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Le plan national des achats durables, nouveau porte drapeau de la commande publique

Par Mehdi Arhab | Le | Éthique et conformité

La troisième édition du plan national des achats durables (PNAD) période 2022-2025, annoncée le 15 mars dernier, fixe les objectifs à atteindre et actions à mener d’une politique achats responsables. S’il cible bien entendu la commande publique, le PNAD, dont le qualificatif « publics » n’apparaît plus après « achats », espère embarquer dans son sillage davantage d’acteurs du secteur privé. Une gouvernance, au sein de laquelle participent l’Ugap et le Resah, a été mise en place.

Le plan national des achats durables, nouveau porte drapeau de la commande publique
Le plan national des achats durables, nouveau porte drapeau de la commande publique

Le nouveau PNAD se fonde sur deux grandes ambitions, déclinées en 22 actions : 100 % des contrats de la commande publique devront adresser au minimum une clause environnementale, tandis que 30 % devront inclure au moins une considération sociale à horizon 2025. Cette feuille de route opérationnelle, signée par huit ministres et le haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises, vise à soutenir et guider les acheteurs dans le déploiement d’une politique achat socialement et écologiquement responsable. Construit sous la direction du commissaire général au développement durable (CGDD), le PNAD se veut plus pertinent et audacieux que les plans précédents, jugés peu convaincants.

« Ce nouveau plan national des achats durables est un guide pratique sur la façon dont les acheteurs peuvent atteindre les objectifs ambitieux de la loi Climat et résilience », affirme Lionel Ferraris, directeur des politiques publiques et du pilotage de l’Ugap. Des groupes de travail animés par le CGDD, réunissant notamment les services de l’État, les collectivités territoriales, le secteur hospitalier et des réseaux d’acheteurs, s’étaient réunis dès l’année 2020 afin de définir les axes prioritaires du document, en lien, entre autres, avec les obligations établies par la loi Climat et résilience pour 2026. Une gouvernance de haut niveau a par ailleurs été instituée sous le pilotage du CGDD, au sein de laquelle interviennent notamment deux centrales d’achats publiques labellisées Relations fournisseurs et achats responsables, l’Ugap et le Resah.   

Lionel Ferraris, directeur des politiques publiques et du pilotage de l’Ugap - © D.R.
Lionel Ferraris, directeur des politiques publiques et du pilotage de l’Ugap - © D.R.

la part des acheteurs publics français insérant une clause environnementale ou sociale était inférieure à 50 %. Il fallait un électrochoc

                                                                                                                                           

Mieux intégrer les objectifs de développement durable

Ce plan doit tout d’abord permettre une meilleure prise en considération des objectifs de développement durable par les acheteurs publics. « Même si la tendance était haussière, la part des acheteurs publics français insérant une clause environnementale ou sociale était inférieure à 50 %. Il fallait un électrochoc », explique Lionel Ferraris. Divers leviers ont dès lors été déterminés dans le cadre du PNAD afin de mettre en œuvre cette stratégie nationale ; pêle-mêle : la performance en matière de protection de l’environnement et de la biodiversité, les économies d’énergie, la réduction des émissions de gaz à effet de serre ou encore la valorisation des déchets pour ce qui est de l’axe considération environnementale.

Concernant la dimension sociale, le PNAD évoque la lutte contre les discriminations, l’insertion des personnes éloignées de l’emploi (en situation de handicap ou en réinsertion), ainsi que la formation des salariés et la performance dans leur protection. « Cela fait partie de la démarche RSE que de soutenir l’économie locale, participer à l’éclosion de l’économie circulaire et travailler avec des fournisseurs et réseaux d’insertion », commente Guilhem Biancarelli, directeur du développement du Resah. « La volonté de rehausser à très haut niveau l’engagement de tous les acheteurs publics dans l’achat responsable est visible », se félicite de son côté Lionel Ferraris, qui rappelle par ailleurs que 70 % des marchés animés par l’Ugap comportent au moins une clause sociale ou environnementale.

Guilhem Biancarelli, directeur du développement du Resah - © D.R.
Guilhem Biancarelli, directeur du développement du Resah - © D.R.

