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Atalian : « Le tail spend apparait chez nous comme une catégorie à part entière »


Guillaume Bourger, directeur des achats d’Atalian a entrepris de structurer la queue de comète de ses achats, qui représente tout de même 12 millions d’euros et engage l’image du groupe dans bon nombre de prestation. Il est le grand témoin de l’atelier-débat « Tail spend : marketplaces et achats pour compte, quelle création de valeur durable ? », lors des HA Days indirects et sauvages des 16 et 17 octobre à Deauville.

Guillaume Bourger, directeur des achats d’Atalian. - © D.R.
Guillaume Bourger, directeur des achats d’Atalian. - © D.R.

Les Achats d’Atalian en chiffres

Montant des achats groupe : 550 M€, dont plus de 350 M€ en France

Nombre de fournisseurs : 7 000 en France et 17 000 fournisseurs au niveau du groupe

Effectif achats : une cinquantaine de personnes réparties dans 14 pays, dont une quinzaine en France

Que représentent les tail spend chez Atalian ?

En France, on retrouve 80 % de la dépense répartis sur un peu moins de 500 fournisseurs. La classe C ou tail spend, représente environ douze millions d’euros, soit 3 % de la dépense totale répartis sur 4 600 fournisseurs. Nous considérons dans la classe C les fournisseurs avec une dépense annuelle inférieure à 10 000 euros par an. Les deux tiers de nos 7 000 fournisseurs en France, sont dans la catégorie des achats de classe C.

Beaucoup de nos clients sont historiquement attachés à des panels locaux que nous devons conserver, même si cela contribue à multiplier le nombre de nos comptes fournisseurs

Le segment d’achats le plus représenté dans le tail spend chez Atalian (plus de 70 %) est la fourniture de biens et des services pour nos activités multi techniques, appelées aussi MRO, parmi lesquels on trouve aussi des achats pour compte. Le reste ce sont des petits matériels ou des prestataires divers (garage, vétérinaire, 3D, etc.). Beaucoup de nos clients sont historiquement attachés à des panels locaux que nous devons conserver, même si cela contribue à multiplier le nombre de nos comptes fournisseurs. Nous avons aussi à cœur de pouvoir conserver une satisfaction client quand elle existe. D’où la nécessité pour nous d’avoir un tiers centralisateur qui nous permettent de mieux gérer ce type de fournisseurs.

Nous avons donc lancé des initiatives dans ce sens et nous avons décidé, entre autres, de travailler avec Illico, la marketplace d’Epsa. Nous allons la déployer d’abord en France puis à l’international, Pour couvrir les 14 pays dans lesquels nous opérons. Nous sommes en train d’affiner nos business case et l’impact sur l’amélioration de notre performance achats en prenant bien en compte tous les coûts induits à la décentralisation de ces achats, notamment les coûts de gestion qui sont aujourd’hui extrêmement lourds, mais essentiels aux enjeux de conformité et de réactivité inhérente à nos activités de service.

Que redoutez-vous comme coûts cachés ?

Plus le nombre de fournisseurs est important plus forte est la probabilité de subir des coûts cachés au niveau des Achats, de la comptabilité fournisseurs ou encore des prescripteurs internes : des documents manquants pendant les référencements, des erreurs de livraison, des litiges factures, etc.

Nous ne pouvons pas mettre de côté douze millions d’euros de dépenses

Pourquoi souhaitez-vous accorder de l’énergie à ces achats de très faibles montants ?

Les ressources de la direction achats sont limitées et nous ne pouvons pas nous disperser. Etant donné nos ressources et la taille actuel du panel, il est utopique d’envisager un pilotage stratégique avec l’ensemble de nos fournisseurs. Pourtant nous devons garantir la qualité de prestation pour qu’elle soit conforme à notre image de marque. Et cela consomme beaucoup de ressource chez nos prescripteurs qui doivent les piloter. Par ailleurs, nous ne pouvons pas mettre de côté douze millions d’euros de dépenses.

Une solution adaptée telle qu’une marketplace peut nous permettre de passer de 4 600 fournisseurs à un seul

Le tail spend apparait chez nous comme une catégorie à part entière car c’est là que nous avons le plus de fournisseurs. Il est donc important, a minima, de réussir à mettre sous contrôle l’évaluation de la conformité des tiers et de leurs performances RSE. Une solution adaptée telle qu’une marketplace peut nous permettre de passer de 4 600 fournisseurs à un seul. Une fois regroupés, ces achats représentent d’ailleurs un volume d’achats assez important pour passer de la classe C à la classe A. Ce tiers nous permet évidement d’identifier et générer des opportunités de gain que nous n’aurions pas pu piloter avec l’équipe.

N’avez-vous pas de possibilité de massifier ces achats sans passer par un tiers pour réduire leur éclatement ?

Une entreprise comme Atalian, qui fonctionne avec un réseau d’agences réparties dans autant de région et dans autant de pays, se doit de concilier une vision à la fois globale et locale. Nous nous sommes engagés à faire travailler des entreprises proches de nos agences et de nos clients pour contribuer au tissu économique local. Et garantir une réactivité maximale. Si certains clients souhaitent conserver leurs prestataires historiques, d’autres au contraire nous demandent de l’aide pour trouver des fournisseurs alternatifs. Ce que nous pouvons facilement proposer grâce à notre large panel national ou via la marketplace. Evidement nous travaillons à une rationalisation du panel en développant des partenariats stratégiques avec des acteurs nationaux, et internationaux, pour déployer des solutions best in class et homogénéiser les catégories.

