Retards de paiement : la France décroche, toujours un peu plus au détriment des PME
Avec 14,1 jours de retard de paiement moyen au premier semestre 2025, l’Hexagone affiche la plus forte dégradation d’Europe. Les petites entreprises et le secteur public paient le prix fort, tandis que la dématérialisation des factures nourrit l’espoir d’un sursaut.

En matière de paiement, la France glisse du mauvais côté. Selon la dernière étude d’Altares, publiée le 18 septembre, les délais de paiement se sont une nouvelle fois allongés au premier semestre 2025, atteignant en moyenne 14,1 jours de retard. C’est une journée de plus qu’il y a un an, la plus forte dégradation observée en Europe. Moins d’une entreprise française sur deux (45 %) règle ses fournisseurs dans les délais.
Cette tendance reflète une dynamique continentale : la moyenne européenne remonte à 14 jours de retard, un plus haut depuis quatre ans, avec un quart des entreprises du Sud (Portugal, Italie, Espagne, France) dépassant les quinze jours. Et l’Hexagone se distingue donc par son décrochage rapide. « Ces reports de règlement sont évidemment très préjudiciables pour les fournisseurs et sous-traitants », souligne Thierry Millon, directeur des études Altares. La Banque de France chiffre le manque à gagner pour les fournisseurs à 15 milliards d’euros.
Les grandes organisations en première ligne
Si les très petites entreprises (TPE) parviennent encore à contenir leurs retards sous 13 jours, les plus grandes entreprises continuent de s’afficher comme les mauvais élèves. Les PME affichent de leur côté des délais moyens de 13 à 16 jours selon leur effectif, tandis que les entreprises de plus de 1 000 salariés dépassent désormais 20 jours. Le constat est encore plus sévère dans le secteur public : les grandes administrations attendent en moyenne 26 jours pour honorer leurs factures, soit presque un mois. Hôpitaux (21,7 jours) et services déconcentrés de l’État (25,4 jours) sont les « lanternes rouges », alors que les collectivités locales affichent des comportements plus vertueux (13,6 jours).
Des disparités sectorielles criantes
Les contrastes sont tout aussi nets selon les branches. Le secteur du bâtiment reste exemplaire avec des retards ramenés à 8 jours, grâce notamment à la discipline de ses TPE. À l’inverse, l’immobilier flirte avec un mois de retard, et certaines activités de services - sécurité, voyages, conseil - dépassent les 20 jours. Le e-commerce bat tous les records, avec des règlements repoussés au-delà de 30 jours.
Dans l’industrie, les performances varient fortement. Si les plasturgistes et métalliers règlent en moins de dix jours, l’agroalimentaire s’enfonce et pas qu’un peu. Traditionnellement sous 12 jours, le secteur dépassait 13 jours au 1e trimestre et 14 jours au 2etrimestre.
Une géographie contrastée
Les comportements de paiement révèlent également des fractures régionales. L’Île-de-France concentre les difficultés, avec 20 jours de retard en moyenne et seulement un tiers des entreprises réglant à l’heure. La Provence-Alpes-Côte d’Azur (14,9 jours) et les Hauts-de-France (13,9 jours) complètent le podium des moins bons payeurs. À l’inverse, la Bretagne et les Pays-de-la-Loire restent les plus vertueuses avec environ 11 jours de retard, même si la tendance y est aussi à la dégradation.
Vers un durcissement des sanctions ?
La généralisation de la facturation électronique, qui entre progressivement en vigueur, pourrait contribuer à assainir les pratiques. Mais pour Altares, cet outil ne suffira pas à lui seul : « les mauvais payeurs vont toujours faire preuve d’ingéniosité pour justifier de retarder le règlement », prévient Thierry Millon. Plusieurs voix se sont d’ailleurs élevées pour relever le plafond des amendes administratives à 1 % du chiffre d’affaires, à l’image du dispositif britannique.
Au-delà des sanctions, c’est une question de culture qui se joue. La culture de la ponctualité n’est pas la plus présente en France, notamment chez les grandes structures. Avec un retard moyen de 3 jours de retard en 2025, les Pays-Bas sont un modèle de rigueur. Plus de huit payeurs sur dix respectent les dates d’échéance et à peine plus d’1 % dépasse le terme d’au moins un mois. L’Allemagne fait elle aussi figure de bon élève avec un retard sous 7 jours et plus de six acteurs sur dix respectueux des dates d’échéances. De son côté, la Belgique est retombée sous 12 jours de retards en 2025 à la faveur d’un meilleur respect des délais (47 % soit 3 % de plus qu’un an plus tôt) et une plus grande rigueur sur les grands retards (6,4 % en T2).
En France, ces retards ne relèvent pas d’un simple décalage comptable mais d’un enjeu vital de trésorerie pour les TPE et PME. Dans un climat économique morose, réduire les retards de paiement apparaît comme un levier clé de compétitivité et de résilience.