groupement s’engage sur plusieurs fronts : proposer à ses adhérents des solutions d’achats plus responsables ; prendre soin des relations commerciales qu’il entretient avec ses tiers (adhérents et fournisseurs) et développer avec eux des relations justes et vraies. « À nos yeux, l’acte d’achat n’est pas qu’un acte économique, c’est aussi un acte moral. Toutes nos actions sont guidées pour répondre à ces trois engagements ; l’élément structurant de notre grille étant de proposer à nos adhérents des alternatives pour des consommations achats plus responsables », décrit le directeur des marchés. 

Un outil de pilotage différent

En ce sens, Le Cèdre affiche de grandes ambitions, souhaitant purement et simplement développer une écologie dite « intégrale ». Mais sans ses fournisseurs référencés, impossible pour Le Cèdre d’y parvenir et de proposer des alternatives dignes de ce nom à ses adhérents. Afin de les éclairer sur des indicateurs extra-financiers, le groupement a souhaité s’appuyer sur une méthodologie bien établie et un outil performant. Et plutôt que de recourir à EcoVadis comme tout le monde, du moins comme beaucoup d’entreprises, pour évaluer la performance des fournisseurs qu’il référence et leur niveau de maturité, Le Cèdre a choisi une autre voie. En effet, le groupement d’achats a décidé en mai dernier de contractualiser avec Zei, un acteur qui monte doucement mais sûrement. Cette startup, sortie de terre à Marseille, propose une plateforme Saas permettant aux entreprises d’évaluer et de piloter leurs démarches en matière de RSE.

Contrairement à EcoVadis qui inscrit une note, Zei offre une lecture impartiale et objective qui permet d’apprécier un niveau de maturité. Nous sommes bien plus intéressés par cet élément que par une simple note

Et si Le Cèdre s’est tourné vers elle plutôt que vers le géant EcoVadis, pourtant presque omnipotent, c’est avant tout pour donner à ses fournisseurs l’opportunité de progresser et de construire des plans d’actions robustes sur la base d’indicateurs alignés avec les référentiels de leur choix. Les fournisseurs pourront en effet avec ce programme bénéficier d’une mission de conseil RSE totalement digitalisée. « Contrairement à EcoVadis qui inscrit une note, Zei offre une lecture impartiale et objective qui permet d’apprécier un niveau de maturité. Nous sommes bien plus intéressés par cet élément que par une simple note. La solution est de plus en mesure de balayer précisément toute typologie d’entreprise et de la jauger selon ses particularités et spécificités », explique Louis de Lamaestre. Pour ce dernier, il est d’ailleurs hors de question de laisser sur le carreau un quelconque fournisseur du fait de son niveau de maturité ; mieux vaut l’aider que l’abandonner sur le bas-côté. « Tous les niveaux de maturité sont acceptables. Nous voulons avant tout aider nos fournisseurs, les accompagner et les embarquer dans une démarche vertueuse, qui leur servira ».

La matrice pensée par Zei permet d’identifier précisément chaque enjeux et indicateurs de matérialité RSE d’une entreprise, mettant ainsi l’accent sur les axes de progression prioritaires. Son logiciel intègre une méthodologie qui tente d’épouser au mieux les contours de chaque entité, afin de la faire monter en compétences à travers un référentiel sur-mesure. Avec son algorithme, Zei assure être capable de définir avec précision tous les critères d’incidence pertinents, quel que soit le secteur d’activité, la taille ou le fonctionnement interne de l’entreprise diagnostiquée. 

