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Défaillances d’entreprises dans le monde : destins contraires pour la Chine et les États-Unis


Dans de nombreux pays, les défaillances d’entreprises se sont accélérées, aussi bien en Europe, dans les Amériques et en Asie. La Chine, elle, résiste, les États-Unis, l’Inde ou encore l’Allemagne souffrent. Les causes avancées par Altares dans une étude dévoilée récemment sont nombreuses.

Défaillances d’entreprises dans le monde : destins contraires pour la Chine et les États-Unis
Défaillances d’entreprises dans le monde : destins contraires pour la Chine et les États-Unis

Il était évident que la parenthèse enchantée n’allait pas durer. Après s’être maintenues à flot, les entreprises sont désormais confrontées à une nouvelle réalité et elles sont de fait plus vulnérables financièrement. La demande s’est largement affaiblie, les conditions monétaires sont particulièrement tendues et le soutien des gouvernements à travers le monde, extrêmement important en temps de pandémie, s’est largement estompé. Avec le retrait du soutien politique et la hausse des taux d’intérêt, la correction attendue avait commencé en 2023 déjà, avant de s’accélérer violemment en 2024. Les faillites d’entreprises ont d’ailleurs atteint leur plus haut niveau depuis plus d’une décennie. Pas moins de 65 % des économies suivies par Dun & Bradstreet ont fait face à une augmentation des défaillances d’entreprises - contre 53 % en 2019.

Le paysage commercial mondial, encore marqué par la pandémie et ses effets, s’adapte encore aux perturbations ici et là. Il subit depuis quelques mois de nombreux vents contraires, changements radicaux et défis structurels extrêmement importants. Mais in fine, la hausse des faillites n’a pas été soudaine. Elle était attendue, mais ce n’est pas pour autant que le phénomène est uniforme à travers les régions. La tendance est le fruit des tensions financières prolongées et plus ou moins marquées selon où l’on se trouve sur le globe. L’économie mondiale subit aujourd’hui les contrecoups de l’inflation, la hausse de taux d’intérêt et la restructuration des chaînes d’approvisionnement - chacun de ces facteurs ayant joué un rôle fondamental dans l’évolution des tendances en matière d’insolvabilité observées tout au long de l’année. Et selon Dun & Bradstreet, il est fort probable que les difficultés de refinancement s’intensifient encore en 2025, en particulier lorsqu’il sera question des dettes d’entreprises les moins bien notées arrivant à échéance. Du fait de la conjoncture, les prêteurs devraient rester extrêmement prudents. Les entreprises dont la dette est élevée et les bénéfices faibles auront vraisemblablement beaucoup de difficultés à obtenir de nouveaux financements, ce qui augmentera les risques de défaillance.

Des économies entières mises à mal

Entre 2023 et 2024, les pics les plus importants de faillites ont été observés en Ukraine (126 %), à Singapour (40 %), au Belarus (39 %), en Australie (37 %), au Canada (35 %), en Roumanie (35 %) et aux Pays-Bas (30 %). Les baisses les plus importantes ont été de leur côté observées en Grèce (-48 %), en Colombie (-43 %), en Chine (-31 %) et en Russie (-26 %). Dans près d’une douzaine des 47 pays étudiés, le nombre de faillites d’entreprises enregistré en 2024 a été le plus élevé depuis cinq ans (Canada, France, Pologne, Suède, États-Unis …).

En Asie Pacifique, les faillites d’entreprise, importantes en 2024, devraient se stabiliser en 2025. La poursuite des mesures d’assouplissement de la PBoC (banque centrale chinoise) devrait permettre de contenir les faillites d’entreprises en Chine continentale. En 2024, les faillites d’entreprises dans le pays ont baissé significativement (- 31 % comme indiqué plus haut - 6 901 sur l’année), en contraste total avec l’augmentation des insolvabilités dans d’autres économies majeures de la région. La PBoC a notamment injecté environ 70 milliards de dollars sur les marchés monétaires afin d’atténuer les tensions sur les liquidités et d’encourager les prêts.

En revanche, l’Australie et le Japon, après avoir enregistré de nombreuses défaillances, pourraient de leur côté en enregistrer encore d’importantes en raison de la persistance de taux d’intérêt élevés. L’Inde a elle aussi connu des difficultés, enregistrant une hausse des défaillances de près de 18 % sur l’année 2024. Dun & Bradstreet avance que le durcissement de certaines normes macroprudentielles de prêt par la Reserve Bank of India (RBI) a été un facteur important contribuant à l’augmentation des faillites d’entreprise sur le territoire.

Les secteurs technologiques à Taïwan et en Corée du Sud pourraient bénéficier d’un répit bienvenu grâce à la demande mondiale soutenue de puces électroniques. Mais les entreprises de la région souffrent d’un endettement préoccupant et la conjoncture ne devrait pas leur permettre de retrouver un peu d’oxygène. Mais dans l’ensemble, l’Asie Pacifique semble mieux positionnée que d’autres régions du monde. Les perspectives pour 2025 ne sont pas les plus mauvaises ; certaines économies parvenant pour le moment à se stabiliser tandis que d’autres continuent de subir des tensions dans des secteurs clés.

