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Bpifrance mobilise huit grands donneurs d’ordre pour marier achats et innovation

Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha

Réconcilier les directions achats des grands groupes français et les startups les plus créatives du territoire, telle est la mission que s’est fixée Bpifrance en imaginant le programme DAPI, pour directions achats pour l’innovation. Lancé officiellement ce mardi 16 janvier en présence de Nicolas Dufourcq, directeur général de la banque publique d’investissement, le programme, d’une durée de douze mois, suit l’initiative « Je choisis la French Tech », dont le coup d’envoi avait été donné par Jean-Noël Barrot en juin dernier.

La première promotion du programme DAPI de Bpifrance Le Hub - © D.R.
La première promotion du programme DAPI de Bpifrance Le Hub - © D.R.

Le programme Dapi, dont la proposition de valeur se fonde sur un triptyque conseil, support académique et partage de savoir, est enfin lancé. Son objectif : positionner les directions achats en tant que maillons de premier plan de la stratégie d’innovation de leur organisation et renforcer leur culture en la matière. « Il faut donner aux Achats un rôle central et profond », a expliqué Paul-François Fournier, directeur exécutif Innovation de Bpifrance. La partie conseil, qui comprend un diagnostic de la maturité achats en matière de captation d’innovation et des missions de soutien, sera chaperonnée par le cabinet Roland Berger. Les participants se verront proposer également des ateliers thématiques collectifs suivis de temps d’échange entre pairs.

La dimension partage académique, assurée par l’institution académique du Master achats international de Kedge, prend forme et intervient ici. Kedge offrira en effet du contenu pour alimenter les ateliers bimestriels auxquels participeront les donneurs d’ordre. Un plateau de choix et qui a d’ailleurs séduit Airbus, L’Oréal, Société Générale, Schneider Electric, La Poste, Aéroports de Paris, GRTGaz et Spie. Ces grands groupes, représentés par leurs directions achats donc, décideront eux-mêmes des cas concrets sur lesquels ils souhaitent travailler. « Vous êtes les pionniers et, en quelque sorte, les cofondateurs de ce programme », leur a d’ailleurs lancé en introduction Nicolas Dufourcq. Cette promotion qui réunit huit donneurs d’ordre, publics et privés, pourrait accueillir de nouvelles parties prenantes, puisque, comme l’a fait savoir Margaux Boullier, responsable des programmes d’accélération, quelques places restent à pourvoir. Les grands comptes les plus intéressés ont jusqu’à la fin du mois de janvier pour se manifester et des discussions sont déjà en cours.

Rapprocher startups et grands groupes pour générer de la valeur

Le sujet revient tous les mois, toutes les semaines, tous les jours sur la table et la question qui en résulte au sein des startups est : comment vendre son produit ou offre de service aux grands groupes

Depuis sa création en fin d’année 2012, la banque publique d’investissement n’a jamais compté ses efforts à l’endroit des startups françaises. Bpifrance en accompagne un peu plus de 300, leur offrant financements et une large palette de services, via Bpifrance Le Hub. Pêle-mêle : conseil, chasse de tête, mentorat, soutien et développement commercial … Aujourd’hui, c’est leur rapport aux grands groupes qu’elle veut corriger, améliorer et enrichir. Pas une mince affaire tant les idées reçues, griefs parfois, de ces dernières à l’égard des grandes entreprises peuvent être nombreuses. Le plus souvent, elles craignent que les directions achats allongent les délais et ajoutent de la complexité. « Le sujet revient tous les mois, toutes les semaines, tous les jours sur la table et la question qui en résulte au sein des startups est : comment vendre son produit ou offre de service aux grands groupes », a exposé Clara Chappaz, à la tête de la mission French Tech. 

