Stratégie ha

SGA : « Nos efforts portent aujourd’hui sur la simplification des processus »

Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha

Nommé depuis peu chef de la mission des achats de défense et responsable ministériel des achats, Xavier Gandiol évoque les prochains défis qui se dressent devant son département. Il évoque également l’absolue nécessité de simplifier les processus achats et le besoin de remettre au goût du jour le fonctionnement des achats de l’État.

Xavier Gandiol - © D.R.
Xavier Gandiol - © D.R.

Sur quel périmètre intervenez-vous et quel est le rôle de la mission achat du ministère des Armées ?

La mission achat (MA) a un double positionnement au sein du ministère des Armées (MINARM). Elle est chargée de piloter les achats hors armement qui représentent environ 7 milliards d’euros par an. Ce portefeuille couvre les segments infrastructure-bâtiments (construction, maintenance), informatique et télécommunications, santé, énergie, prestations de service (sûreté, sécurité, entretien des locaux, espaces verts), prestations intellectuelles et toutes autres prestations contribuant aux fonctions support du ministère. La MA n’achète pas, elle s’appuie sur des services acheteurs spécialisés par segment d’achat. C’est un axe fort de notre politique d’achat.

La MA définit, en lien avec ces services acheteurs spécialisés, les stratégies d’achat relatives à ces segments. En revanche, les achats d’armement ne relèvent pas de la MA. Ils sont conduits par et sous la responsabilité de la Direction générale de l’Armement (DGA) et les services chargés du maintien en conditions opérationnelles des systèmes d’armes navals, terrestres et aériens. La DGA définit et met en œuvre les stratégies d’achats sur les segments qui relèvent de son périmètre. La MA a également un rôle ministériel pour ce qui concerne la politique achat et le pilotage de la filière professionnelle achat, soit environ 2 700 postes. Cette filière professionnelle intègre les acheteurs du domaine armement et couvre plusieurs métiers directement liés au processus achat (acheteurs, approvisionneurs, juristes achat, contrôleurs de prestation…). 

Quels sont les profils qui composent la mission achat du ministère des Armées ?

La MA est composée d’une vingtaine de personnes, de divers statuts (militaires/civils - fonctionnaires/contractuels) et avec des profils complémentaires permettant de couvrir les différents domaines d’intervention de la MA : politique et stratégies d’achat, contrôle de gestion achat, système d’information achat, mise en œuvre des politiques publiques et donc pilotage de la filière professionnelle. La MA est un maillon de la fonction achat du ministère des Armées, la « force de frappe » étant constituée surtout par les services acheteurs spécialisés, implantés sur l’ensemble du territoire et plus généralement partout où sont présentes les forces armées.

Quels sont les grands chantiers qui animent le quotidien de la mission achat du ministère des armées ?

Le premier consiste à assurer la mise en œuvre de la politique achat du MINARM et notamment replacer au centre de toutes nos attentions et actions, la nécessité de garantir la capacité de résilience des forces armées. Concrètement, assurer, via nos stratégies d’achat, la sécurité des approvisionnements et la continuité de service en tout temps et tous lieux. S’il en était besoin, les crises qui se succèdent, sanitaires, économiques, géopolitiques rappellent à quel point prendre en compte cet enjeu est primordial. La MA pilote donc l’élaboration, la révision et le suivi de la mise en œuvre des stratégies d’achat.

L’autre enjeu majeur auquel nous devons faire face est celui de la mise en œuvre effective des politiques publiques fixées par le gouvernemen

L’autre enjeu majeur auquel nous devons faire face est celui de la mise en œuvre effective des politiques publiques fixées par le gouvernement. L’achat constitue un levier important pour le déploiement de ces politiques. En tant que premier acheteur de l’État, le MINARM se doit d’être exemplaire en la matière, en tenant compte des exigences particulières qu’imposent ses missions. Faciliter l’accès des PME aux commandes du MINARM, comme la capacité à capter l’innovation sont des objectifs qui contribuent directement à l’exercice de nos missions, en particulier le maintien de la souveraineté nationale. Nous y consacrons les moyens nécessaires et nous évaluons les résultats en la matière. La MA fixe les objectifs en la matière et accompagne les services acheteurs pour une prise en compte efficace de ces politiques publiques. 

Qu’en est-il du sujet environnemental ?

Chacune de nos stratégies d’achat intègre le volet achat responsable. 

De façon, peut-être surprenante pour certains, le MINARM est fortement impliqué sur ce sujet. D’abord parce que c’est un sujet stratégique bien sûr, mais aussi parce que le MINARM est un acteur responsable. Il dispose par exemple d’un ensemble foncier très important, bâti ou non bâti qui l’oblige à prendre en compte l’enjeu environnemental. Si je recentre le sujet sur l’achat, alors oui les acheteurs sont fortement impliqués, depuis longtemps déjà. Leur performance est évaluée sur ce critère environnemental et social. Chacune de nos stratégies d’achat intègre d’ailleurs le volet achat responsable. 

