Stratégie ha

EDF : « J’ai un rôle chef d’orchestre pour aborder les achats de façon cohérente dans le groupe »

Par Guillaume Trecan | Le | Direction ha

Sébastien Laisné décrit ses nouvelles fonctions à la fois de pilote de la filière achats groupe et de directeurs achats indirects. Une nouvelle étape de réorganisation de la fonction achats du géant énergéticien français qui doit apporter plus de leviers de négociation et une force de traction plus importante, notamment pour faire avancer la RSE.

Sébastien Laisné, directeur achats groupe. - © D.R.
Sébastien Laisné, directeur achats groupe. - © D.R.

La filière achats d’EDF en chiffres

Effectif achats : 2 000 personnes réparties dans 12 entités

Montant des achats : 30 Mds d’€ et 20 000 contrats signés par an

Nombre de fournisseurs : plus de 100 000 fournisseurs actifs

Le groupe EDF vient de mettre en place un projet d’entreprise. Quel est l’impact sur la direction des achats du groupe ?

EDF déploie «  Ambitions 2035  », un projet de développement de performance et de transformation pour l’entreprise autour de quatre piliers : l’accompagnement des clients dans la réduction de leur empreinte carbone concrétisée par l’accélération des usages électriques ; l’augmentation de la production d’électricité à partir d’un mix nucléaire et renouvelables ; le développement des réseaux face aux défis de la transition énergétique et enfin, l’accroissement de solutions de flexibilité pour répondre aux besoins du système électrique.

L’exigence sur les délais d’achat est clé pour tenir le planning des grands projets du groupe

Ce projet met l’accent sur la performance opérationnelle et collective qui anime tous les métiers. C’est naturellement le cas pour la fonction achats. Par exemple, l’exigence sur les délais d’achat est clé pour tenir le planning des grands projets du groupe. Il renforce également le rôle des grandes filières transverses à l’échelle du groupe, notamment celui de la filière achats. A la tête de la filière achats, j’ai un rôle chef d’orchestre pour aborder les achats de façon cohérente dans le groupe. La filière compte plus de 2 000 acheteurs en France (EDF SA et filiales), en Angleterre (EDF Energy), en Italie (Edison), en Belgique (Luminus) répartis au sein de 12 fonctions achats dans le groupe.

Enfin, au-delà du pilotage de la filière achats, ma responsabilité porte également sur les achats indirects groupe, avec un objectif de gains par la massification.

Quel est le volume d’achats cumulé des douze entités achats du Groupe  ?

Ces fonctions achats réunies représentent près de 20 000 contrats signés en 2023 et plus de 30 milliards d’euros de contrats notifiés l’an dernier. Dernièrement, les achats d’investissements du groupe s’élevaient en moyenne de 12 à 15 milliards d’euros par an. Dans les années à venir, ils pourraient atteindre de l’ordre de 25 milliards d’euros par an.

Quel bénéfice le groupe espère-t-il tirer de l’animation transverse de la filière achats ?

La première des attentes du groupe vis-à-vis de la filière achats consiste précisément à maximiser l’effet groupe. Dégager des synergies, massifier, prescrire au juste besoin, cela apporte naturellement de la performance. Par ailleurs, certains de nos fournisseurs ont des positions de quasi-monopole, ils sont fournisseurs de toutes les entités du groupe, notamment sur les achats indirects. Adopter une approche groupe nous apporte plus de cohérence et de leviers de négociation. Renforcer la filière c’est apporter plus de cohérence dans la fonction achat au sein du groupe.

Nous travaillons sur la mise en cohérence des données de la filière achats et sur les connexions entre nos bases d’informations

Avez-vous défini une méthode pour dégager ces synergies ?

Cet exercice implique une capacité à développer une vision agrégée et sur le long terme de nos achats et de nos besoins à l’échelle du groupe, sur des domaines transverses comme l’IT, les achats tertiaires ou encore les prestations immobilières. Nous travaillons sur la mise en cohérence des données de la filière achats et sur les connexions entre nos bases d’informations, pour garantir la pleine exploitation des données achats et fournisseurs au service des entreprises du groupe EDF.

Le groupe recense plus de 100 000 fournisseurs actifs, c’est-à-dire des entreprises qui ont fait l’objet d’une commande dans les cinq dernières années. Ainsi, collecter et valoriser les données achats/fournisseurs du groupe a beaucoup de valeur pour mieux connaître nos achats, identifier puis actionner des leviers de performance et construire une relation plus globale avec certains. Nous initions la démarche par les achats auprès des fournisseurs stratégiques, puis nous élargirons progressivement nos analyses.

Outre cette meilleure vision de nos achats, en écho à notre Raison d’Etre et à notre ambition d’être un acteur de la décarbonation, nous travaillons également à l’intégration de la RSE dans nos achats avec un objectif ambitieux de réduction de leur empreinte carbone de 30 % d’ici 2030. C’est une des priorités de la filière à laquelle nous associons largement nos métiers prescripteurs et nos fournisseurs.

