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Veolia : « Nous devons apporter de la simplification dans une industrie de plus en plus complexe »


Maxime Bozec, Heda of Global Business Travel de Veolia constate la complexification des tarifs et de l’offre de voyages d’affaires, entretenue par la fragmentation du marché et la multiplication des intermédiaires. Ce contexte complique largement la relation du Travel Manager aux collaborateurs de l’entreprise. Il sera Grand Témoin des HA Days Travel Mobilité le 16 octobre à Deauville sur l’atelier « #Travel Manager : le défi de la simplification face à une offre de plus en plus complexe ».

Maxime Bozec, Head of Global Business Travel, Veolia. - © D.R.
Maxime Bozec, Head of Global Business Travel, Veolia. - © D.R.

Que représente le voyage d’affaires chez Veolia ?

Le programme Business Travel de Veolia couvre une soixantaine de pays et représente 80 millions d’euros de dépenses gérées par notre agence de voyage, Amex GBT, sur un potentiel proche de 100 millions d’euros. Nous comptons plus de 40 000 voyageurs par an au départ de quatre grands hubs que sont la France, le Royaume Uni, l’Amérique du Nord et la zone Asie Pacifique.

Nous travaillons dans un contexte fragmenté, marqué par un grand nombre de prestataires et d’intermédiaires

Le marché du voyage d’affaires s’est fortement complexifié ces dernières années. Comment analysez-vous ce phénomène ?

Nous travaillons dans un contexte fragmenté, marqué par un grand nombre de prestataires et d’intermédiaires. L’industrie du Business Travel est loin d’être un tout homogène. L’aérien n’a rien à voir avec l’hôtellerie, ni avec le rail et chaque segment est en train de redéfinir son modèle de vente, déstabilisant du même coup les partenaires qui nous aidaient à concevoir une offre homogène.

En outre, au sein même d’un segment, chaque acteur opère ce changement à un rythme différent. Dans l’aérien, par exemple, la NDC [Nouvelle capacité de distribution, une interface de distribution et de vente conçue par l’IATA, Ndlr.] est encore loin d’être le canal unifié voulu par l’IATA.

Il découle de ce contexte une surcharge d’outils et de canaux de réservation, des espaces utilisateur fragmentés dont l’intégration est incomplète. Cela produit nécessairement un manque de visibilité et un défaut de pilotage. Dans cette situation, il est en effet très compliqué d’obtenir une vision consolidée coût, empreinte carbone, conformité.

Qu’est-ce que cela implique pour le rôle de Travel Manager ?

Le Travel est un achat rarement considéré comme stratégique mais c’est un domaine hyper exposé. Les voyageurs ont tendance à vouloir répliquer leurs expériences personnelles de voyage dans le cadre professionnel dont les exigences et les enjeux sont pourtant très différents. Un tarif promotionnel, non annulable et non modifiable est en effet difficilement comparable avec une offre flexible négociée par l’entreprise, enrichie par des services : reporting financier et carbone, souplesse de facturation, workflows de validation, prépaiement, duty of care… Tout le monde est capable d’acheter du voyage d’affaires mais pas à ces conditions.

Nous nous battons pour rendre lisible une industrie qui change à grande vitesse et crée de multiples distorsions

Ce décalage suscite une défiance grandissante de la part des collaborateurs et l’industrie contribue à brouiller leur perception en complexifiant les tarifs et en multipliant les canaux. Nos collaborateurs peuvent avoir l’impression que nous ne connaissons pas notre marché alors que nous nous battons pour rendre lisible une industrie qui change à grande vitesse et crée de multiples distorsions.

Pour contrer cette défiance, nous devons apporter de la simplification dans une industrie de plus en plus complexe. Nous devons aussi communiquer de manière abondante auprès de nos voyageurs pour faire de la pédagogie sur ces écarts tarifaires et promouvoir les partenariats négociés par Veolia.

Quel est le degré de complexité des structures de coût ?

