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Club des Managers Achats : Comment bien mettre sous contrôle ses tail spend ?

Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha

Le premier Club des Managers Achats a vu une vingtaine de directeurs et responsables achats échanger sur la question des tail spend. Si certains ont mis le sujet sous contrôle, d’autres n’en sont qu’au début de l’histoire et doivent avancer sur ce sujet sans fin pour dénicher des leviers de performance, d’optimisation et des pistes d’économies.

Club des Managers Achats : Comment bien mettre sous contrôle ses tail spend ?
Club des Managers Achats : Comment bien mettre sous contrôle ses tail spend ?

Dans les tail spend, tout reste à faire ou presque. Les achats de classe C représentent pour toute direction des achats de véritables sources d’embarras et pourtant, ils ne revêtent que très peu d’enjeux stratégiques. Ceux-ci peuvent être définis dans l’ensemble comme étant tous les achats ponctuels, ou peu récurrents et de faibles montants concernant des produits, biens ou services nécessaires à une organisation pour assurer son bon fonctionnement. Généralement, ces achats mobilisent un trop grand nombre de ressources humaines pour ce qu’ils représentent et accaparent un temps précieux. Les acheteurs n’ont d’ailleurs que très peu de valeur ajoutée à apporter sur ce type d’achat.

Le coût administratif d’un fournisseur, pour une dépense qui est marginale, est monstrueux. Il faut parvenir à le réduire et si possible à massifier les choses pour sortir de cette spirale

Selon certaines estimations et études menées auprès de directions des achats, les achats de classe C représentent entre 5 % et 10 % des dépenses en moyenne, mais près de 75 % des fournisseurs et au moins - si ce n’est plus - la moitié des commandes passées. En plus d’impliquer une multitude de fournisseurs, ces achats en faible volume sont très souvent non structurés et engendrent un manque de visibilité criant. Le grand nombre de commandes qu’ils génèrent oblige par ricochet la comptabilité à se démultiplier ; au risque de se disperser malheureusement puisque devant administrer un trop grand nombre de factures. Or, le coût de processer un bon de commande ou une facture n’est pas négligeable. Les services comptabilité ne sont souvent pas en mesure de suivre la dynamique et il est important de trouver un moyen de les désengorger et de les alléger ; sans oublier le fait que les tail spend viennent derrière encombrer la base fournisseurs. « Le coût administratif d’un fournisseur, pour une dépense qui est marginale, est monstrueux. Il faut parvenir à le réduire et si possible à massifier les choses pour sortir de cette spirale », clame l’un des convives. De fait, la gestion des dépenses des tail spend représente de fait un défi croissant pour les directions achats, en raison de plusieurs facteurs clés.

Les acheteurs n’ont toutefois que peu de temps à y consacrer, et ce malgré les problématiques qui les entourent. En maîtrisant les coûts relatifs à ces achats, les entreprises peuvent pourtant espérer obtenir un avantage compétitif de taille. La juste analyse des données, formidable levier de performance lorsqu’elles sont pleinement exploitées, est le point de départ d’une telle démarche.

En somme, le challenge pour les directions achats est donc de récolter, de structurer et d’analyser les données relatives à ces achats, afin d’être en mesure de faire les choix stratégiques qui permettront de les optimiser et de réaliser des économies substantielles. Et pour cause, l’optimisation du tail spend peut libérer des ressources significatives pour les entreprises.

Savoir ce qui est acheté en réalisant une cartographie

Pour mieux piloter ces achats, qui ne nécessitent pas d’entretenir des relations très resserrées avec les fournisseurs, il existe des outils et moyens d’accélérer et simplifier la consultation d’un grand nombre de fournisseurs. De plus, les entreprises pourront ainsi limiter leurs risques sur les petites dépenses qui, si elles sont mal maîtrisées, peuvent les exposer au niveau contractuel, financier ou encore éthique. Prendre le contrôle du tail spend est donc une démarche essentielle pour les directions achats qui souhaitent maximiser leur efficacité. En adoptant des outils digitaux, en rationalisant leur base fournisseurs et en favorisant une culture de conformité et d’optimisation, elles pourront d’ailleurs aider leur entreprise à transformer les dépenses marginales en leviers de performance.

