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Paragon : « Nous avons construit une direction achats transverse au groupe »


Léa Viale est, depuis quatre ans, la directrice des achats pour le groupe Paragon, zone Europe de l’Ouest. Avec son équipe, elle vient de décrocher la labellisation Relations Fournisseurs et Achats Responsables (RFAR). Cette étape vient récompenser une transformation profonde des Achats de Paragon ces dernières années.

Léa Viale directrice des achats Europe de l’Ouest. - © D.R.
Léa Viale directrice des achats Europe de l’Ouest. - © D.R.

Quel est le périmètre de responsabilité de la direction achats Europe de l’Ouest de Paragon ?

Initialement centrée sur un métier d’imprimeur, Paragon est devenue un spécialiste de l’externalisation : logistique, transports, dématérialisation, copacking, éditique, logiciels, achats etc. Le groupe Paragon, dont le siège social est en Angleterre, affiche aujourd’hui un chiffre d’affaires d’1,2 milliard d’euros avec une équipe d’environ 10 000 salariés. La région Europe de l’Ouest, pour laquelle je dirige les achats, réalise 300 millions d’euros de chiffre d’affaires, avec 1 500 salariés répartis sur une trentaine de sites (dont 25 en France). Je précise que, chez Paragon, la zone Europe de l’Ouest concerne principalement la France, ainsi que la Roumanie, l’Italie et l’Espagne.

Quel est le profil de vos achats ?

Nous avons une enveloppe achats de 200 millions d’euros (dont 30 millions d’euros pour les affranchissements sur lesquels nous ne margeons pas), comprenant moitié d’achats directs et moitié d’achats indirects. Mes achats les plus stratégiques concernent le papier, - Paragon est d’ailleurs le plus gros acheteur européen de papier -, les adhésifs, l’IT, l’intérim et les transports. Nous travaillons avec environ 10 000 fournisseurs.

Vous avez reçu le label RFAR en juillet dernier. Quel a été le déclencheur de cette démarche ?

Pour être tout à fait transparente, cela représentait un objectif, une ligne de mire, dès mon arrivée chez Paragon il y a quatre ans, après plusieurs années chez Atlas For Men en tant que responsable des achats marketing. En effet, tout était à construire.

Obtenir le label RFAR dans les cinq ans représentait mon graal car si nous l’obtenions, cela signifiait que nous avions réussi notre mission

Il n’y avait pas d’achats transverses. Le groupe s’est constitué à travers des opérations de croissance, plus de 60 ces cinq dernières années, et il n’y avait pas encore de procédures achats globales : chacune des entités gérait ses achats et ses approvisionnements de manière autonome. Il y avait bien une ligne de conduite mais elle n’était pas structurée. Cela signifie pas d’optimisation, pas de massification, peu de données. Sans compter que certaines petites structures que Paragon avait rachetées étaient très peu matures sur le sujet des achats. Elles approvisionnaient mais n’achetaient pas. J’avais donc un vaste chantier devant moi… Et pour moi, obtenir le label RFAR dans les cinq ans représentait mon graal en quelque sorte car si nous l’obtenions, cela signifiait que nous avions réussi notre mission.

Quelles ont été les premières étapes de cette restructuration ?

J’ai pris mon bâton de pèlerin pour récupérer, centraliser et structurer la donnée. Il faut bien comprendre que jusque-là, chaque base de données était indépendante. J’ai ensuite catégorisé et sous-catégorisé les achats pour chacun de nos sites et établi une stratégie pour chaque catégorie. Cela a permis notamment d’identifier certains achats stratégiques sur lesquels le risque était trop élevé et une action urgente s’imposait.

J’ai, en parallèle, construit une équipe en embauchant un acheteur pour les achats indirects et une acheteuse pour les achats directs. Chacun d’entre eux a un alternant à ses côtés. Avec la direction générale, nous ne voulions pas d’un service achats transverse trop lourd, mais une équipe souple qui s’appuierait sur les forces déjà présentes en local. Cela a demandé du travail de structuration et de conduite du changement mais j’ai maintenant une vraie communauté des achats, avec deux séminaires par an.

