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Sodiaal : « La compétitivité et l’innovation sont deux leviers indissociables »

Par Guillaume Trecan | Le | Direction ha

Le directeur achats du groupe Sodiaal, Yasser Balawi, adapte sa recherche de performance à la responsabilité du groupe sur la filière laitière française combinée à un rôle d’industriel agroalimentaire. Trois ans après la création d’une direction achats unifiée, il doit également gérer un très fort degré d’exposition à la hausse des matières premières.

Sodiaal : « La compétitivité et l’innovation sont deux leviers indissociables »
Sodiaal : « La compétitivité et l’innovation sont deux leviers indissociables »

Qu’y a-t-il de spécifique à diriger la fonction achats d’un groupe coopératif ?

Les actionnaires de Sodiaal sont effectivement les 20 000 producteurs laitiers adhérents à la coopérative ce qui confère au groupe une vision à long terme de ses investissements. La deuxième particularité de Sodiaal tient à son rôle d’architecte de la filière laitière en France et en Europe. Nous collectons 15 à 20 % du lait produit en France et nous sommes présents sur 72 départements. Enfin, nous combinons avec cet ancrage sur l’amont, des activités industrielles de transformation et de valorisation, à travers des marques renommées, derrière les activités de Yoplait (Perle de lait, Yop, Petit Filou…), Candia (Candy’up, Grand lait…), Sodiaal fromage (Entremont, Monts et terroir…) et des activités de transformation de lait BtoB.

Les achats de Sodiaal représentent 924 millions d’euros, qui sont désormais consolidés avec les 269 millions d’euros d’achats de Yoplait

Comment les Achats se positionnent-ils par rapport à la très grande variété de ces activités ?

En 2018, une direction unifiée des achats a été créée, dans laquelle sont regroupés l’ensemble des acheteurs autrefois répartis dans les business. Un catégorie management réparti en cinq pôles d’expertise multi-business a été créé : packaging, ingrédients, supply chain, énergie et indirects. Nous couvrons tous les achats externes, à l’exception du lait. Les achats de Sodiaal représentent 924 millions d’euros, qui sont désormais consolidés avec les 269 millions d’euros d’achats de Yoplait.

Qu’est ce qui a motivé cette réorganisation ?

La structuration et la réorganisation de la fonction s’est imposée dans le cadre du plan @Value 2017-2021, qui prévoyait 150 millions d’euros de performance globale sur cinq ans, dont 80 millions d’euros sur les achats. En centralisant les Achats, la direction générale avait trois attentes : gains, performance opérationnelle, harmonisation des politiques et process achats.

Quelle est à présent la suite de ce plan de performance ?

Nous sommes dans une démarche continue de performance achats et nous avons défini un plan articulé sur quatre axes : compétitivité, achats responsables, innovation et efficacité opérationnelle à travers la digitalisation. Nous travaillons sur cinq enjeux stratégiques : accélérer sur la compétitivité et l’innovation, qui sont deux leviers indissociables ; répondre aux enjeux de la transition écologique et climatique ; digitaliser les processus achat ; gagner en résilience et robustesse via la relocalisation des approvisionnements ; et renforcer nos partenariats stratégiques avec les acteurs majeurs et les startups.

Travailler sur la demande, sur l’offre produit et sur l’innovation est le meilleur moyen de sortir par le haut de ce contexte inflationniste

Quels leviers de compétitivité privilégiez-vous, maintenant que la premier volet massification 2017-2021 est passé ?

Le premier est la réduction de la complexité, notamment en termes de nombre de fournisseurs. Notre objectif est de passer de 25 000 à 5 000 fournisseurs en 2025. Le deuxième est l’amélioration du taux de couverture, que nous ambitionnons de passer de 57 % aujourd’hui à 81 % en 2025. La recherche de compétitivité passe également par l’analyse de la valeur, le design to value et le design to cost, mais surtout l’innovation. Travailler sur la demande, sur l’offre produit et sur l’innovation est le meilleur moyen de sortir par le haut de ce contexte inflationniste.

Les équipes achats ont pour objectif de faire en sorte que 5 à 10 % du chiffre d’affaires de Sodiaal soient réalisés avec des innovations fournisseurs

Comment pilotez-vous ces objectifs d’innovation fournisseurs ?

