Les priorités achats à la Banque de France : sourcing, contract management, relations fournisseurs
Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha
Solange Darbes-Picca, directrice des achats de la Banque de France depuis avril 2024, nous décrit son plan de marche pour parachever l’important travail, entamé il y a près de dix ans, de professionnalisation de la fonction au sein de la Banque Centrale tricolore. Ses objectifs sont notamment d’amener encore plus de valeur aux entités prescriptrices en processant le sourcing et de monter en puissance sur le pilotage de la relation fournisseur ainsi que sur le sujet des achats responsables.
Après un passage réussi à la tête de la direction de l’immobilier et des services généraux de la Banque de France de mai 2019 à avril 2024, Solange Darbes-Picca a pris les rênes de la direction des achats de la banque centrale tricolore. À son entrée en 2010 au sein de cette même institution, elle avait (déjà) endossé le rôle de chef de services achats. Elle avait notamment travaillé à centraliser les achats domaines, hors IT et immobiliers. Solange Darbes-Picca revient donc d’une certaine manière à ses premières amours, prés de quinze années après son arrivée à la Banque de France, principal garant de la confiance dans la monnaie fiduciaire (billets et pièces en euro), pilier français de l’Eurosystème et un des principaux acteurs du pilotage de la politique monétaire de la zone euro.
Elle pilote la destinée d’un service qui a bien changé depuis son départ en début d’année 2017 vers la direction de l’immobilier et des services généraux, qu’elle avait intégrée alors comme adjointe au directeur de l’époque. « La fonction achats s’est largement professionnalisée au sein de la Banque de France depuis mon départ. Elle s’est notamment organisée autour de responsables de famille d’achats, a mené d’importants projets et s’est dotée d’un SI achat », introduit-elle. Alors qu’elle signait un peu moins de 300 millions d’euros d’achats en 2015, la direction des achats de la Banque de France a traité, en 2023, 600 millions d’euros de marchés signés. Un montant élevé imputable à certaines opérations exceptionnelles. « En moyenne, nous pilotons plus généralement entre 450 et 500 millions d’euros de marchés signés chaque année », précise la patronne des achats de la Banque de France, qui rapporte au Secrétariat Général, lequel héberge l’ensemble des fonctions supports en dehors des RH et de l’IT.
Pour administrer ce tout, Solange Darbes-Picca peut compter sur une organisation matricielle et spécialisée représentée par pas moins de 70 personnes. Le portefeuille géré par ses équipes se caractérise par une certaine profondeur. Il est structuré en trois grands domaines d’activité, chacun rattaché à un service : les achats informatiques ; les achats immobiliers (travaux, maintenance et services aux occupants) ; ainsi que les achats de services nécessaires au fonctionnement quotidien de la Banque de France (données de marché, prestations de commissaire au compte, assurances, services, complémentaires santé, formation, dispositifs de sécurité, communication …). Pour précision, la direction des achats de la Banque de France ne gère pas les achats de la direction générale des Moyens de paiement (DGMP), qui dispose de son propre service dédié.
« Nous comptons en tout et pour tout dix familles d’achat pilotées par autant de responsables »,explique Solange Darbes-Picca. Leur objectif : établir et mettre en œuvre aux côtés des prescripteurs une stratégie achats (fixée sur trois ans, renouvelable si besoin chaque année selon les évolutions du marché) propre à leur famille. Cette forme d’organisation, définie juste avant le retour aux affaires de Solange Darbes-Picca aux Achats, a été pensée pour adresser au mieux les enjeux de chaque famille d’achats de l’institution. « Les marchés fournisseurs à animer et connaître, ainsi que nos besoins en sourcing et en innovations rendent ce positionnement indispensable », soutient la nouvelle directrice des achats de la Banque de France.
Le sourcing, l’animation de la base fournisseurs et le contract management comme priorités
Notre feuille de route a été construite de sorte que les Achats amènent davantage de valeur aux clients internes. Pour cela, nous voulons notamment processer et professionnaliser le sourcing
La politique générale d’achats de la Banque de France s’articule autour de six grands axes : économique, l’amélioration des processus d’achats, le développement des achats responsables, l’écoute des clients internes, le soutien à l’Eurosystème et, enfin, la poursuite de la transformation de l’organisation achats et de l’évolution des familles d’achat. « Notre feuille de route a été construite de sorte que les Achats amènent davantage de valeur aux clients internes. Pour cela, nous voulons notamment processer et professionnaliser le sourcing. Nous en faisons, mais nous avons bien des marges de manœuvre pour en faire un véritable levier de performance achats », explique Solange Darbes-Picca.