L’agrégat des intermédiaires complexifie fortement la lecture d’un tarif. Dans l’hôtellerie, par exemple, il existe un contingent de nuitées dispersées auprès de différents intermédiaires. Une fois ce contingent distribué, l’hôtel peut jouer sur le prix des chambres qu’il a conservées, mais les autres intermédiaires font eux-aussi évoluer leurs prix en conséquence. Ces structures de coûts sont compliquées à expliquer à nos utilisateurs. Passer en direct n’est pas nécessairement la solution. Si je choisis, par exemple en direct un prestataire de transport et que je l’impose à ma TNC (Transportation Network Company), je risque de déséquilibrer son modèle économique.

N’ayant pas accès aux échanges entre tous les intermédiaires qui l’ont précédé, l’acheteur business travel n’a pas à sa disposition une décomposition de coûts très claire. Nos fournisseurs eux-mêmes ont beaucoup de difficultés à suivre leur propre data.

Que pouvez-vous faire pour simplifier ce système ?

En 2019, nous avons opéré une centralisation des réservations sur Neo, l’outil de notre agence de voyage. Cela nous permet d’élaborer nos contrats fournisseurs aériens et une partie de l’hôtellerie sur une base consolidée. Il y a deux ans, nous avons construit un programme hôtel structurant qui nous permet de bénéficier de contrats en direct avec les chaînes hôtelières et certains indépendants. Nous conservons un HBT (Hotel Booking Tool) pour la France.

Nous devons créer des parcours fluides, limiter les frictions aux niveaux réservation, validation, suivi, tout en optimisant nos outils et nos partenariats

Tout l’enjeu de la simplification consiste à réconcilier l’expérience collaborateur et les exigences d’entreprise. Nous devons créer des parcours fluides, limiter les frictions aux niveaux réservation, validation, suivi, tout en optimisant nos outils et nos partenariats. C’est par le partenariat que nous parvenons à tendre vers un maximum d’intégration entre les systèmes, ce qui rend l’expérience utilisateur la plus fluide possible.

Quel est votre niveau de maîtrise de la data travel ?

Nous avons créé un tableau de bord dans lequel est consolidée la data Travel du groupe Veolia qui nous sert de base de référence lors de nos négociations. Cet outil de tracking, construit à partir de Google Studio, réunit à la fois les données de dépenses, de compliance, de comportement d’achat des voyageurs et de taux de couverture. C’est un indicateur important : si notre taux de couverture baisse, cela signifie, soit que nos tarifs corporate ne sont pas compétitifs, soit que notre contrat n’est pas chargé, ou bien pas chargé aux bons tarifs par le prestataire.

Comment contrôlez-vous la performance de vos contrats ?

Nous auditons nos top routes et nos top hôtels tous les trois mois en comparant le site de la compagnie, notre OBT et un tarif public sur un autre canal. Cela nous permet à la fois de nous benchmarker régulièrement et d’avoir un échange constructif avec l’agence de voyage et avec les compagnies aériennes. Vis-à-vis de l’interne, cela permet aux Travel Managers de ne pas se contenter d’une posture d’explication mais de montrer aussi notre vigilance et de nous donner des arguments pour dialoguer sur nos difficultés.

Nous avons inclus une page fournisseur sur l’intranet sur laquelle nous partageons la plus-value de chaque contrat

Quelles sont vos actions en matière de communication ?

Nous construisons des référentiels d’offre pour donner des repères aux utilisateurs. Nous diffusons par exemple la liste de nos tarifs hôteliers négociés sur un document le plus lisible possible. Sur l’intranet et sur notre newsletter, nous mettons en avant le fruit de nos négociations sur les routes et les catégories de prestations les plus utilisées. L’année dernière, nous avons aussi inclus une page fournisseur sur l’intranet sur laquelle nous partageons la plus-value de chaque contrat. Air France peut par exemple y diffuser son programme de fidélité, Emirates mettre en avant son offre de chauffeurs pour ses vols à l’international, etc. Nous challengeons notre agence pour qu’elle nous aide dans ce travail de pédagogie et, à défaut de les trouver chez nos partenaires, nous créons nos propres contenus.

HA Days Travel Mobilité le 16 octobre à Deauville