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Orano invite ses fournisseurs à participer à la relance du nucléaire

Par Guillaume Trecan | Le | Direction ha

Orano a réuni 120 représentants de fournisseurs le 21 mars à Paris pour partager les défis de la relance de la filière nucléaire. Avec six années de carnets de commandes enregistrées et l’assurance de devoir investir au-delà de 2040, la visibilité offerte aux fournisseurs est exceptionnelle. En échange, les défis de performance économique et opérationnel sont également très élevés.

Les Orano Suppliers Award 2024 ont réuni plus de 200 personnes dont la quasi totalité du comex. - © Républik
Les Orano Suppliers Award 2024 ont réuni plus de 200 personnes dont la quasi totalité du comex. - © Républik

Avec un carnet de commandes représentant au total six années de chiffre d’affaires et neuf milliards d’euros de commandes enregistrées sur la seule année 2023, la direction Supply Chain d’Orano a les moyens d’engager des discussions constructives et de long terme avec ses fournisseurs. Les Orano Supplier Awards 2024, organisés sous l’égide de la direction supply chain du groupe, qui se sont tenus le 21 mars dernier, ont réuni 200 personnes dont 120 participants fournisseurs et la quasi-totalité de son Comité Exécutif. Ce fût l’occasion de dresser un panorama détaillé des opportunités à saisir dans le sillage de la relance du nucléaire.

La meilleure année depuis 2018

Avec ces prises de commandes, 2023 constitue la meilleure année d’Orano depuis sa création en 2018. Le chiffre d’affaires du groupe s’est élevé à 4,8 milliards d’euros, en croissance de 13 %, saluée par le directeur client et stratégie, Jacques Peythieu. L’horizon d’Orano se dessine avec, en toile de fond, la nécessité de multiplier par deux la base installée de l’industrie nucléaire d’ici à 2050 pour répondre à la hausse des besoins.

Dans le nucléaire, on voit loin. Le Conseil de Politique Nucléaire du 26 février a sécurisé l’aval du cycle, traitement et recyclage, engageant par là même Orano à pérenniser ses usines de La Hague et de Melox jusqu’en 2040, puis à réfléchir à construire les prochains moyens. Sur ses seuls sites de La Hague et Melox, le groupe engage déjà 200 à 220 millions d’euros de capex chaque année. « Pour leur pérennité, nous souhaiterions ajouter entre 50 et 100 millions d’euros par an sur ces deux sites », déclare la Directrice de la BU Recyclage Corinne Spilios.

Des investissements en France et dans beaucoup d’autres pays

Pour Orano et ses partenaires, il ne s’agit d’ailleurs pas seulement de répondre aux besoins français, mais aussi de nombreux pays, pour lesquels cette énergie décarbonée connaît un retour en grâce : le Royaume Uni, la Finlande, la Belgique, l’Italie, ou encore les Etats-Unis. Le DG d’Orano, Nicolas Maes était d’ailleurs retenu à Bruxelles par un sommet de l’AIEA, réunissant chefs d’Etats, de gouvernements et d’autres dirigeants de la filière nucléaire. A l’avenir, Orano va devoir aussi investir dans les mines au Canada et au Kazakhstan et celles qui pourraient les compléter en Mongolie ou en Ouzbékistan. La conversion monte en capacité, avec l’usine Philippe Coste au Tricastin de même pour l’enrichissement, avec l’extension de l’usine Georges Besse II.

Tout redémarre en même temps : l’amont, l’aval et les nouvelles activités, qui nécessiteront d’engager des investissements, pour le nucléaire médical et pour le recyclage des batteries

« Tout redémarre en même temps : l’amont, l’aval et les nouvelles activités, qui nécessiteront d’engager des investissements, pour le nucléaire médical et pour le recyclage des batteries », se réjouit Jacques Peythieu. Acteur de l’Alpha immunothérapie ciblée, Orano a lancé la construction d’un outil industriel dans le valenciennois. Fort de son partenariat avec Stellantis et XTC, Orano ambitionne de construire une plateforme industrielle dédiée au recyclage et à la fabrication de matériaux de cathodes pour les batteries automobiles près de Dunkerque.

Des perspectives réjouissantes pour nombre des fournisseurs historiques du groupe mais qui promettent de bouleverser leurs habitudes, notamment en termes de tempo. « Cela nous a amené à entrer dans un univers que nous ne connaissions pas encore très bien. Notamment dans le recyclage de batteries, nous allons beaucoup plus vite que dans le nucléaire », souligne Guillaume Dureau, Directeur de la BU Projets, R&D, Innovation et Nouvelles Activités.

Livrer les projets dans les temps et le budget, une question de confiance

Corinne Spilios rappelle à quel point il est crucial, pour maintenir la confiance dans l’industrie nucléaire, de réaliser les projets dans les temps et avec un budget compétitif. « Démontrons tous ensemble dans la filière que nous sommes capables de délivrer nos projets tels que prévus », lance la directrice de la BU recyclage à l’adresse des partenaires d’Orano.

Nous comptons sur vous pour gagner encore en performance, nous apporter davantage de propositions d’amélioration, et nous accompagner dans le développement du groupe

Le défi d’Orano consiste donc à réussir à être à la hauteur de la demande croissante en termes d’exécution et à le faire avec un haut niveau de performance financière. Un sujet logiquement développé par le Directeur de la Performance, Pascal Aubret, à qui reportent les Directions Supply Chain, Qualité, Excellence Opérationnelle, Systèmes d’Information et Digital. Orano a lancé le plan « Opteam 26 » visant à générer 300 millions d’euros de performance opérationnelle. « Nous cherchons à associer l’ensemble de nos partenaires dans cette performance », explique Pascal Aubret. Un sujet bien sûr central dans les messages adressés à l’occasion de cette journée fournisseurs et repris par le Directeur Supply Chain d’Orano, Matthieu Euvrard. « Nous comptons sur vous pour gagner encore en performance, nous apporter davantage de propositions d’amélioration, et nous accompagner dans le développement du Groupe et la construction de son futur », insiste-t-il, tout en rappelant qu’Orano a lancé plusieurs pilotes « Design to Manufacture » impliquant ses fournisseurs.