Cette dernière compte également investir davantage de moyens sur la partie contract management. Aujourd’hui, sur les 70 personnes qui œuvrent quotidiennement au sein de la direction des achats, 20 travaillent sur la passation de commande. Un total qui semble important, mais pas vraiment au regard du nombre d’unités prescriptrices auxquelles font face les Achats. « Nous devons de ce fait apprendre à mieux identifier en amont les marchés qui doivent être suivis plus finement pour anticiper les difficultés qui peuvent se présenter », indique la directrice des achats de la Banque de France. L’animation de la relation fournisseurs est le troisième sujet prioritaire sur lequel Solange Darbes-Picca entend accélérer du fait de sa dimension stratégique.
Promouvoir les achats responsables, une mission de tous les instants
« L’outil que nous avons déployé adresse certains points importants du pilotage de la relation fournisseurs, mais pas tous malheureusement. Toutefois, l’outil n’est pas une fin en soi. Il ne décide en rien de la stratégie de sourcing, ni de la stratégie d’animation, rappelle-t-elle. Sur le sourcing et cette question de l’animation de notre communauté fournisseurs, nous devons d’abord définir ce que nous voulons faire ». Il n’empêche, qu’à terme, l’intégration d’une brique logicielle pour mener à bien le chantier du pilotage de la relation avec les tiers fournisseurs sera plus que bienvenue. « Ce sera un plus indéniable. C’est un sujet sur lequel nous n’avons pas ou, du moins, peu travaillé. Or, nous avons les données pour le faire », insiste la directrice des achats de la Banque de France.
Le dossier de l’animation de la communauté fournisseurs apparaît comme d’autant plus important que la Banque de France, comme pouvoir adjudicateur, a engagé une démarche ambitieuse en matière d’achats responsables. « Le suivi est généralement effectué par fournisseur ou par marché. Mais l’idée reste vraiment d’animer toute la communauté. Comme beaucoup d’acheteurs publics, nous promouvons des achats socialement et environnementalement responsables. La question est de savoir comment nous pouvons informer et communiquer auprès de l’ensemble de nos fournisseurs nos initiatives et objectifs », illustre Solange Darbes-Picca.
Signée en mars 2019, la Charte achats responsables de la Banque de France, destinée à ses fournisseurs et que ces derniers peuvent signer électroniquement, va continuer d’être déployée et mise en œuvre. Cette démarche a par ailleurs été renforcée par la publication d’un Schéma de promotion des achats responsables (Spaser) sur la période 2024-2026 qui comprend une trentaine d’indicateurs ainsi qu’une vingtaine de cibles.
Ce qui a été intégré dans ce Spaser pourrait à terme constituer notre grille d’analyse et de notation des offres
« Ce qui a été intégré dans ce Spaser pourrait à terme constituer notre grille d’analyse et de notation des offres, prévient la directrice des achats. Nous pouvons même imaginer que certains points seront des critères obligatoires de nos cahiers des charges ». Depuis trois ans, la Banque de France tente de systématiser le « réflexe » achats responsables chez ses acheteurs et ses prescripteurs, de réduire l’empreinte environnementale des achats et développer le volet social de l’achat responsable et de mettre en place un écosystème responsable avec ses prestataires et fournisseurs. Selon les marchés publiés par la Banque de France, le critère RSE compte pour 10 à 20 % de la note finale.
La direction des achats de la Banque de France participe par ailleurs à l’EPCO (Eurosystem Procurement Coordination Office), dont l’objet est de promouvoir la mise en place de procédures d’achat communes pour les banques centrales de l’Eurosystème et les institutions participantes. Le chantier lié à l’économie circulaire et l’animation des filières de réemploi n’a pas encore été mis à l’ordre du jour de l’établissement. Mais peut-être le sera-t-il un jour. « Il est plus question ici d’achats en commun que d’animation de filières ou d’un réseau de fournisseurs. Cela dit, peut-être, qu’un jour, le sujet sera abordé et adressé. Notre chance est de ne pas être en concurrence et cela pourrait bien faciliter les choses », conclut Solange Darbes-Picca.