Safran : « Certains de nos achats indirects ont un impact sur la performance opérationnelle »
Alain Frehring, directeur achats hors production groupe de Safran, décrit son plan pour structurer, outiller et rendre plus efficiente la gestion des risques fournisseurs pour les achats hors production comme ceux liés à la production. Il est le grand témoin de l’atelier-débat « SRM : les nouvelles exigences de la gestion des risques », lors des HA Days indirects et sauvages des 16 et 17 octobre à Deauville.

Quel est le périmètre de la direction achats indirects de Safran ?
Le groupe est organisé par business unit. Il existe une direction achats de production par business unit, avec en central, coordination, méthode et outils. En revanche, les achats hors production sont centralisés depuis 2012 dans un centre de services partagés qui gère l’ensemble des sociétés du groupe. Safran grandissant par croissance externe, notre périmètre d’achats indirects croît régulièrement et atteint aujourd’hui environ 4,5 milliards d’euros d’achats gérés par 300 personnes. Nous comptons près 20 000 à 25 000 lignes fournisseurs par an. Mais, en excluant les tail spends, le cœur du panel comprend 2 000 fournisseurs.
Nous déployons une solution SRM depuis deux ans, qui couvre à la fois les périmètres achats production et hors production
Qu’avez-vous mis en place pour suivre la performance de vos fournisseurs ?
Nous déployons une solution SRM depuis deux ans, qui couvre à la fois les périmètres achats production et hors production. C’est une interface collaborative qui permet aux fournisseurs de renseigner un certain nombre d’informations. Ils peuvent accéder à leur fiche fournisseur et à l’intégralité des informations qui les concernent, évidemment leurs informations de paiement, mais pas seulement.
Nous y ajoutons progressivement différentes données provenant de sources externes telles que Dun & Bradstreet, ou encore Ecovadis. Nous sommes actuellement en train de connecter Ecovadis. A ce jour, 40 % de nos fournisseurs ont une notation Ecovadis et notre objectif est de couvrir la majorité des 2 000 fournisseurs de notre cœur de panel. Notre taux de notation est assez bon pour nos fournisseurs européens. Il chute en revanche lorsque nous intégrons les fournisseurs nord-américains et asiatiques.
Aujourd’hui, nous gérons nous-mêmes les informations liées au carbone, mais à termes nous complèterons probablement cela de sources externes. Nous étudions également la possibilité de déployer un module spécifique au risque qui permettrait de synthétiser et collecter à la fois des informations externes et internes.
Quelle est la colonne vertébrale de votre SI Achats ?
Toute la partie informationnelle - le SRM, le Sourcing et le Contracting -, nous sommes sur Oalia. Sur la partie transactionnelle, nous fonctionnons sur les backends en production, et sur Ariba pour la partie hors production.
Nous surveillons plus particulièrement tout ce qui est procédés spéciaux mais aussi certaines zones à l’international à risque
Comment priorisez-vous vos actions de contrôle et de vérification sur les fournisseurs prioritaires ?
Nous le faisons aujourd’hui via des analyses manuelles. Nous avons un module d’analyse qui prend en compte deux axes : la typologie du métier fournisseur et sa localisation. Nous surveillons plus particulièrement tout ce qui est procédés spéciaux mais aussi certaines zones à l’international à risque.
Nous faisons remonter l’information sur nos fournisseurs de production via une logique d’audits de certification et de qualification. Il y a sept ans, nous avons commencé à adresser des questionnaires à nos fournisseurs via des mailings pour qualifier le risque et la nécessité d’une visite ou d’un audit, que nous menons via Intertek. Ce process était très chronophage et trop lié à notre capacité à récupérer ces informations auprès des fournisseurs. Nous cherchons maintenant à l’automatiser en passant par des bases de données ou des organismes externes. Cela nous permettra aussi d’obtenir une vision beaucoup plus dynamique du risque.
Pour les achats indirects, nous n’avons pas la même capacité à nous appuyer sur des audits de certification et de qualification que pour les achats de production
En outre, pour les achats indirects, nous n’avons pas la même capacité à nous appuyer sur des audits de certification et de qualification que pour les achats de production. Nous nous contentons de sous-traiter un certain nombre d’audits sur les cas les plus critiques. Sur les achats de production en fonction de la criticité des fournisseurs nous pratiquons des audits tous les ans. Pour les fournisseurs critiques, les audits se déroulent tous les ans. C’est un rythme que l’on ne peut pas suivre en hors production.
Quel calendrier de déploiement envisagez-vous pour ce module dédié au risque ?
Ce module doit être déployé en 2026. Nous n’avons pas encore tranché entre le module de notre éditeur e-achat et un module spécialisé, sachant que les informations nécessaires pour la partie production sont spécifiques, dans la mesure où elles mixent des sources externes et internes via le réseau qualité performance fournisseurs. L’objectif étant de remonter de façon beaucoup plus dynamique des alertes en temps réel.
Le risque est aujourd’hui porté par le couple Achat et Performance fournisseur. Nous avons une organisation appelée SPM (supplier performance management) qui gère toute la performance fournisseur et qui porte le risque avec l’acheteur.
Y a-t-il des achats indirects critiques pour le business de Safran ?
Certains de nos achats indirects ont un impact sur la performance opérationnelle, notamment la maintenance des équipements mais aussi toute la gestion des produits chimiques qui s’avère particulièrement critiques lors des phases d’expansion comme celle que nous vivons aujourd’hui. C’est aussi le cas de l’intérim et particulièrement les prestations de maintenance et de construction de bâtiments. Nous prêtons aussi une attention aigue à la cybersécurité en ce qui concerne nos prestations d’ingénierie.
Sur ce sujet, dans le cadre de l’aéronautique, nous pouvons nous appuyer sur le module Air Cyber développé par Boost Aerospace. Nous travaillons dans le cadre de ce collectif pour mettre en place des outils, des approches communes pour mutualiser la problématique d’audit fournisseur.
EXERGUE
En cas de problème, notre capacité à mettre en place des alternatives ou à changer de fournisseur est sans commune mesure avec les achats de production
Votre gestion du risque concernant les achats indirects est-elle la même que pour les achats de production ?
En effet, nous avons un seul référentiel qui s’appelle One Safran Purchasing. La direction méthode et outil centrale a fait en sorte que nous ayons un seule et même outil, Oalia, sur la partie outils de métier achat. Au-delà de cette question des méthodes et référentiels, la différence fondamentale tient au fait que, en cas de problème, notre capacité à mettre en place des alternatives ou à changer de fournisseur est sans commune mesure avec les achats de production.