Les membres du Comex d’Orano ne se sont pas contentés de rappeler les efforts qu’ils attendent de leurs fournisseurs en matière de performance opérationnelle et financière, ils ont montré l’exemple en rappelant leurs différentes initiatives en la matière. Un plan d’économies de ressources engagé sur la période 2019-2025 a par exemple permis de réduire respectivement de 10 % et 20 % les consommations d’énergie et d’eau.

Afin de mettre en valeur ses fournisseurs les plus performants, ceux qui s’inscrivent dans sa démarche d’engagement et contribuent à son plan stratégique, Orano a sélectionné 50 partenaires pour quatre thèmes et trois d’entre eux ont été primés dans chaque catégorie avec un clin d’œil à l’année Olympique.

Les lauréats des trophées fournisseurs

Prix Compétitivité, qualité, excellence opérationnelle 

Or, Inéo Nucléaire ; Argent, SNEF, Bronze ILF Engineering

Prix Responsabilité sociétale et environnementale 

Or, Actemium ; Argent, Artukov ; Bronze, Groupe RG

Prix Innovation

Or, Piercan ; Argent, Agence Smart Industrie ; Bronze, Axeal

Prix Compétence, expertise, ressources

Alpiq Energie France ; Argent, Shema ; Bronze, Ingerop

Prix spécial du Jury : Foselev

Bruno Cagnol, DG de Foselev : « Nous avons acquis une capacité à résoudre ensemble les problèmes en toute transparence »

Bruno Cagnol - © D.R.
Bruno Cagnol - © D.R.

Quels sont les projets qui nous ont valu le prix spécial du jury que vous a attribué ?

Ce prix spécial nous a été attribué en récompense d’une multitude de projets, qui reflètent la qualité et la durabilité de la relation qu’entretiennent Orano et le groupe Foselev. Cette relation a débuté en 1980 et se prolonge en se bonifiant et en se réinventant. Nous faisons ensemble des chantiers difficiles, sur lesquels il peut nous arriver de rencontrer des problèmes ou des tensions, mais nous réussissons toujours à trouver une solution équilibrée. Ce dialogue fonde la qualité de notre relation.

Lors de cette journée fournisseurs, la direction achats d’Orano a mis en avant en particulier deux réalisations. Le projet NCPF à La Hague de construction de nouveaux évaporateurs, sur le cycle aval de la chimie d’uranium, a mobilisé 250 personnes, sur quatre ans. Ce projet, qui représente plusieurs dizaines de millions d’euros, était un projet compliqué avec notamment des problèmes d’accessibilité à résoudre. Nous avons également été félicité pour nos opérations de maintenance quotidiennes à Pierrelatte, Malvezie et Marcoule. Orano n’est pas seulement un client mais aussi un partenaire industriel avec lequel il nous arrive de répondre à des appels d’offres en commun.

Est-ce que vous réussissez à bénéficier du rayonnement international d’Orano ?

Nous ambitionnons de de suivre Orano dans ses projets hors de France, comme nous l’avons fait avec d’autres clients tels que Naval Group, ou encore, prochainement, EDF. Mais nous n’avons jamais privilégié le volume à la qualité et nous voulons conserver cette capacité à mener correctement les projets que l’on nous confie avec le plus haut niveau de qualité.

Comment la fonction achats d’Orano parvient-elle à animer la relation avec le groupe Foselev dans le temps, au-delà des projets ponctuels menés par les différentes filiales de votre groupe ?

Pour tout le groupe, nous avons un interlocuteur unique aux Achats d’Orano, que nous rencontrons très souvent. Nous dialoguons régulièrement et nous avons acquis une capacité à résoudre ensemble les problèmes en toute transparence. Réinventer la relation, se remettre en cause, demande d’être compétitifs sur la qualité, sur les délais, sur les prix.

Leur process se décline sur le long terme. Ils ont également une fonction achats très intégrée aux besoins industriels. Les acheteurs sont très à l’écoute des besoins des métiers. On sent d’ailleurs dans le comex d’Orano, une équipe soudée avec laquelle les Achats sont parfaitement alignés. Ce qui caractérise notre relation, c’est surtout la confiance.

Comment réussir à réinventer une relation d’aussi long terme sans tomber dans l’interdépendance ?

Nous veillons bien à ne pas être en dépendance. Le chiffre d’affaires du groupe Foselev est très diversifié. Ensuite nous réinventons la relation en évoluant, en se modernisant. Le numérique, notamment, est un virage indispensable, notamment sur nos métiers des procédés de soudage dans des environnements contraints. Nous investissons également beaucoup d’énergie dans la performance industrielle, une personne en interne est dédiée à cette tâche. Nous nous devons d’innover dans nos méthodes de suivi de chantier.

Nous avons inclus les études dans les prestations que nous apportons à Orano. Cela leur permet de se concentrer sur des études process à forte valeur ajoutée, tandis que nous leur fournissons une prestation d'études d’exécution.

Une piste de progrès à suggérer à Orano ?

J’aurais bien du mal à leur donner des leçons parce que, depuis notre premier chantier en 2012, nous les avons tellement vu évoluer, notamment dans leur capacité à gérer des projets. Ils ont des équipes projets extrêmement attentives et ouvertes qui savent que les projets se gagnent en équipe. C’est un point primordial pour fonder notre relation de confiance.