Au moins 250 fournisseurs embarqués d’ici la rentrée

Ainsi, sur chacun de ses enjeux, l’entreprise peut évaluer ses progrès et s’imposer des objectifs selon son reporting. Une fois son diagnostic effectué, un tableau de bord viendra lui servir de rapport RSE, permettant ainsi de piloter à sa main sa stratégie et d’inscrire sa structure dans une démarche d’amélioration continue. La méthodologie se veut transparente et est reconnue par un comité d’experts. Elle est utilisée aujourd’hui par le Ministère de la transition Écologique, Bpifrance et de nombreux cabinets de conseil. Point notable : tous les référentiels et standards du marché sont disponibles sur la plateforme, permettant ainsi aux entreprises de collecter simplement ses données RSE et de les harmoniser entre les différents référentiels. Les KPI peuvent être donc alignés sur les ODD, les différentes normes ISO ou encore la CSRD et la SFDR. 

Zei est susceptible de servir nos fournisseurs dans leurs autres relations commerciales et leur évitera de faire plusieurs fois le travail

Une composante de taille pour Louis de Lamaestre, qui pense là encore aux intérêts des fournisseurs référencés par le groupement. « Zei est susceptible de servir nos fournisseurs dans leurs autres relations commerciales et leur évitera de faire plusieurs fois le travail ». Pour le moment, le groupement se concentre sur le 20/80. Un poc a été lancé pour vérifier la performance du programme et un peu plus d’une quarantaine de fournisseurs a déjà terminé le cycle d’enregistrement. Et les premiers retours recueillis par le Cèdre sont (très) positifs.

« Nos fournisseurs sont séduits. L’outil répond à leurs attentes et a été utilisé par certaines directions de développement durable d’organisations avec lesquelles nous travaillons », affirme Louis de Lamaestre. Les éléments renseignés par les fournisseurs sont récupérés et versés par Le Cèdre dans l’espace dédié à ses adhérents. À la rentrée, le groupement espère qu’il aura embarqué au moins 200 fournisseurs de plus. « Le processus se déroule bien et vite, nous devrions avoir embarqué la totalité de nos fournisseurs très rapidement », confirme le directeur des marchés. De son côté, Le Cèdre planche déjà sur son plan d’action, qu’il dévoilera ensuite à ses adhérents. « Cet outil permettra à tous les acteurs de notre écosystème d’avancer », assure Louis de Lamaestre.

Noel Bauza (fondateur de Zei) : « La logique de questionnaire descendant est dépassée »

Pouvez-vous présenter Zei ? 

Zei a été fondée il y a sept ans, avec une offre qui s’est constituée en 2019. Nous comptons une vingtaine de salariés, répartis entre Marseille et Paris. Zei une technologie qui automatise le métier du conseil en stratégie RSE, capable d’identifier, qu’importe l’entreprise, tous les impacts, enjeux et indicateurs RSE les plus pertinents, avec un niveau de précision 800 000 fois plus puissant que celui d’EcoVadis. Ce n’est pas un outil pensé pour scorer les entreprises, mais plutôt pour les accompagner. Nous leur permettons en effet de comprendre et d'évaluer leur impact, le piloter, le reporter et le communiquer auprès de leurs parties prenantes.

Quelle est votre surface commerciale ? 

Nous comptons à ce jour environ 4 600 entreprises utilisatrices de notre outil, de toute taille, de tous les secteurs d’activités. Beaucoup d’entreprises qui recourent à Zei sont sensibles aux sujets environnementaux et sociaux, mais ne savent pas par où commencer. Certaines petites entreprises nous utilisent donc pour amorcer leurs démarches RSE. Dès leur inscription, nous sommes en mesure de leur identifier les bons indicateurs, les bons impacts, avec un énorme niveau de précision.

Les grands comptes utilisent le plus souvent Zei pour piloter leur RSE au même endroit. Si nous comptons notre propre méthodologie, nous leur proposons un catalogue sur lequel ils peuvent ajouter leur bilan carbone, retrouver les référentiels EcoVadis, CSRD, ceux de différents labels et normes ISO. Cela permet de centraliser le tout et de gagner un temps non négligeable. Il existe également dans Zei des outils de pilotage, de progression et de consolidation, avec un catalogue réunissant une centaine de prestataires, permettant ainsi à un groupe d’inviter ses filiales ou aux Achats d’y inviter leurs fournisseurs par exemple. Cela permet de suivre au jour le jour, avec une vision très fine, les données consolidées sur une même plateforme.