« Il est indispensable de travailler sur le rapprochement entre startups et grands comptes, cela ne peut être que bénéfique. L’écosystème de la tech en France est très développé et est le plus important d’Europe occidentale. Il existe et il faut le cultiver. Et les grands groupes doivent et devront l’embarquer davantage », a assuré de son côté Nicolas Dufourcq. Et quoi de mieux que de se tourner vers les Achats pour y parvenir. Cette fameuse réconciliation entre les grands groupes français et l’écosystème des startups ne pourra évidemment pas se concrétiser sans la fonction, dont la vision 360° et le rôle d’intermédiaire entre prescripteurs, Métiers et fournisseurs innovants sont incontestables.

 

Il y a le sentiment que les destins de chacun doivent être mis en commun. C’est un acte fort que de vouloir se procurer les meilleurs produits et services et c’est aussi une manière de faire passer l’intérêt de son entreprise au premier plan

Son talent au moment de s’insérer dans des démarches collaboratives est certain. Et la dimension collaborative dans ce programme est justement tout bonnement fondamentale et doit faire jaillir du savoir. « Il y a le sentiment que les destins de chacun doivent être mis en commun. C’est un acte fort que de vouloir se procurer les meilleurs produits et services et c’est aussi une manière de faire passer l’intérêt de son entreprise au premier plan », a défendu Clara Chappaz. Une nécessité, d’autant plus au regard de l’objectif posé par le gouvernement, par la voix de Jean-Noël Barrot, en juin dernier. Lors du lancement de l’initiative « Je choisis la French Tech », les pouvoirs publics avaient fixé l’objectif de doubler la commande publique et les achats privés auprès des startups du territoire. Une ambition qui ne pourra être touchée du doigt que si la relation startups - grands groupes gagne en fluidité. 

De grands espoirs dans ce programme

Le programme Dapi a en somme été conçu en ce sens, comme un espace d’échange et de partage. « Beaucoup de choses restent à inventer. La French Tech n’est pas un feu de paille, c’est quelque chose de profond. Si les grands groupes avaient il y a vingt ans encore le monopole de l’innovation, le digital a changé beaucoup de choses. L’innovation sort des plus petites structures aujourd’hui », a soutenu de son côté Paul-François Fournier. Et si les grands groupes français accélèrent leurs investissements dans certaines startups et en acquièrent, avec plus ou moins de réussite, ils ne sont pas les grands experts de l’open innovation.

Or, 55 % des grandes entreprises interrogées par Bpifrance Le Hub, dans le cadre d’un livre blanc sur les achats d’innovation, sont convaincues que l’open innovation va être essentielle pour réinventer les modes de travail et redonner du sens. Et plus de 90 % des entreprises estiment que l’innovation est le levier principal pour une croissance rentable et durable. « Ce livre blanc n’a pas vocation à donner des réponses mais plutôt à dresser différents constats », a rappelé Benoit Roblin, directeur de Bpifrance Le Hub.

Notre implication est sporadique et n’est pas toujours synonyme d’un grand succès. Il était donc urgent de s’intéresser au sujet

Beaucoup de choses restent donc à inventer effectivement. Sophie Macquet, directrice des achats groupe de Spie, une des entreprises participantes au programme Dapi, le reconnaît d’ailleurs bien volontiers. « Nous avons fait un état des lieux et regardé ce que nous faisions en la matière. Nous travaillons bien sûr avec quelques startups. Les Achats participent à l’innovation, mais nous ne sommes pas vraiment pilotes du sujet. Notre implication est sporadique et n’est pas toujours synonyme d’un grand succès. Il était donc urgent de s’intéresser au sujet » a-t-elle concédé, avant d’ajouter. « La filière achats de Spie compte 400 personnes en Europe. Ce sont autant de personnes qui brassent des idées. Notre force de frappe est vraiment immense ». Après avoir obtenu la bénédiction de son homologue de la direction de l’innovation pour prendre part à l’aventure, elle espère bien, comme tous les autres, faire évoluer la perception de la direction achats et affirmer sa valeur ajoutée susceptible d’accompagner la direction innovation dans l’achat de prestations de startups.