Nous avons réussi à le faire sur certaines catégories majeures, comme les autolaveuses qui sont un de nos plus gros postes de dépense, ou encore sur la chimie. Pour d’autres catégories comme l’intérim, dont les règles de ce marché diffèrent d’un pays à l’autre, et la compétitivité des grands noms est souvent moins performante que des acteurs locaux de plus petite taille c’est beaucoup plus compliqué. Sur des services de plomberie ou électricien, c’est tout simplement impossible car il est indispensable d’avoir recours à des prestataires locaux.

Les plateformes et marketplaces me semblent les plus adaptées pour traiter les tail spend

Plusieurs solutions s’offrent à vous pour gérer les tail spends - Marketplace, purchasing card, externalisateur… - laquelle privilégiez-vous ?

Les plateformes et marketplaces me semblent les plus adaptées pour traiter les tail spend, d’une part parce que beaucoup de fournisseurs y sont déjà inscrits et, d’autre part, parce qu’elles ont des outils d’évaluation très efficaces.

Pour que la comparaison entre les différentes plateformes soit effective, il faut considérer leur performance globale, être attentif à la fois à leur performance économique, à leur condition de collecte et d’analyse de la conformité des tiers, aux critères RSE, à leur rapidité d’exécution pour codifier les fournisseurs et traiter l’information.

Au regard de tous ces critères, les plateformes spécialisées MRO sortent du lot. Si l’on considère seulement les prix, un acteur comme Amazon est rarement compétitif par rapport à ceux que nous avons négociés en direct. En revanche, leur rapidité de livraison, la diversité des produits, et la visibilité par les clients qui expriment des demandes très précises, les rend indispensables pour du spot buy.

Quels autres bénéfices espérez-vous tirer de leur usage ?

Les marketplaces nous proposent de piloter les achats de manière beaucoup plus fine puisqu’auparavant, nous avions des codes articles assez génériques pour un grand nombre de produits et fournisseurs de la tail spend. Cette finesse de data sera donc systématiquement beaucoup plus importante que celle restituée par notre ERP. C’est notamment sur ce point que nous pouvons challenger pour obtenir un meilleur niveau de reporting et mieux guider la dépense.

Sur ce dernier point, les marketplaces proposent systématiquement des alternatives de fournisseurs ou de produit. Les prescripteurs peuvent donc plus facilement juger du coût et de la qualité des produits pour commander au juste besoin. Ce qui va naturellement permettre d’augmenter la performance économique. Et évidement nous permettre de mieux répondre à nos exigences en matière de RSE.

Nous allons accompagner nos collaborateurs à passer d’un mode ultra-décentralisé à un mode de gestion regroupé

Comment envisagez-vous de piloter ce nouveau prestataire ?

S’il est évident que les plateformes vont nous aider à être beaucoup plus forts sur ces axes, il y a une phase de transition à appréhender pour ne pas perdre la fluidité des échanges avec nos fournisseurs et sous-traitants de classe C, voire avec une partie de notre classe B. cela nécessitera donc de former nos prescripteurs et nos acheteurs, et la mise en place d’un responsable achats dédié à la relation contractuelle avec Illico. La personne qui devient le référent de la marketplace devient par la même un category manager. Nous allons accompagner nos collaborateurs à passer d’un mode ultra-décentralisé à un mode de gestion regroupé.

Il nous est difficile d’évaluer dans quelle mesure ces prix resteront compétitifs dans le temps

Pourquoi redoutez-vous l’érosion de la performance des tiers qui peuvent vous accompagner sur les tail spends ?

S’ils permettent de rationaliser du jour au lendemain le nombre des fournisseurs, les coûts de gestion et les coûts d’achat, en revanche il faut leur laisser la main sur les négociations et sur la gestion des prix. Il nous est donc difficile d’évaluer dans quelle mesure ces prix resteront compétitifs dans le temps. Nous nous interrogeons également sur la capacité d’une marketplace à piloter la qualité de notre sous-traitance et, par voie de conséquence, à générer la valeur attendue par nos clients.

Enfin, une partie de ces achats passant par des chargés d’affaires Atalian sur le terrain, la marketplace jouera-t-elle un rôle susceptible de conserver la qualité du dialogue que nous avons établie avec eux ? Cet intermédiaire risque-t-il de brouiller la relation entre ces chargés d’affaires et leurs fournisseurs ?

Nous allons donc concentrer nos efforts sur l’intégration ou le remplacement d’un maximum de fournisseurs de matériels de catégorie classe C au sein de la marketplace, et même de certains de classe B. En effet, sur les matériels, les gains en coûts de gestion et en performance achats sont les plus facilement atteignables. Concernant les prestataires de services, l’optimisation des coûts de gestion est également envisageable, mais elle ne doit jamais se faire au détriment de la qualité. Notre objectif sera donc d’identifier les leviers de performance les plus durables, afin d’assurer à la fois une maîtrise des prix sur les matériels, et une qualité de service constante et reconnue, garantissant la confiance continue de nos clients.

HA DAYS