Les Achats sont-ils vos principaux interlocuteurs ? 

La cible historique et la plus récurrente sont bien sûr les responsables RSE. Mais, ces derniers temps, nous sommes de plus en plus en lien avec des directeurs communication et commerciaux, qui font face à des demandes d’information des salariés pour les premiers ou de leurs clients pour les deuxièmes. Les Achats nous sollicitent également de plus en plus. EcoVadis n’est plus suffisant pour répondre aux aspirations des entreprises. EcoVadis est toutefois encore très performant et pertinent pour assurer aux entreprises que, dans leur chaîne d’approvisionnement, aucun de leurs fournisseurs ne sorte pas de la trajectoire fixée. Mais la conformité règlementaire RSE n’est plus le seul leitmotiv des entreprises, la prise de conscience sociétale de certaines est très forte. La pression s’est accrue sur les grands comptes, qui ne veulent plus et ne peuvent plus faire uniquement le minimum. Ils veulent une donnée extrêmement fine et précise sur l’impact des fournisseurs, non plus un simple score, mais aussi une intensité carbone, la quantité d’eau nécessaire pour fabriquer tel ou tel produit … La logique de questionnaire descendant pour elles est dépassée, d’autant que le scope 3 représente pour beaucoup d’entreprises la majorité de leur bilan carbone. Elles veulent donc accompagner leurs fournisseurs pour le limiter et, par ricochet, améliorer leur scope 3. Les acheteurs, en plus de compléter EcoVadis, veulent un outil qui s’adapte à chacun de leurs fournisseurs, pour leur permettre de se transformer et s’améliorer. 

Au-delà du scoring, quelles sont vos différences avec EcoVadis ? 

Nous nous distinguons sur trois aspects : la précision du référentiel généré ; notre méthodologie, accessible en toute transparence, qui prend en compte la taille de l’entreprise, le secteur, les spécificités sectorielles l’activité, la durabilité des produits, services, du business model et, enfin, la communication du résultat, avec une data qui elle aussi est complètement transparente. Nous pouvons générer 665 millions de référentiels différents, avec une pondération des enjeux qui touche en priorité les produits, services et business model, quand EcoVadis peut générer 670 résultats différents, autour de 130 activités et quatre tailles d’entreprises différentes. 

Nous proposons le détail de tous les critères et indicateurs pris en compte, de leur pondération, des impacts, des forces et des faiblesses, ce qui n’est pas le cas des outils qui proposent un scoring. Les fournisseurs sont accompagnés dans leur propre démarche RSE, sans payer, avec l’équivalent d’une mission de conseil de 10 à 20 jours Homme dès qu’ils rejoignent l’écosystème de leur donneur d’ordre. Ce programme d’accompagnement est une démarche incitative et est bénéfique pour les fournisseurs. Nous leur identifions les bons enjeux, manifestons les points sur lesquels ils doivent se concentrer, les pondérons et les traduisons en indicateurs. En établissant un diagnostic pour comprendre leurs marges de progression, ils peuvent mettre en place des plans d’action appropriés.

Quels ont été vos axes de développement ?

Assurément l’harmonisation des référentiels, avec la donnée EcoVadis et d’autres qui ruissellent. Nous allons continuer de développer de nouveaux référentiels et travaillons pour intégrer prochainement de l’IA grâce à l’aide de Microsoft. Cela se fera à trois niveaux : reconnaissance de la donnée sur un rapport PDF pour compléter les données automatiquement dans Zei ; dans la génération de plans d’actions automatisées ; et dans la génération automatique de rapports déjà remplis. Nous voulons également faire de Zei un outil à destination des auditeurs. Tout cela pourrait s’accompagner d’une levée de fonds en fin d’année