Délais de paiement : une partie du secteur public à la peine
Par Mehdi Arhab | Le | Éthique et conformité
Les délais de paiement en France s’allongent quelque peu. Si dans le privé, notamment chez les plus petites entreprises, les retards de paiement sont contenus, ce n’est pas le cas dans le secteur public où bon nombre d’acteurs dépassent la ligne rouge. Compte-rendu de l’étude menée au cours du premier trimestre 2024 par Altares à ce sujet.
Pour la première fois, Altares livre un décryptage spécifique sur les délais de paiement observés dans le secteur public français et le secteur privé. Cette étude, qui se base sur les données du premier semestre, montre que les retards de paiement sont au plus haut depuis la fin de la pandémie de Covid. Les retards de paiement des entreprises françaises s’allongent en effet considérablement (12,9 jours ; quasi + 1 jour sur un an). Plus inquiétant encore, moins d’une entreprise française sur deux paye ses fournisseurs à l’heure (48,7 %). Les délais dans le privé atteignent 12,5 jours et restent au-delà des 13 jours dans le public. Et dans ce même secteur public, hôpitaux (respectivement 20,6 jours et 19,9 jours) et services déconcentrés de l’État sont les lanternes rouges en matière de paiement, affichant des retards considérables (respectivement 20,6 jours et 19,9 jours). De quoi envenimer fortement les relations entre acteurs économiques …
Si les délais de paiement s’améliorent sur le 2e trimestre 2024 pour l’ensemble du secteur public à 13,3 jours, la situation se tend tout de même à de nombreux niveaux. En effet, ce chiffre masque de très importantes disparités selon les services et échelons territoriaux. En ce qui concerne les collectivités territoriales, dont les retards de paiement sont en légère baisse sur un an en moyenne, Altares observe des délais moyens de 12,7 jours pour les communes ; de 19,7 jours pour les départements et plus de 23 jours pour les régions. Des niveaux qui frôlent pour ces deux dernières strates l’inacceptable. Quant aux établissements publics administratifs, dont le délai moyen s’établit à 15,1 jours ; en baisse sur un an), Altares indique qu’au deuxième trimestre 2024 des retards de 14,2 jours pour les communautés de commune ont été observés. Pour les communautés d’agglomération, les délais s’allongent (18,3 jours), tout comme au sein des métropoles (plus de 20 jours). Dans les EPIC (établissements publics à caractère industriel ou commercial), le retard dépasse en moyenne tout juste 16 jours et approche 20 jours pour l’administration de l’État (principalement les services déconcentrés de l’État).
Des pratiques vertueuses dans la construction et la manufacture
Mais c’est notamment au sein des établissements de santé que les pratiques de paiement sont les plus alarmantes. Les comportements de paiement dans la santé se sont en effet dégradés très sensiblement à partir de la fin d’année 2023. Les hôpitaux présentent un retard moyen supérieur à 20 jours, tandis que les établissements publics locaux sociaux et médico-sociaux (Maisons de retraite, Ehpad) parviennent à contenir leur retard moyen proche de 12 jours (12,2 jours).
Un niveau similaire à ce qui se fait globalement dans le privé d’ailleurs. En moyenne, le secteur privé affiche désormais 12,5 jours de retard en moyenne. Un niveau correct mais qui doit tout de même être vu avec prudence, puisque le secteur accuse une augmentation du retard moyen de près d’une journée sur un an. Ce sont les entrepreneurs individuels qui présentent le niveau de dégradation le plus important. Ces structures, encore « meilleures élèves » il y a un an avec 8,5 jours de retard, sont désormais les plus retardataires avec 13,4 jours en moyenne, soit un dérapage de près de 5 jours en à peine plus d’un an.
Les sociétés commerciales se portent un peu mieux et parviennent à minimiser leurs retards. L’allongement des délais chez elle est bien moins rapide et s’affiche à 12,5 jours, légèrement sous la moyenne nationale de 12,9 jours. Secteur par secteur, activité par activité, la promotion immobilière, qui concentre traditionnellement les retards les plus élevés, approche le seuil des 27 jours. Dans le secteur de la communication, les agences de presse ne font pas beaucoup mieux (23 jours en moyenne). À l’inverse, la manufacture présente des pratiques bien plus vertueuses dont beaucoup pourraient s’inspirer. Les retards de paiement sont effectivement inférieurs à 10 jours dans les activités de réparation industrielle, caoutchouc-plastique, métallurgie-mécanique ou encore matériaux de construction. La construction fait toujours figure d’excellent élève et conserve encore sa place dans le top 5 des secteurs où les retards sont les plus faibles. Les délais observés dans le bâtiment restent sous le seuil des 10 jours. Dans les activités de logiciels, transport, voyage, nettoyage de bâtiments, les retards de paiement sont compris entre 15 et 20 jours.
La France, un élève moyen
Plus globalement, les structures de 4 à 49 salariés parviennent toujours à contenir aussi bien leurs retards sous la barre des 12 jours en dépit de tensions observées fin de semestre. Les PME de 50 à 199 salariés stabilisent elles aussi leurs délais sous la moyenne globale (12,7 jours). Les plus grandes entreprises concentrent toujours les plus gros retards (17,8 jours), mais il est à noter que leurs pratiques s’améliorent très sensiblement sur le 2e trimestre (-1 jour). Globalement, les comportements de paiement en France ne se sont pas vraiment améliorés. Plus inquiétant encore, les pratiques se sont dégradées plus vite sur le territoire qu’en Europe. À l’issue du semestre 1 2024, les retards se sont allongés de 0,6 jours en France contre 0,2 jours en Europe.