En résumé, les grandes étapes de notre transformation ont été l’optimisation économique d’abord avec des synergies entre les sites. Nous avons réalisé énormément d’économies, nous avons déployé des accords cadre sur de nombreuses catégories d’achat etc. Puis nous avons déployé nos procédures en interne : qui peut passer un ordre d’achat, comment on paie, quels sont les seuils de validation… Ensuite, nous sommes allés sur la partie qualité avec une importante campagne de compliance. Nous n’avions en effet pas d’indicateurs sur la santé financière de nos fournisseurs par exemple : les relations entre Paragon et ses prestataires étaient très top/down. J’ai souhaité rééquilibrer cet état de fair car nous avons autant besoin d’eux que l’inverse.

Concrètement, qu’est-ce-que cela signifie ?

Nous avons par exemple revu nos délais et conditions de paiement en profondeur, nous avons vérifié que les prix étaient justes pour que tout le monde en vive correctement et nous avons établi des partenariats plus durables afin qu’ils aient une meilleure visibilité.

Nous avons créé une base de données unique, je peux désormais savoir exactement quels sont les délais de paiement pour chaque fournisseur, chaque site

Prenons l’exemple des délais de paiement, quels sont les changements que vous avez mis en place ?

Nous avons créé une base de données unique, je peux désormais savoir exactement quels sont les délais de paiement pour chaque fournisseur, chaque site. Nous avons fait en sorte d’homogénéiser nos délais de paiement, nous faisons aussi en sorte d’anticiper et de communiquer auprès des fournisseurs en cas de retard. Et si nous sommes en retard sur une facture, nous essayons de payer en avance la suivante afin de rééquilibrer les délais sur l’année pour chaque fournisseur.

Avez-vous travaillé sur l’aspect développement durable ?

Oui, bien entendu. Nous avons sollicité nos fournisseurs pour établir les bilans carbone. Nous les avons aidés à effectuer ce travail car beaucoup n’avaient pas les ressources nécessaires en interne. Et nous travaillons actuellement sur la mise au point d’une calculette carbone afin de pouvoir communiquer auprès des clients et qu’in fine, ils puissent faire leurs choix en connaissance de cause.

Vous disiez que vous aviez l’ambition, dès votre arrivée, de décrocher la labellisation RFAR. Est-ce que cela signifie que toute cette restructuration a été calée sur les attendus du label ?

Pas la première année, non. Je me suis d’abord concentrée sur la data car il fallait traiter ce sujet en priorité. En revanche, dès la deuxième année, j’ai étudié tous les critères du label puis j’ai écrit ma stratégie à quatre ans. Je l’ai proposée à ma direction générale qui m’a soutenue tout au long du process. C’était indispensable.

J’ai passé cinq mois environ à rédiger le référentiel pour expliquer ce que nous faisions et comment nous le faisions

Quand avez-vous vraiment lancé la machine de la labellisation ?

Nous nous sommes attelés concrètement à ce chantier en septembre dernier. Nous avons expliqué l’ambition, nous avons déployé nos procédures, nous les avons étoffées, nous avons fait un sharepoint achats etc. Et puis j’ai passé cinq mois environ à rédiger le référentiel pour expliquer ce que nous faisions et comment nous le faisions. C’est assez lourd mais néanmoins l’exercice est très intéressant car il nous oblige à être parfaitement bien cadré et attire notre attention sur des points auxquels nous n’aurions pas pensé.

Quels sont les points forts qui ont été pointés par le label RFAR ?

On nous a indiqué que notre structuration des achats, nos procédures et notre communication en interne et auprès de nos fournisseurs étaient des points très positifs.

Et les points moins positifs ?

Le point plus faible concerne notre empreinte territoriale. Le groupe s’appuie sur un maillage géographique très important mais nous n’avons pas assez développé une stratégie de fourniture locale. Nous devons travailler sur ce point. Nous considérons que 80 % de nos achats sont massifiables. Sur les 20 % restants, nous devons réussir à mieux rayonner localement. Et même sur les achats massifiés, par exemple sur l’intérim, il est tout à fait possible de faire appel à une entreprise nationale disposant d’agences locales.