Défaillances d’entreprises : la stabilisation de 2025 masque une fragilité structurelle
Selon l’étude annuelle du groupe BPCE, la hausse du nombre de défaillances d’entreprises en France ralentit, mais le niveau atteint demeure historiquement élevé dans un contexte de demande en berne et d’incertitude politique accrue.

Après deux années de rattrapage post-Covid, le rythme des défaillances d’entreprises semble enfin se modérer. Il n’en demeure pas moins extrêmement élevé, faisant de l’année 2025 une année quasi-à part. Selon le bilan publié par la direction Études et Prospective du groupe BPCE, près de 69 000 entreprises ont cessé leur activité sur douze mois à août 2025, un niveau en hausse limitée de 3 % sur un an, contre +18 % à la même période 2024. L’année 2025 marque donc une inflexion, sans pour autant constituer une réelle amélioration : jamais le nombre de défaillances n’avait été aussi élevé depuis quinze ans.
Une conjoncture économique en perte de souffle
L’étude replace ce mouvement dans un environnement macroéconomique détérioré. La demande adressée à l’économie française poursuit son repli et devrait atteindre en 2025 son plus bas niveau depuis plus d’une décennie. Le taux d’épargne des ménages, très élevé une nouvelle fois, traduit la prudence persistante des consommateurs, tandis que la hausse des taux d’intérêt pèse sur le financement des entreprises.
Au premier semestre 2025, les sociétés non financières ont enregistré un besoin de financement de près de 7 milliards d’euros, déjà supérieur à celui constaté en 2020 ou 2022. Cette tension de trésorerie s’explique à la fois par la contraction de la demande et par le coût du réajustement des stocks accumulés pendant la période de désorganisation post pandémie.
Parallèlement, le climat des affaires demeure dégradé dans la quasi-totalité des secteurs. Les indicateurs de confiance reculent dans l’industrie et le commerce de détail, tandis que l’emploi salarié marchand s’effrite, notamment dans la construction. La productivité se redresse (très) lentement, sans parvenir à compenser le choc subi durant la crise sanitaire.
Les incertitudes politiques freinent les décisions d’investissement
Le retour d’un certain niveau d’instabilité politique observé depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024 a accentué cette prudence. Ainsi, à titre d’illustration, près d’une PME sur deux a reporté ou annulé ses projets d’embauche à la suite des événements politiques. S’agissant des projets d’investissement, la hausse est encore plus marquée (+ 16 points de pourcentage), à 76 %.
Les grandes entreprises et les ETI n’échappent pas à ce climat d’incertitude, qui retarde leurs décisions d’expansion et pèse sur la demande adressée aux sous-traitants. La photographie sectorielle et structurelle des défaillances met en lumière une fragilité concentrée dans les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et, dans une moindre mesure, dans les PME. Aujourd’hui, PME et ETI représentent plus d’un quart des défaillances contre moins d’un cinquième par le passé.
Depuis 2019, les défaillances ont augmenté de 94 % pour les ETI et de 50 % pour les PME, contre 9 % pour l’ensemble des entreprises. Les sociétés âgées de 3 à 10 ans représentent désormais près de 40 % des défaillances, proportion en hausse sensible. Ces entreprises, souvent en phase de consolidation de leur modèle économique, se montrent particulièrement fragiles face à la hausse des coûts du crédit et à la volatilité de la demande.
Sur le plan sectoriel, les disparités demeurent fortes. La construction et le transport-logistique concentrent à eux seuls 23 % des emplois menacés, alors qu’ils ne pèsent qu’environ 8 % dans l’emploi total. À l’inverse, le commerce et les services aux entreprises apparaissent un peu moins exposés que la moyenne.
Emplois menacés : un reflux encore limité
En août 2025, le nombre d’emplois menacés par une défaillance sur douze mois glissants atteint 245 000, soit un léger repli par rapport aux pics de 2023 et 2024. La baisse reste modeste, mais témoigne d’une forme de stabilisation après trois années de tension. L’étude souligne toutefois un risque : les défaillances d’ETI peuvent encore se propager à leurs chaînes d’approvisionnement, principalement composées de très petites entreprises (TPE).
En proportion du tissu économique, le taux de défaillance des entreprises demeure stable à 1,1 %, niveau identique à 2019. Si cette stabilité suggère une certaine résilience, elle masque tout de même de fortes disparités régionales : les taux les plus faibles se situent en Bretagne (0,8 %), en Franche-Comté et dans les Pays de la Loire (0,9 %), tandis qu’ils dépassent 2 % en Île-de-France et atteignent plus de 3 % dans les départements d’outre-mer.
Un point haut durable
L’Observatoire du groupe BPCE maintient donc que le nombre total de défaillances atteindra 69 000 sur l’ensemble de l’année 2025. L’inflexion observée en cours d’année ne suffira pas à effacer la séquence de rattrapage ouverte depuis deux ans désormais. Les économistes du groupe estiment que le retour à un niveau pré-crise pourrait encore prendre plusieurs trimestres, compte tenu de la faiblesse de la demande intérieure, du coût du financement, et de l’environnement politique et budgétaire incertain.