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SNCF Réseau : « Nous avons un rôle à jouer dans la réindustrialisation de la France »

Par Guillaume Trecan | Le | Direction ha

Valérie Giraudon, directrice achats de SNCF Réseau explique la transformation entreprise par cette entité du groupe SNCF en charge de la modernisation du réseau ferroviaire français. Des investissements de 2,8 milliards d’euros par an qui vont augmenter de 1,5 milliard d’euros d’ici à 2027.

Valérie Giraudon, directrice achats SNCF Réseau. - © D.R.
Valérie Giraudon, directrice achats SNCF Réseau. - © D.R.

Comment la direction achats de SNCF Réseau s’est-elle organisée pour répondre aux forts investissements que la société a programmés pour les années à venir ?

Lorsque SNCF Réseau est devenue société anonyme en janvier 2020, elle s’est engagée auprès de l’Etat sur un plan de performance dont 40 % doit être réalisé par la performance achats entre 2020 et 2026. L’enjeu principal de la feuille de route achats consiste à mener la transformation nécessaire pour délivrer la performance achats attendue. Nous devons recentrer sur son cœur de métier une fonction achats initialement concentrée sur le traitement administratif du processus d’appel d’offres. Il faut la repositionner en amont, en partenaire des métiers, de sorte qu’elle puisse répondre aux enjeux de l’entreprise et notamment la performance économique mais également la performance opérationnelle (sécurité, qualité , délais) , l’innovation et la RSE.

Le fait que nous ayons lancé cette transformation de la fonction achats il y a deux ans et demi nous permet d’être beaucoup plus en posture et de répondre aux enjeux annoncés en début d’année. Les investissements importants prévus dans les années à venir - augmentation d’ici 2027 de 1,5 milliard d’euros par an des investissements dans la régénération et la modernisation du réseau - l’illustrent. Nous investissons actuellement 2,8 milliards d’euros par an dans la régénération.

 Principales catégories d’achats de SNCF Réseau - © D.R.
Principales catégories d’achats de SNCF Réseau - © D.R.

A ce stade, quels indicateurs montrent l’avancée de ce projet de transformation ?

Le principal est l’indicateur de performance achats. Nous avons aussi fortement progressé sur la politique RSE et le pilotage de notre panel fournisseurs, de même que dans notre capacité à accompagner les métiers, à répondre à leurs besoins tout en étant capable de proposer des stratégies achats innovantes sur les dossiers à enjeu.

Nous avons un plan de production défini chaque année pour les trois ans à venir. C’est une opportunité de visibilité pour les fournisseurs

Le plan d’investissement porté par SNCF Réseau vous permet-il de donner de la visibilité à vos fournisseurs ?

Nous avons un plan de production défini chaque année pour les trois ans à venir. C’est une opportunité de visibilité pour les fournisseurs. Tant que les achats étaient positionnés en aval du processus, les besoins ne nous étaient communiqués qu’à très court terme. Un des enjeux du repositionnement en amont avec les métiers, est de pouvoir disposer de cette visibilité et de pouvoir l’apporter aux fournisseurs.

L’organisation de la direction achats et le rôle des acheteurs ont-ils évolué pour permettre un repositionnement en amont ?

Nous avons trois pôles centraux - travaux, fournitures et prestations de services - et quatre pôles régionaux, proches des directions de production et des directions d’ingénierie d’où viennent les demandes de travaux. Tout l’enjeu a été de spécialiser les acheteurs par familles d’achats. Jusqu’ici, ils étaient polyvalents et raisonnaient en nombre de dossiers traités. Nous avons fait évoluer les choses en spécialisant les acheteurs par familles d’achats et en les accompagnant avec des formations en stratégies d’achats. Pour les repositionner en amont des métiers, nous procédons progressivement depuis deux ans et demi, équipe par équipe, en fonction des appétences de chacun, avec l’appui des managers.

Je me suis moi-même beaucoup investi dans les dossiers importants pour accompagner ce rapprochement avec les métiers. Cela m’a aussi permis de constater que les directions métiers étaient très réceptives à ce nouveau positionnement de la fonction achats. Elles comprennent mieux les enjeux achats et ce que nous pouvons leur apporter à travers des stratégies achats susceptibles de les orienter vers les fournisseurs les mieux à même de répondre à leur besoin.

140 acheteurs qui étaient dans les régions ont été rattachés à la direction des achats l’année dernière

Combien de personnes composent l’équipe achats ?

La direction des achats de SNCF Réseau comprend 300 personnes au total. A mon arrivée, 140 acheteurs étaient rattachés aux unités de production locales. Ces 140 acheteurs qui étaient dans les régions ont été rattachés à la direction des achats l’année dernière, ce qui a doublé la taille de la fonction achats.