Avez-vous pour projet d’aligner tous les outils de pilotage des achats ?

A l’heure actuelle, nos systèmes d’information sont variés. A l’échelle du groupe, nous utilisons différentes solutions applicatives pour la réalisation et le pilotage opérationnel des achats. Nous n’avons pas l’ambition de tout harmoniser mais les données peuvent nous apporter une meilleure vision, par exemple, sur la qualité des prestations ou sur la RSE que ce soit sur les aspects santé et sécurité, empreinte carbone, ou encore valeur sociétale.

En matière d’e-procurement, chaque fonction achat a choisi ses outils sur son seul périmètre. Nous avons entamé une réflexion sur les bénéfices associés à la recherche d’un standard pour le groupe.

L’accélération et l’industrialisation du numérique est l’un des quatre chantiers du groupe. Dans le cadre de ce chantier, les grandes directions s’approprient les sujets numériques et les données. En tant que «  Business Process and Data Owner  » pour le Process «  Source to Pay  », je m’assure que chacun accède à la bonne information au bon moment sur le process de bout en bout et j’identifie une seule source de vérité pour une donnée.

En matière d’e-procurement, chaque fonction achat a choisi ses outils sur son seul périmètre. Nous avons entamé une réflexion sur les bénéfices associés à la recherche d’un standard pour le groupe. Un autre sujet sur lequel nous pensons qu’un standard est nécessaire, ce sont nos outils de mesure du carbone sur la Supply Chain.

Nous passons d’une animation à un pilotage plus construit de filière avec des objectifs communs

Quel process avez-vous mis en place pour effectuer la coordination avec vos confrères directeurs achats des autres entités ?

Les différents directeurs achats de la filière se réunissaient déjà régulièrement pour partager leurs grands enjeux. Nous passons d’une animation à un pilotage plus construit de filière avec des objectifs communs. Un comité de pilotage est en place et réunit l’ensemble des Chief Purchasing Officer du groupe et les experts des domaines sur lesquels nous travaillons. Nous avons désigné un chef de projet qui s’appuie sur les experts opérationnels en charge d’organiser les échanges avec l’ensemble de la filière sur cinq sujets prioritaires : RSE, compliance, compétences & expertises, process achats et e-procurement, données achats.

Comment avancez-vous sur la question de la RSE ?

Ce sujet est majeur pour EDF. La démarche achats durables et responsables que nous portons vise à faire d’EDF un acteur exemplaire en embarquant les fournisseurs et les prescripteurs. Convaincus que la décarbonation de l’économie nécessite une coopération et des partages d’expériences avec nos fournisseurs, nous avons lancé en 2023 le Club Fournisseurs RSE avec près de 80 fournisseurs. Dans le cadre de ce club, nous avons organisé des ateliers de travail pour déterminer collectivement les leviers les plus pertinents par catégories d’achats autour de deux thématiques  : le carbone et la ressource en eau. Cent fournisseurs étaient présents à la plénière du Club Fournisseurs 2024 pour partager les résultats de ces ateliers et alimenter des pistes d’actions communes.

La valorisation de ces travaux permet de construire des plans d’actions concrets sur les différentes catégories et d’inclure dans nos achats les leviers favorisant la neutralité carbone et la préservation des ressources. Les résultats seront mis au bénéfice de tous les opérateurs achats du groupe EDF et la démarche sera élargie à tous.

Nous travaillons sur un tronc commun de formations auquel s’ajouteront des modules de spécialisation

D’un point de vue ressources humaines, quel est le rôle de la tête de filière  ?

Notre ambition consiste à développer nos talents et à les fidéliser au sein de la fonction achats. Nous poursuivons le développement de nos expertises notamment en catégorie management, en pilotage des fournisseurs stratégiques ou encore en capacité d’analyse de la donnée achats. Pour cela, en lien avec notre direction des ressources humaines, nous travaillons sur un tronc commun de formations auquel s’ajouteront des modules de spécialisation. Nous travaillons aussi l’attractivité de la fonction achats. Nous encourageons également les parcours croisés entre les différentes entités du groupe au sein de la filière qui offrent des expériences riches et variées.

Y a-t-il une culture achats commune à créer, des différences de culture d’entreprise fortes entre les directions achats des différentes entités du groupe ?

L’élément qui nous rassemble tous chez EDF réside dans le rôle majeur du groupe dans la transition énergétique. Nous sommes tous bâtisseurs du système électrique de demain. C’est vrai pour la fonction achats comme pour les autres métiers du groupe quelle que soit l’entité d’appartenance d’un acheteur. Quand on est acheteur chez EDF, on est acheteur d’un des plus grands donneurs d’ordre français et on contribue directement au défi du siècle qu’est le changement climatique.