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Bertrand Lacotte structure les achats en Europe du géant indien Wipro

Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha

Nommé en septembre dernier, Bertrand Lacotte doit articuler les Achats de Wipro, un champion indien du conseil informatique, en Europe. Accompagné par une quinzaine de collaborateurs, le Français place au cœur de ses préoccupations ses clients internes. Il compte également sur un pilotage resserré de la relation fournisseurs.

Betrand Lacotte, directeur des achats Europe de Wipro - © D.R.
Betrand Lacotte, directeur des achats Europe de Wipro - © D.R.

Après avoir passé onze années chez Capgemini, dont huit ans aux Achats, Bertrand Lacotte a été recruté en septembre dernier par Wipro pour prendre la destinée du département achats Europe du groupe, avec un montant d’achats de près de 700 millions de dollars sous sa responsabilité. Le géant indien du conseil informatique et de l’intégration de système, dont le siège social est basé à Bangalore, affiche depuis deux ans désormais une croissance de près de 30 % et un chiffre d’affaires consolidé au 31 mars 2022 de 10,4 milliards de dollars.

Sa marge opérationnelle croît, elle aussi, de manière remarquable, tout comme sa valorisation qui dépasse maintenant 30 milliards de dollars. La multinationale, qui employait il y a encore deux ans « simplement » 170 000 personnes, recense aujourd’hui dans ses rangs quelque 260 000 collaborateurs, dont plus de 10 000 sur le Vieux continent.

Un potentiel planétaire qui prend forme

« Plus de 80 % des ressources humaines du groupe demeurent en Inde et plusieurs milliers de collaborateurs sont dédiés aux activités européennes du groupe », expose Bertrand Lacotte en introduction. En revanche, la part de chiffre d’affaires réalisée dans de la région Asie ne pèse que pour 10 % sur le chiffre d’affaires total, tandis que 30 % du chiffre d’affaires est réalisé en Europe ; au Royaume-Uni, en Irlande et en Allemagne majoritairement. Les Amériques représentent 60 % du chiffre d’affaires global du groupe. 

Des chiffres qui traduisent finalement l’internationalisation grandissante de Wipro et les ambitions de son PDG, Thierry Delaporte, à la tête du groupe depuis juillet 2020. Anciennement directeur délégué général de Capgemini, il est le premier français à prendre les commandes d’une entreprise de la tech indienne.

Une direction achats multiculturelle

La fonction achats de Wipro regroupe près de 170 collaborateurs. Sur son périmètre Bertrand Lacotte dirige une équipe de 16 personnes. Au cœur de son portefeuille : de l’IT évidemment (hardware, software, cloud, matériels et télécoms) à destination des clients internes et, surtout, finaux du groupe en Europe ; des frais généraux (immobiliers, services aux bâtiments et à l’occupant, énergie) ainsi que la sous-traitance.

À son arrivée, ces familles d’achats n’étaient conduites que par dix personnes, établies donc principalement en Inde, au siège social. « Cette hausse des effectifs et des ressources allouées s’explique par des recrutements et des parcours de mobilité interne », fait-il savoir. Seuls trois de ses collaborateurs résident en Europe : un responsable achats est basé en Allemagne, un autre couvre le Royaume-Uni et l’Irlande, tandis qu’une autre acheteuse se trouve en Roumanie.

Nous devons apporter le support achats attendu par nos clients internes

Un département achats de fait très éclaté géographiquement, qui n’a néanmoins posé que peu de problèmes d’adaptation à Bertrand Lacotte, lequel est rattaché au CPO. Or, ce dernier qui reporte à Jatin Dalal, le CFO, basé en Inde, est en cours de remplacement. « Ce n’était pas difficile de prendre mes marques. Je savais en arrivant de quelle manière était façonnée la direction des achats. Nous devons désormais apporter le support achats attendu par nos clients internes. Pour ce faire, nous devons nous structurer et augmenter la couverture au sein des pays dans lesquels nous opérons », explique-t-il.