Comment ce mouvement a-t-il été perçu par les acheteurs ?

Cela a permis d’accélérer le rapprochement des équipes achats historiques de la direction de l’ingénierie et de la direction de la production. Le rattachement à la direction achats des acheteurs des établissements nous a permis de gagner en visibilité. Cela a également donné beaucoup plus de sens aux acheteurs des établissements qui s’y sentaient isolés et rejoignent une direction métiers avec des possibilités d’évolution, de l’accompagnement, de la formation et un sens beaucoup plus important donné à leur métier.

Comment avez-vous progressé dans le pilotage des fournisseurs ?

Nous avons développé les dialogues techniques en amont avec les fournisseurs et nos prescripteurs afin de travailler ensemble sur les stratégies d’achats. Nous avons construit nos cahiers des charges en nous appuyant sur des retours d’expérience des marchés précédents et en intégrant les propositions des fournisseurs. Nous avons aussi renforcé les relations avec eux pour les informer des appels d’offres à venir et les motiver à répondre.

97 % de nos achats sont réalisés auprès de fournisseurs en France

Pouvez-vous dresser un portrait de votre panel fournisseurs en termes de tailles d’entreprise, de localisation ?

Notre activité induit que nous ayons un panel en grande majorité français : 97 % de nos achats sont réalisés auprès de fournisseurs en France. Nous réalisons 20 % de notre chiffre d’affaires auprès des TPE et PME et nous avons pour ambition de travailler à développer le réseau de fournisseur TPE et PME pour atteindre 30 % dans les prochaines années. Avec les investissements à venir, Nous prenons très au sérieux notre rôle dans l’économie locale et la vitalité des territoires. Nous avons un rôle à jouer dans la réindustrialisation de la France. Beaucoup de nos projets sont financés par les régions. Nous voulons donc pouvoir démontrer à nos financeurs en région que ces investissements bénéficient au tissu économique de ces régions. Enfin, cela nous permet d’avoir un panel de fournisseurs plus large, plus diversifié et d’être moins dépendants des grands groupes.

A fin 2022, 70 % de nos achats ont été réalisés avec des critères RSE dans les appels d’offres, contre 10 % en 2020

Quelles sont vos avancées en matière d’achats responsables ?

En 2022, nous avons réalisé près de 40 millions d’euros d’achats responsables : 32 millions d’euros liés à la clause d’insertion sur nos marchés et 8 millions d’euros d’achats solidaires directs auprès d’entreprises de l’économie sociale et solidaire (secteur du handicap, entreprises aidées, ateliers d’insertion, etc.).  Nous demandons à nos fournisseurs d’adhérer à nos engagements de Responsabilité sociale et environnementale et de justifier d’une évaluation RSE faite par un tiers indépendant (type Ecovadis, FNTP, etc.). En 2022, 80 % de nos achats sont réalisés auprès de fournisseurs évalués RSE ( 30 % en 2020) . Notre ambition est d’atteindre rapidement les 100 %.

Enfin, nous avons également fait progresser le déploiement de critères RSE dans nos appels d’offres : 70 % de nos achats ont été réalisés avec des critères RSE dans les appels d’offres en 2022, contre 10 % en 2020.

Nous avons un projet phare d’économie circulaire sur les rails que nous déployons également sur le ballast. En 2022, 76 % des rails achetés ont été issus de la filière électrique, représentant une économie de près de 200 000 tonnes équivalent CO2.

Comment déclinez-vous aux Achats l’objectif de décarbonation du groupe ?

Nous avons lancé cette année un plan de décarbonation de nos achats. C’est un enjeu fort parce que 80 % du bilan carbone de SNCF Réseau vient des Achats. Nous avons mis en place des groupes de travail avec nos fournisseurs sur les principales familles d’achats pour définir ensemble un plan d’action. Nous cherchons dans un premier temps à intégrer des critères carbone dans nos appels d’offres et ensuite définir un prix interne carbone permettant d’évaluer le coût carbone d’une offre, en parallèle de son coût financier. La première étape consiste à bien définir, pour chaque famille d’achats, quels sont les critères qui ont un impact carbone les plus importants. Nous devons aussi clarifier avec la direction juridique la faisabilité d’une intégration de ces critères carbone dans nos appels d’offres, dans le respect des règles de la commande publique.

Avez-vous des projets en matière de SI achats ?

Nous disposons déjà d’une plateforme achats qui permet d’avoir une base commune, sur Jaggaer, sur laquelle se retrouvent tous nos appels d’offres. A partir de Power BI, nous avons aussi mis en place des modules de suivi afin de piloter toute notre activité : montants, nombre de consultation par famille d’achats, calendrier… Nous allons devoir renouveler cette plateforme l’année prochaine.