L’Europe de l’Est et l’Asie centrale ont de leur côté fait face à une augmentation globale de 5,9 % des faillites en 2024 vs à 2023, du fait notamment d’une légère hausse des difficultés financières. Plusieurs pays ont connu des niveaux de faillite significatifs : l’Ukraine, frappée par la guerre en premier lieu, qui a connu une hausse frappante de 126 %. La Biélorussie, qui avait connu de son côté une baisse des faillites sur en 2023, a enregistré une forte hausse de 39,3 % en 2024. La Turquie a quant à elle enregistré 23 % de défaillances en plus par rapport à 2023, une hausse liée aux conditions économiques difficiles, une forte inflation et à la dévaluation de la monnaie.

L’Europe occidentale n’a pas non plus été épargnée. Dun & Bradstreet a enregistré pas moins de 184 000 défaillances d’entreprise, un niveau qui n’avait plus été atteint depuis 2012. La France (24 %), le Royaume-Uni (13,0 %) et l’Allemagne (11,5 %) représentaient trois faillites sur cinq dans la région. Pourtant, toutes les banques centrales de la région avaient réduit les taux d’intérêt en 2024, mais les entreprises doivent faire avec des conditions de crédit de plus en plus difficiles. Et cela ne devrait pas aller en s’arrangeant. La menace d’une guerre commerciale entre les États-Unis, l’UE et la Chine, mais aussi une intensification du conflit en Ukraine s’avèrent dévastatrices. La hausse des faillites est particulièrement préoccupante pour les Pays-Bas (29,7 %), l’Espagne (25,7 %) et le Luxembourg (24,3 %). Cette augmentation rapide des faillites a de quoi inquiéter l’Espagne, puisque le pays, plutôt en bonne santé (croissance trois fois supérieure à la moyenne des autres pays de l’UE), avait connu une baisse des faillites significative en 2023. L’économie allemande, elle, continue de s’affaiblir et préoccupe ses voisins européens. Le secteur industriel est notamment confronté à une crise existentielle, mais tente de demeurer compétitif face à la concurrence mondiale et aux alternatives moins chères. L’Italie a aussi connu un niveau de défaillances élevé (près de 20 % en glissement annuel pour atteindre 9 162 en 2024, contre 7 651 en 2023.).

Au Royaume-Uni en revanche, les faillites d’entreprises ont baissé de 2,5 points. Mais la récente détérioration de l’environnement macroéconomique du Royaume-Uni présente le risque que les faillites d’entreprises reprennent leur envol en 2025. Le Danemark et la Finlande ont tous deux connu des baisses notables sur l’année 2024, de 11,5 % et 11,6 %, respectivement, de quoi indiquer une amélioration de l’environnement des affaires. De son côté, la Norvège a vu ses chiffres se stabiliser entre 2023 et 2024.

Des signes encourageants en Amérique Latine, moins au Canada et USA

Les pays d’Amérique Latine ont plutôt bien résisté en 2024, avec une hausse de 2,4 % des faillites d’entreprise. La reprise est cependant inégale selon les contrées, mais le facteur prédominant de cette stabilité a été l’orientation de la politique monétaire adoptée par les banques centrales de la région. Les pays d’Amérique latine sont globalement les seuls à avoir vu leur politique monétaire diverger de celle de la Réserve fédérale américaine, les banques centrales ayant adopté une approche non conventionnelle en abaissant les taux d’intérêt au lieu de continuer à les augmenter. L’Argentine, le Chili, le Costa Rica, la Colombie, le Pérou, le Mexique, le Paraguay et l’Uruguay sont parmi les pays qui ont le plus réduit leur niveau de défaillances.

À l’inverse, le Canada a vu le nombre de faillites d’entreprises bondir par rapport à 2023 (+ 35 %). La hausse sur l’année des faillites d’entreprises met en évidence l’importante pression financière que de nombreuses entreprises subissent. Et les tensions politiques nationales et l’incertitude du marché mondial pourraient peser sur la solvabilité de ces dernières en 2025. Aux États-Unis, les faillites d’entreprises ont augmenté de 6,2 % en glissement annuel en 2024, marquant toutefois une décélération notable par rapport à 2023. Environ 9 000 entreprises ont fait faillite chaque trimestre depuis le troisième trimestre 2023 et 100 entreprises ont défailli chaque jour en moyenne.

Bien que l’économie américaine reste forte, les entreprises sont toujours confrontées à un environnement extrêmement difficile en raison des pressions inflationnistes, de l’affaiblissement de la demande des consommateurs et des taux d’intérêt élevés. Les coûts d’emprunt ont toutefois diminué depuis que la Fed a commencé à réduire les taux d’intérêt en septembre 2024, mais les effets peinent encore à se faire pleinement ressentir.