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L’innovation fournisseur comme antidote à la crise

Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha

Le dîner-débat du Club Planète Sourcing de la rentrée a réuni une trentaine de directeur achats grand groupe, qui ont partagé des échanges de vues sur la thématique de l’innovation fournisseur. Pour la grande majorité d’entre eux, cela pourrait constituer un moyen de faire face à la crise et de se différencier de la concurrence. Mais appréhender ce processus complexe n’est pas une mince affaire pour les Achats.

L’innovation fournisseur comme antidote à la crise
L’innovation fournisseur comme antidote à la crise

La conjoncture économique, affectée par des pénuries, des difficultés d’approvisionnement et une inflation vertigineuse des cours de l’énergie pousse les directions achats à se renouveler et à innover pour dénicher de nouveaux moyens de sortir par le haut de cette crise multifactorielle. Innover dans leur pratique et à faire jaillir l’innovation de son panel fournisseur et de son sourcing. Pour le directeur achats du groupe Sodiaal, Yasser Balawi, co-président du Club Planet Sourcing, cette mission est plus que jamais une exigence. « L’innovation pourrait être un levier majeur pour sortir de cette spirale infernale longue de près de deux ans. Il est important de la chercher, de la capter et de la développer », plaide-t-il. 

Nous avons intégré un critère sur la capacité à développer des outils innovants, qui est incontournable pour l’attribution du statut préférentiel

L’innovation, un objet différenciant indissociable d’une stratégie globale

L’écart entre les directions achats qui ont cultivé des relations fournisseurs étroites et collaboratives et les autres semble significatif. Dans le pilotage de la relation fournisseurs, la valeur tirée d’une innovation peut s’avérer énorme : faire la différence avec la concurrence en repensant son offre de services ou de produits… voire le business model de son entreprise. « Pour inciter nos fournisseurs à innover, nous avons intégré un critère sur la capacité à développer des outils innovants, qui est incontournable pour l’attribution du statut préférentiel », explique un directeur achats d’un groupe industriel. Des orientations qui doivent bien entendu s’intégrer dans les grandes lignes stratégiques de l’entreprise et sa feuille de route technologique. 

Du temps pour le sourcing et le scouting

Les entreprises n’ont plus la capacité d’innover seules. Elles doivent opérer dans des écosystèmes plus résilients pour être elles-mêmes plus résilientes. Seulement, pour que le rôle des acheteurs ne se limite pas à capter des innovations sur étagère, mais plutôt à intégrer les fournisseurs dans la co-construction d’une solution réellement différenciante, encore faut-il que les Achats soient impliqués très en amont.

Chez certains, cette volonté se heurte à la capacité des Achats à allouer des ressources dans des actions d’innovation… Pour une directrice achats d’un grand groupe tertiaire - fine observatrice de la fonction achats - beaucoup d’acheteurs peineraient même à dédier une majorité de leur temps au sourcing. Le transactionnel accaparant leurs activités.

D’où, peut-être cette image de fonction arcboutée sur le respect des process et ses référencements que certaines startups ont encore des achats à en croire Grégoire Souloy, responsable de l’équipe Corporate au sein du Hub BPI France.

Ce qui change aujourd’hui, c’est que l’innovation doit être mise en place rapidement

Des innovations fournisseurs tout de suite et maintenant

Ces pesanteurs sont d’autant moins supportables que l’urgence de la situation commande de la réactivité. Alors que la co-innovation répond le plus généralement à un processus moyen, long terme impliquant en plus d’acteurs externes, différents métiers, le marketing et éventuellement la R&D, la crise implique un changement de braquet, assure la directrice achats indirects d’un grand distributeur. « Ce qui change aujourd’hui, c’est que l’innovation doit être mise en place rapidement. Elle doit porter sur des sujets susceptibles de s’inscrire, dans l’immédiat, au service du business. » « Elle doit être déployable facilement et rapidement, d’autant plus dans cette situation d’urgence », poursuit-elle. 

Les fournisseurs qui s’avèrent les plus innovants sont souvent ceux qui ne travaillent pas encore à nos côtés et qui veulent conquérir un nouveau business

 

Fournisseurs installés VS fournisseurs challengers 

Si la numérisation et la digitalisation du métier sont bien entamées, éloignant les acheteurs de certaines tâches administratives chronophages, l’humain n’a pas dit son dernier mot. Et pour cause, seul l’humain peut satisfaire le souhait de mieux collaborer pour innover ensemble. Il est ici question de stimulation et de motivation des fournisseurs, à l’heure où de nombreuses directions achats de grands groupes, comme le fait remarquer une directrice achats présente, peinent à obtenir des innovations de leurs fournisseurs les plus stratégiques. « Les fournisseurs qui s’avèrent les plus innovants sont souvent ceux qui ne travaillent pas encore à nos côtés et qui veulent conquérir un nouveau business. Nos fournisseurs de longue date proposent souvent leurs innovations à d’autres clients », observe-t-elle, non sans frustration. 

Plaidoyer pour l’acheteur de terrain

Créer de la valeur et innover, tout en réduisant les coûts et en sécurisant coûte que coûte les approvisionnements, est-ce vraiment possible ? On en revient à la part de leur temps que les acheteurs peuvent consacrer à la recherche d’offres et de fournisseurs alternatifs. Une autre directrice achats estime que, pour mieux les impliquer, il est indispensable de « soutenir la curiosité des acheteurs pour leur permettre d’apporter de l’innovation, d’autant plus auprès de fournisseurs non stratégiques ou nouveaux ». Une de ses paires abonde dans le même sens. « Un acheteur doit avant tout être sur le terrain, pour rencontrer les fournisseurs, mais aussi les clients internes, afin d’améliorer à terme le service ou le produit et se familiariser avec les outils de production des partenaires ».