Mais il ne suffit pas de fixer des objectifs aux acheteurs. Il faut que tous les acteurs de la chaîne achat soient impliqués. Et il nous apparaît essentiel que chacun, individuellement, soit convaincu de la nécessité d’agir en la matière, d’être sensibilisé aux causes et conséquences du changement climatique. Le MINARM déploie de nombreuses formations ou actions de sensibilisation sur cette thématique. Il en fait également un facteur d’attractivité, notamment pour attirer de jeunes acheteurs particulièrement sensibles à la cause. Ils peuvent trouver au sein de la fonction achat du MINARM la possibilité de faire se rejoindre leurs valeurs avec celles du ministère et donner du sens à leur action au quotidien. 

Comment appréhendez-vous la gestion des RH que vous avez commencée à évoquer ?

À l’instar de nombreux acteurs publics, nous rencontrons des difficultés pour pourvoir nos postes d’acheteurs et ce dans tous les segments d’achat, y compris celui de l’armement

Parvenir à attirer des acheteurs puis demeurer attractif pour fidéliser ne sont plus des objectifs mais une obligation. À l’instar de nombreux acteurs publics, nous rencontrons des difficultés pour pourvoir nos postes d’acheteurs et ce dans tous les segments d’achat, y compris celui de l’armement. Nos acheteurs sont bien formés, et exercent des responsabilités importantes. Ils sont donc fortement sollicités, notamment par le secteur privé face auquel nous avons du mal à lutter dès lors que la question du salaire devient une priorité. Il nous faut donc manifester toute notre inventivité et trouver des leviers qui nous permettront de rivaliser. Nous constatons par exemple que beaucoup d’acheteurs, et pas seulement des jeunes acheteurs, sont attirés par des missions qui répondent à des fonctions régaliennes. 

Les débats autour de la nouvelle loi de programmation militaire 2024-2030 ont conduit plusieurs personnes à s’intéresser au MINARM, à ses missions, à ses métiers. Nous avons donc pour ambition de leur faire franchir le pas et de nous rejoindre. Nous sommes en mesure de proposer une variété de postes, sur l’ensemble du territoire national et même au-delà et nous offrons des parcours de carrière diversifiés. Nous n’hésitons pas non plus à nous rapprocher des universités et grandes écoles pour présenter nos postes et notre parcours de formation pour tout nouvel arrivant dans la fonction achat.

Allez-vous travailler sur l’optimisation de vos processus ? Cela passera-t-il nécessairement par la digitalisation ? 

Nous disposons d’un SI achat. C’est une nécessité et optimiser nos processus par le SI achat est un enjeu. Néanmoins, tout ne repose pas non plus sur le SI et la digitalisation. Il faut d’ailleurs être attentif à ne pas transformer nos processus pour l’adapter au SI, l’inverse devant rester le principe. 

Aujourd’hui, nos efforts portent sur la simplification des processus. C’est un objectif rappelé au plus haut niveau, par le ministre des Armées lui-même, Sébastien Lecornu. Pour la fonction achat, il est indispensable d’une part de libérer du « temps acheteur » au profit des achats à forts enjeux et d’autre part identifier et exploiter au mieux les marges de manœuvre permettant de simplifier et d’améliorer la réactivité des achats de faible montant au profit de nos unités locales (régiments, bases aériennes et navales).

La digitalisation est un levier important mais il ne doit pas être le seul.  Par exemple, même si nous sommes déjà un utilisateur important de la carte achat, nous redoublons d’effort pour déployer encore cet outil de paiement parce qu’il permet d’améliorer la réactivité de nos achats de faible montant mais également de contribuer à favoriser l’achat local, au sein des territoires sur lesquels le ministère est présent. 

Quels sujets allez-vous aborder avec le nouveau directeur des achats de l’État, François Adam ? 

Si depuis les années 2010 la logique qui prévalait était celle de la performance économique, avec par exemple la mise en place d’un indicateur mesurant les « gains achats », il convient désormais de redéfinir l’ordre des priorités et mettre en cohérence la politique achat de l’État

En tant que responsable ministériel des achats, le message que je vais tâcher de faire passer est celui d’un changement de paradigme. Si depuis les années 2010 la logique qui prévalait était celle de la performance économique, avec par exemple la mise en place d’un indicateur mesurant les « gains achats », il convient désormais de redéfinir l’ordre des priorités et mettre en cohérence la politique achat de l’État, notamment pour tenir compte du contexte de crises, quelles que soient la nature de celles-ci. 

Je considère donc comme une opportunité formidable de prendre nos nouvelles fonctions plus ou moins au même moment. Le nouveau directeur des achats de l’État, François Adam, nous a fait part lors de son premier comité des achats de l’État, des axes majeurs qui pourraient constituer sa feuille de route. Nous nous y retrouvons et sa volonté de favoriser le dialogue avec les responsables ministériels des achats offre des perspectives intéressantes.