L’adhésion et la proximité avec les clients internes … et les fournisseurs

Pour ce dernier, la décentralisation des Achats du continent européen doit donc permettre de renouer de plus près avec les clients internes. Mais aussi avec les marchés fournisseurs, cela pour soutenir de la meilleure manière qui soit l’impressionnante croissance du groupe. « Il n’est pas évident d’adresser nos fournisseurs et sous-traitants locaux correctement et de gérer en parallèle leur performance en étant à Bangalore », rappelle, non sans sourire, Bertrand Lacotte.

Le Brexit joue indéniablement dans nos activités. À la manière des échanges de marchandises qui impliquent de nouvelles problématiques douanières, affecter des ressources au Royaume-Uni engendre une certaine complexité dans les contrats

« Cela nécessite d’avoir des relais sur le terrain. L’Europe est un terrain de jeu fort intéressant, avec un potentiel de développement formidable », ajoute-t-il. Cependant le retrait du Royaume-Uni de l’Union Européenne vient quelque peu complexifier la tâche de la direction des achats. « Le Brexit joue indéniablement dans nos activités. Ce qui paraissait simple devient de fait plus difficile. À la manière des échanges de marchandises qui impliquent de nouvelles problématiques douanières, affecter des ressources au Royaume-Uni engendre une certaine complexité dans les contrats », développe Bertrand Lacotte.

La réussite de ce projet passera du reste par une simplification des processus sur les parties source-to-contract et procure-to-pay. « Nous devons les retravailler afin de les rendre plus agiles », plaide Bertrand Lacotte. Déjà déployée, la solution d’e-procurement portée par SAP Ariba reste, aux yeux de Bertrand Lacotte, encore à parfaire. « Il ne sert pas à grand-chose de rentrer au chausse-pied nos process au sein de nos outils. Il ne faut pas vouloir à tout prix répliquer nos modes de fonctionnement, mais plutôt se laisser porter par les outils et leurs fonctionnalités, sans quoi, nous ne pourrons pas profiter de leurs bénéfices », défend-il.

Les achats de classe C en ligne de mire

Dans le même sens et pour améliorer l’action de sa structure achats ainsi que son taux de couverture, Bertrand Lacotte va miser sur des outils spécifiques pour gérer les tail spend. Comme pour toute direction achats, les achats de classe C représentent une véritable source d’embarras. Pour autant, ils ne revêtent aucune importance stratégique tant ils sont peu récurrents. En moyenne, les achats de classe C représentent 5 % des dépenses, mais 75 % des fournisseurs. Un volume d’achats minuscule donc, partagé le plus souvent sur un grand nombre de fournisseurs et générant tout de même un nombre de commandes important. 

De plus, les coûts de maintien d’un fournisseur dans sa base sont non négligeables, même s’ils ne sont pas perceptibles par les clients internes. Autant de raisons donc qui poussent Bertrand Lacotte à s’outiller et se munir de plateformes et cartes d’achats. Entre Amazon Business ou par exemple Candex, un intermédiaire PtoP qui passe commande au nom de la direction achats auprès de fournisseurs ponctuels, Bertrand Lacotte se donne encore un temps de réflexion.

La RSE, une orientation à tenir et poursuivre

Aujourd’hui, 66 % des profits de Wipro sont reversés à la fondation Azim Premji (du nom de l’ancien président de Wipro) pour des actions philanthropiques. Trois grands domaines font l’objet d’une attention particulière : l’éducation, l’environnement et la santé. Durant le plus fort de la pandémie de Covid, la fondation a servi plus de 600 millions de repas et transformé l’un des campus du groupe en hôpital. Elle finance également de nombreux programmes d’éducation en faveur des enfants indiens défavorisés. En France, Wipro s’est en engagé envers la cause animale et soutient la Société Protectrice des Animaux (SPA).

Dans le même sens de la culture humaniste de son entreprise, Bertrand Lacotte voit dans la RSE un volet prioritaire. Un travail qui débute notamment par la qualification des partenaires du groupe et leur évolution dans le panel fournisseurs. «  La RSE irrigue toutes nos actions. Depuis un certain temps, la direction des achats interroge systématiquement ses fournisseurs sur le volet environnemental et sociétal. Nous concernant, si nos métiers ne sont pas générateurs d’une empreinte carbone conséquente, nous faisons des efforts sur la définition de nos besoins », assure-t-il en conclusion.