Pour gagner davantage en visibilité, les directions achats se doivent d’analyser les dépenses pour identifier les segments critiques ; de définir le tail spend au sein de l’entreprise ; d’identifier ce qui peut être considéré comme tel et, ensuite, le mettre sous contrôle le plus rapidement possible. « Ils peuvent représenter une part importante du chiffre d’affaires, c’est aussi pourquoi il est important de les identifier et de les examiner en profondeur quand bien même on est attendu dans les faits sur des projets plus stratégiques », avance l’un des convives.

Pour ce faire, mettre en place des outils de suivi pour consolider les données provenant de multiples sources est évidemment bienvenu. Vient ensuite le moment de segmenter les fournisseurs, rationaliser le portefeuille en fonction des priorités stratégiques et définir des processus clairs pour encadrer les achats non stratégiques. Certains invités autour de la table indiquent d’ailleurs avoir défini un seuil clair, plus ou moins élevé selon la taille de l’entreprise. « Toute dépense inférieure au seuil entre dans cette catégorie », commente un directeur achats.

Recourir à des catalogues prédéfinis et à des contrats-cadres pour limiter la variabilité peut constituer un excellent moyen de répondre à cette problématique. Certaines directions des achats font également le choix d’automatiser les achats récurrents à faible valeur grâce à des plateformes numériques. « Ce sont des achats diffus, il faut donc se donner les moyens de les mettre sous contrôle », explique un autre. Collaborer avec des fournisseurs clés, après publication d’un appel d’offres, pour renforcer la qualité et la fiabilité des services peut se révéler comme une autre manière de mettre le sujet sous contrôle, d’autant que cela permet de garantir (ou du moins davantage) garantir un certain niveau de conformité réglementaire et éthique sur ces achats à faible volume. « Cela permet dans l’ensemble de s’assurer de meilleures conditions d’achats et de ne pas sourcer auprès de n’importe qui », assure un autre.

Donner la main tout en apportant du contrôle

La logique ici n’est pas forcément d’obtenir les meilleurs prix en prenant chaque produit de façon isolée, mais bien de réfléchir en globalité et de façon efficace. Le but étant de faire gagner du temps aux équipes achats mais aussi aux opérationnels dans l’acte d’achat. Les catalogues, sous forme de punch-out ou hébergés, permettent ainsi de gagner grandement en productivité et en efficience. Le premier est un catalogue électronique faisant partie intégrante des solutions d’e-procurement, avec une interface entre la solution e-achat du client et le site Internet du fournisseur. Le catalogue hébergé est quant à lui archivé dans le système P2P du client. Contrairement aux Punch-out, qui proposent une offre large, les catalogues hébergés sont généralement plus adaptés à la gestion de listes d’un certain nombre de produits. « C’est un moyen de massifier qui est très intéressant », explique l’un des responsables achats qui en a poussé plusieurs au sein de son entreprise.

Pour fluidifier les dépenses de faible valeur, certaines entreprises, comme le fait remarquer une convive, rendent obligatoire l’utilisation de P-cards. Pour toute dépense qui ne dépasse pas un certain seuil, le collaborateur engage nécessairement l’utilisation d’une carte de paiement digitale, lesquelles permettent d’ailleurs de définir différents niveaux d’approbation. « C’est une bonne solution, mais au regard de notre taille et de notre culture d’entreprise, c’est difficile de donner la main à un prescripteur avec les seuils que nous avons définis », se désole toutefois l’un des invités.

L’externalisation présente évidemment plusieurs avantages, mais le coût à la sortie, si elle est décidée un jour, peut être très important

Le recours à l’externalisation, qui consiste au transfert de responsabilité d’activités vers un tiers, avec obligation de résultat, peut aussi permettre aux entreprises de ne plus passer par une multitude fournisseurs. Ce service suppose en amont l’intégration des prestations élémentaires des Achats, pour la confier ensuite, partiellement ou dans sa totalité, à un mandataire spécialisé, lequel sert d’intermédiaire administratif et financier, qui achète auprès d’un fournisseur. Une bonne solution qui présente néanmoins une limite importante selon l’un des invités : « l’externalisation présente évidemment plusieurs avantages, mais le coût à la sortie, si elle est décidée un jour, peut être très important ».