Les équipes achats ont pour objectif de faire en sorte que 5 à 10 % du chiffre d’affaires de Sodiaal soient réalisés avec des innovations fournisseurs. Nous adoptons pour cela une communication proactive avec l’ensemble de nos fournisseurs sur nos attentes en termes d’innovation. Nous organisons également des Inno Days, deux à trois fois par an sur chaque catégorie. Sur un modèle Speed Dating, des fournisseurs que nous avons qualifiés, briefés et avec qui nous avons signé au préalable des accords de confidentialité, viennent présenter leurs projets sur un sujet précis devant le comité de direction et la cellule innovation. Certaines de leurs propositions sont devenues des produits sur le marché, comme la brique de lait éco-conçu sans aluminium lancée par Candia.

Avec dans vos trois principales familles d’achats les emballages, la logistique et les ingrédients, vous êtes très exposés à l’inflation. Comment gérez-vous cette question ?

Nous avons beaucoup investi dans le développement de l’intelligence marchés pour comprendre et anticiper les dynamiques des commodités. Une personne dans mon équipe est chargée de ce sujet à plein temps. Nous avons mis en place un tableau de bord avec un reporting quotidien, hebdomadaire ou mensuel suivant les commodités. Ce tableau de bord est enrichi grâce à des abonnements à différentes sources (Reuters, Platt’s, Mintec…) et intègre une multitude de facteurs, allant du niveau de stock de gaz, à la disponibilité du nucléaire et jusqu’aux prévisions de températures en France. Sur l’énergie et les emballages, nous communiquons ces informations chaque semaine avec le comex.

Nous avons un objectif très clair : 95 % de nos approvisionnements doivent être européens

Comment abordez-vous cet autre levier d’atténuation des risques qu’est la relocalisation ?

Nous avons un objectif très clair : 95 % de nos approvisionnements doivent être européens. Nous avons commencé à établir un mapping de nos risques. Notre approche est pragmatique. Il est possible d’avoir une connaissance claire au niveau des fournisseurs de rang 1, au-delà, cela devient extrêmement compliqué. En outre, tout n’est pas relocalisable. Nous devons choisir nos combats. Aujourd’hui 90 à 95 % de nos produits relocalisables sont relocalisés. Nous pouvons par exemple encore travailler sur nos polymères qui viennent des États-Unis, ou encore sur l’aluminium qui vient à plus de 50 % de Russie.

Nous travaillons maintenant au core modèle d’une suite source-to-pay que nous devrions déployer d’ici à 2023 en commençant par l’e-sourcing

Quelle est votre feuille de route SI achat ?

Nous avons commencé par implémenter SpendHQ (Per Angusta) pour suivre les projets de productivité achats partagés avec les métiers. Nous travaillons maintenant au core modèle d’une suite source-to-pay que nous devrions déployer d’ici à 2023 en commençant par l’e-sourcing, puis l’e-procurement. Nous avons pour ambition de faire évoluer en priorité les achats indirects dans un environnement user-friendly.

Comment intégrez-vous le développement durable dans vos objectifs ?

La transition écologique est pour nous un sujet majeur. C’est à la fois notre permis d’opérer et une clef de succès. Les Achats seront responsables ou coupables du déclin de leur fonction. Nous devons en particulier nous mettre en conformité avec la loi énergie-climat qui impose à l’Europe d'être neutre en carbone en 2050, la loi Agec et la directive européenne Single Use Plastic qui impose aux industriels la fin des emballages à usage unique en 2040. Dès 2025, Sodiaal devra avoir réduit de 25 % le taux d’utilisation du plastique dans ses emballages. En ce qui concerne nos émissions de CO2, elles devront avoir été réduites de 55 % en 2030 par rapport à 1990.

Plus globalement, notre approche achats responsables se décline à travers le pilotage des catégories d’achats et des relations fournisseurs sur cinq flux pour lesquels nous avons défini des feuilles de route : ingrédients, emballages, tertiaire, logistique et énergie. Nous devons également incarner les achats responsables dans notre attitude, c’est pourquoi nous avons lancé une démarche de labellisation pour obtenir le label RFAR avant la fin de l’année. L’ensemble des acheteurs et responsables achats Sodiaal-Yoplait ont un objectif de RSE individuel dans leurs primes sur objectif.