Club managers achats : mieux piloter ses prestations intellectuelles pour gagner en performance
Face à la complexité et aux enjeux stratégiques des prestations intellectuelles, les entreprises doivent mieux structurer leurs achats pour maîtriser les coûts, sécuriser les relations et attirer les talents rares dans un marché tendu et (très) concurrentiel. C’est ce qu’il est ressorti des échanges du Club des managers achats de rentrée. Compte-rendu, non exhaustif bien sûr.

Mettre sous contrôle ses achats de prestations intellectuelles est devenu un véritable enjeu stratégique. Et comme pour toute famille d’achats dite stratégique, piloter ses achats de prestations intellectuelles permet non seulement de réduire les coûts, mais aussi d’améliorer la qualité des missions et de renforcer la relation avec les prestataires. Les prestations intellectuelles (conseil, honoraires, formation, ingénierie, études, IT, RH, marketing et communication…) représentent une part importante des dépenses des entreprises. Mais ces achats sont souvent complexes à piloter, en raison de la diversité des acteurs sur le marché, du fort niveau d’expertise auquel l’entreprise fait face, des difficultés à comparer les offres et des risques de dépassements budgétaires … Mettre sous contrôle ces achats, c’est améliorer la qualité des services, sécuriser les relations avec les prestataires et optimiser les coûts. La clé réside d’ailleurs souvent dans une meilleure définition des besoins, une gouvernance claire et des outils de suivi adaptés.
Structurer le marché fournisseur ; standardiser les processus - via la mise en place des contrats types, des grilles tarifaires et des règles de sélection, le suivi de la valeur créée et la création d’indicateurs de qualité, respect des délais … - ; et collaborer avec les métiers est absolument essentiel. Pour répondre à tous les besoins comme il se doit et satisfaire les enjeux qui entourent ces dépenses, les Achats doivent jongler entre plusieurs impératifs ; et ce d’autant plus que malgré des projets séduisants, les donneurs d’ordres endurent de grandes difficultés au moment de définir précisément le besoin et de recruter les bons sachants. Ceci quelles que soient les compétences et profils recherchés, ou presque. Les Achats n’ont donc pas d’autre choix que de chercher les compétences là où elles sont et de « se calquer » au marché. Les entreprises semblent désormais presque dans l’obligation d’accepter des prix plus élevés sur les profils rares, car ce qui est rare est cher. Entre l’inflation et les pénuries de talents, il est difficile de nager dans ces eaux troubles …
Le freelancing, marché premier ?
Le plus important, ce n’est pas de chercher du prix, mais de chercher à faire autrement pour trouver la ressource. Ce qui est compliqué aujourd’hui, c’est de trouver le bon talent pour répondre aux besoins
« Le plus important, ce n’est pas de chercher du prix, mais de chercher à faire autrement pour trouver la ressource. Ce qui est compliqué aujourd’hui, c’est de trouver le bon talent pour répondre aux besoins », estime l’une des invités, responsable achats. Techniciens de maintenance, opérateurs de productions, experts en cybersécurité, en informatique, cloud et autres développeurs sont pour souvent les profils les plus demandés. « Les métiers industriels et techniques sont globalement sous tension et ont perdu leurs lettres de noblesse », expose de son côté une autre. « L’IA, le cloud, la cybersécurité figurent parmi les typologies de prestations les plus demandées. Mais ce ne sont pas des métiers où les compétences sont nombreuses, car les formateurs ne sont pas légion. Les sachants préfèrent mettre leur talent sur le marché et cela se comprend », poursuit de son côté François Tourette, fondateur du Brapi et invité du club.
Dès lors, les talents préfèrent le freelancing. Les bons profils et les bonnes compétences ne sont plus la propriété exclusive des SSII.
Néanmoins, le marché s’est tendu, marqué par un recul important de la demande. Les budgets d’achats de prestations intellectuelles sont globalement stables, voire en baisse. Et dans ce ce contexte, la concurrence est féroce, d’une part entre ESN et plateformes d’intermédiation et, d’autre part, entre les sociétés d’intermédiation elles-mêmes, qui se livrent à une course à la remise en rognant sur leurs pourcentages de marge. Derrière, les TJM, qui avaient atteint des sommets, se stabilisent et baissent même dans certains cas. Une tendance qui épargne toutefois les profils d’experts et de seniors qui restent rares et très prisés.
De leurs côtés, pour attirer dans leurs rangs les meilleurs prestataires, les donneurs d’ordre tentent le plus souvent de faire valoir l’intérêt de la mission, l’image de marque, le volume … mais beaucoup veillent derrière à ce qu’ils ne s’installent trop longtemps dans les rangs de l’entreprise. Et il en va aussi de l’intérêt de leur entreprise.
Il faut éviter de s’exposer et d’exposer l’entreprise à des risques de requalification et donc à payer des cotisations sociales supplémentaires, à assumer des responsabilités liées à un contrat de travail non déclaré
Si le recours à des prestataires externes est une pratique nécessaire pour les entreprises, la question de la sécurisation de la prestation se pose également (et fortement), notamment du point de vue juridique. Un donneur d’ordre ne peut pourvoir un poste qui réclame une occupation à plein temps par un salarié en faisant appel systématiquement à des freelances ou une société externe. Une telle pratique est en effet interdite par la loi car elle vise à contourner l’application de la législation sociale. Bien que les risques restent minimes pour les entreprises respectant les conditions légales des recours aux freelances, le travail dissimulé constitue un délit pénal. « Il faut éviter de s’exposer et d’exposer l’entreprise à des risques de requalification et donc à payer des cotisations sociales supplémentaires, à assumer des responsabilités liées à un contrat de travail non déclaré », avance l’une des convives. À cela s’ajoute un autre risque, et pas des moindres : celui de la dépendance économique.
De fait, les entreprises intègrent de plus en plus la possibilité de faire appel à ces profils via du portage salarial et des plateformes d’intermédiation. Certains disent recourir à des plateformes généralistes, d’autres choisissent des plateformes spécialisées ou en sélectionnent même plusieurs.
Des dépenses parfois mal maîtrisées
Mais en globalité, autour de la table, nombre d’invités indiquent ne pas avoir (ou ne pas avoir eu durant un long moment) d’outils informatiques ou méthodologiques solides pour mettre sous contrôle leurs achats de prestations intellectuelles. Les trous dans la raquette peuvent être courants, d’ailleurs, certains avouent que les prestations de ce type sont trop souvent « mal achetées », car totalement pilotées par les métiers, sans que les Achats ne soient sollicités durant le processus. Quels outils permettent de mieux suivre la performance des prestataires ? Comment instaurer un équilibre entre maîtrise des coûts et qualité de service ? Faut-il privilégier la centralisation ? Quelles bonnes pratiques adopter pour professionnaliser la relation avec les prestataires ? Les interrogations sont nombreuses.