80 % de nos marchés en cumulé sont désormais couverts par une clause environnementale ou sociale

                                                                Le Resah a également entrepris un projet robuste en matière d’achats responsables, redéfinissant, à l’instar de l’Ugap, son plan stratégique. Des changements organisationnels importants ont ainsi été opérés, lesquels ont permis une meilleure maîtrise des process. « Nous avons fait le choix de recourir à un Spaser, Schéma de Promotion des achats socialement et écologiquement responsables, afin de décliner notre politique avec des objectifs plus précis. Par la suite, nous avons défini un nouveau plan d’action qui nous a permis d’agir significativement et de progresser grandement : 80 % de nos marchés en cumulé sont désormais couverts par une clause environnementale ou sociale », développe Guilhem Biancarelli.

Un accompagnement et un partage des bonnes pratiques 

Le PNAD souligne également l’importance de la formation et d’une sensibilisation de tous les instants des « décideurs publics et privés » ; cela pour mieux leur faire apprécier les solutions consacrées. Le plan entend les impliquer et les former aux enjeux d’une politique achats durables. Ainsi, ils pourront mieux définir et adresser des clauses sociales et environnementales, ainsi qu’identifier une offre satisfaisant leurs exigences, en recensant et en valorisant également les KPI existants.

Loin d’être contraignant, le PNAD a été avant tout pensé pour accompagner les acheteurs autant que faire se peut dans leur fonction et les pourvoir en outils efficients. Pour ce faire, deux plateformes numériques leur sont proposées, dont l’une d’elles est Rapidd, le Réseau des administrations publiques intégrant le développement durable, qui permet le partage de bonnes pratiques (Spaser, plans, chartes, label …) et des échanges entre acteurs. La deuxième n’est autre que le marché de l’inclusion, qui vocation à faciliter la mise en relation entre acheteurs et établissements et services d’aide par le travail (Esat) et entreprises adaptées (EA)

Ce plan pousse à renforcer l’intelligence collective. L’objectif étant de mutualiser certains efforts et disséminer toutes les bonnes pratiques.

« Ce plan pousse à renforcer l’intelligence collective. La question de l’achat responsable est vectrice de performance. L’objectif étant de mutualiser certains efforts et disséminer toutes les bonnes pratiques. Nous avons nous même renforcé notre animation sur les questions achats responsables. Cela nous a permis d’ailleurs de renforcer le lien avec nos adhérents », soutient Guilhem Biancarelli.

Un ambassadeur bientôt nommé

Des « facilitateurs sociaux et environnementaux » ont également vu le jour. L’objectif étant toujours d’aider ces acheteurs dans leurs marchés (sourcing, rédaction du marché et suivi). Les facilitateurs ont notamment été imaginés avec Alliance Ville Emploi, organisme national associatif avec lequel opère déjà le Resah. « Nous nous sommes attachés à travailler avec des réseaux d’insertion tels que Alliance Villes Emploi ou encore des entreprises du secteur adapté. Il était important de couvrir tout le spectre de la responsabilité sociétale des entreprises », confirme Guilhem Biancarelli.

L’axe 2 du PNAD, afférent à la partie animation, promotion et suivi sera de la responsabilité d’un futur ambassadeur des achats durables, dont la mission sera d’incarner la politique achats durables. Son identité n’est pas encore connue. Celui-ci devra avoir une excellente connaissance des collectivités locales, ainsi qu’une solide expérience dans le monde des achats pour incarner au mieux le PNAD.

Le Resah en bref

Porté par un élan de croissance à deux chiffres, le Resah est un groupement d’intérêt public, qui a géré 1,8 milliard d’euros d’achats en 2021. Cette structure, qui compte 160 collaborateurs et dont le montant d’achats 2022 s’établira à 2 milliards d’euros, s’attèle à réaliser des achats caractéristiques au monde hospitalier (IRM, scanners, dispositifs médicaux complets). Le Resah avait signé la charte Relations fournisseurs et achats responsables en novembre 2020 et est désormais labéllisé depuis la fin d’année écoulée. 

 

L’Ugap en bref

Centrale d’achat publique généraliste, l’Ugap couvre trois secteurs : les collectivités, l’État et le monde de la santé. Si son activité ne couvre pas l’alimentaire, l’armement, le BTP ou les médicaments, l’Ugap opère entre autres des achats de mobilité, d’informatique, de produits d’entretien et des prestations de services. La centrale d’achat ne propose pas de système d’abonnement et ne compte de fait aucun adhérent, mais tout acheteur public peut s’adresser à son endroit. Elle anime par ailleurs 3200 marchés et comptabilise cinq milliards d’euros de commandes enregistrées. Cet établissement emploie une vingtaine de juristes ainsi que près de soixante acheteurs. Labéllisée RFAR depuis 2013, l’Ugap fut l’un des premiers établissements à s’engager dans une démarche achats responsables.